C’était singulier, de marcher entre les arbres, bâtiments hétéroclites, sous cabanes suspendues et passerelles. Voir des enfants courir et se pourchasser et des adultes déambuler calmement dans les rues. Ce n'était pas parfait, mais c'était quelque chose. Tout cela, tout ce qui serait considéré “normal” était étranger pour Isaac. Il n’avait jamais vécu normalement et voir cette cité, cette ville pour les gens comme lui, grandir au fil de ses visites était… unique. Lui ne serait pas capable de vivre ainsi, dans cet endroit longtemps. Il avait épousé une existence nomade de par son statut de sang et la situation géopolitique depuis déjà trop longtemps. Il a été élevé dans cette culture du doute et de survie, il a naquit dans celle-ci. Il n’a pas choisi cette vie, mais c’est tout ce qu’il a connu depuis sa tendre enfance. Certaines cicatrices ne s’effacent pas.

Guirlandes éclectiques de lumières, lanternes et lampadaires parsèment les rues organisées chaotiquement, organiquement, au rythme de l’expansion de Vivecime, et sont allumées en cette soirée. C’est un spectacle à la fois excentrique et juste saisissant. L’électricité était de retour. Un souvenir du passé venu éclairer littéralement. Quelques peu ironique. C’était étrange de marcher sous éclairage sans devoir regarder derrière son épaule, faire attention à peser chacun de ses mots. Isaac continuerait à le faire, ne vivant pas là assez longtemps pour se mettre à l’aise et ne désirant pas s’habituer à un semblant de “normalité” pour devoir se le faire arracher. Tout était éphémère, il fallait espérer que Vivecime ne le soit pas trop vite.

Traînant sans but dans les rues, Isaac observe silencieusement. Il n’était pas à Vivecime pour très longtemps, comptant prendre une mission ou pouvoir aider là où on avait besoin de mains. Il espérait aussi peut-être croiser Cecilia, Alec ou Victoria, s’assurer qu’ils allaient bien. Pour l’instant, il se contenterait d’errer un peu avant d’aller prendre repos, probablement un peu plus loin dans les arbres. Il avait son sac et son équipement de voyage toujours avec lui et, même s’il était agréable de voir comment animé Vivecime était, il préférait avoir un endroit silencieux et isolé pour se retirer.

Les pas du sang-mêlé vont le mener vers les parties plus éloignées de la ville. Un peu plus loin, il aperçoit une lanterne éclairer une parcelle de forêt et il entend les coups d’un bâton heurter la surface d’un arbre. Isaac s’approche silencieusement et reconnais la figure de derrière. Bien entendu, James Windsor. Il l’avait sauvé il y a quelques années, circonstances douteuses et tout cela, et ne l’avait jamais revu depuis. Le pauvre chêne, cible des attaques de l’homme, semblait en souffrir. L’écorce était déchirée. Restant dans la pénombre, Isaac observe. Il trouve une branche qui semble écquilibrée à terre, assez pour se croiser le fer, plutôt le bois, et la prend. Il reste silencieux un moment avant d'élever la voix pour faire connaître sa présence. Il avance un peu, juste pour que la lanterne puisse éclairer ses traits.

“Windsor, ça fait un moment qu’on s’est vu. Tu cherches quelqu’un pour t’entraîner? Arrête donc de martyriser ce pauvre chêne centenaire.”

Deux mois. Deux mois et demi, James ne sait plus tellement, qu’ils sont à Vivecime et il n’arrive pas à s’y habituer. Ne plus être en cavale lui donne l’impression d’avoir perdu quelque chose, sans pour autant savoir quoi exactement. Un sentiment de liberté ? Mais quelle liberté ? Ici, il n’a plus besoin de regarder par-dessus son épaule toutes les trente secondes. Ici, il n’a plus besoin de passer du temps à trouver de la nourriture ou un bon endroit à investir le temps de quelques jours. Ici, il peut enfin ravoir une vie aussi normale que possible. Ici, il retrouve enfin l’électricité si longtemps disparue, comme eux.
Et pourtant, quelque chose ne lui convient pas.

James avait prétexté avoir besoin d’aller aider les quelques personnes s’occupant de l’électricité de la ville pour s’enfuir de ce « chez lui » qui leur avait été attribué. Il n’est que l’ombre de lui-même depuis l’attaque de la Tour des Médias. Abattu, renfermé, James apparaît beaucoup plus préoccupé qu’à l’accoutumée, bien loin de l’optimiste faisant le pitre pour remotiver les troupes. De plus, ce n’est pas la première fois qu’il utilise la carte de l’ingénieur pour sortir de la maison. A tel point que les doutes commencent à germer dans les têtes de sa femme et de sa sœur. Le « est-ce que tout va bien ? » lui pend au nez depuis bien trop longtemps. Mais tant qu’elles ne l’ont pas confronté avec ce fait, James est parfaitement content de se voiler la face. De se dire que ça passera, qu’il s’habituera. Il suffit de regarder le résultat deux mois et quelques plus tard. Résultat qui n’est pas tellement brillant, en somme.

Au lieu de se diriger chez les personnes en charge de l’électricité, James prend la direction opposée pour s’enfoncer un peu plus dans la forêt de Sherwood, encore sous la protection magique de Vivecime. S’il y a bien quelque chose que James a toujours mis un point d’honneur à ne pas négliger, c’est bien son entraînement d’escrime. Seul moment où il peut se défouler et vider son esprit. Seul moment où, le temps d’une petite heure, il a l’impression que tout est comme avant. Il trouve ça bête, quand il y pense. Lui qui, plus jeune, aurait tout fait pour changer de vie, ne rêve que de la retrouver. Car être fugitif, ou sous la tutelle de quelqu’un, n’est en aucun cas être libre. S’il avait su…
Il retire son manteau, laissant le froid l’alpaguer violemment, et saute sur place pour se réchauffer. Il observe le sol et récupère une branche tombée d’un arbre, assez solide pour faire office de fleuret en bois et se cherche une cible, n’ayant aucune pitié pour ces arbres qui ont une vie bien plus paisible que la sienne. Alors James se met en position et tape. Il enchaîne les mouvements basiques pour s’échauffer, s’imaginant sur un terrain d’escrime, en tenue réglementaire. Et il tape. Il imagine l’arbre être un adversaire coriace. Il tape et la forêt est bien loin désormais. James tape pour oublier mais est bien vite sorti de son illusion lorsqu’une voix masculine se fait entendre derrière lui. Le Windsor lâche un rire dans un souffle, reconnaissant l’homme aussi grand que lui. « Exander. Ça pour une surprise. » James ne devrait pas être étonné pourtant. Car même si les deux hommes ne se sont pas revus depuis des années (depuis que le sorcier les avait aidés lors d’une altercation qui aurait pu très mal tourner pour la famille royale), il savait qu’Isaac était tout aussi fugitif qu’eux. Mais pas pour les mêmes raisons. Dommage, cependant, qu’il soit du même côté que la Callaghan. « Pour ma défense, ce chêne était déjà dans cet état quand je suis arrivé. » James baisse la tête et voit qu’Isaac a déjà un autre bout de bois convenable dans la main – bout de bois qui n’est pas sa baguette, évidemment. « Je vois que tu es déjà prêt alors… En garde ! » James se remet en position, prêt à attaquer le sorcier pour leur match amical. « Toi aussi ça fait deux mois que tu es ici ? » Question probablement bête mais il faut bien la faire démarrer quelque part, non ?

Bien, Windsor était prêt à se battre. Ça risquait d’être intéressant comme duel. Isaac n’était pas un escrimeur expérimenté en soi, sans pour autant être sans forme ni tours dans son sac. Il se donnait le droit de se considérer décent dans ce qui concernait combat en général et il connaissait une ou deux choses. Il ne s’attendait pas à gagner, seulement, il n’allait pas laisser son partenaire remporter facilement. Gagner lui-même un ou deux combats serait également appréciable. "Une surprise en effet, une bonne j’espère." Il sourit, bâton en main. Oui, ça serait définitivement une rencontre intéressante pour le moindre dire.

Isaac s’avance lentement, arme de fortune abaissée pour le moment et muscles prêts à s’exercer. "Ha, je ne dirais pas que je suis ici tout le temps. Rester à un seul endroit, disons que ce n’est pas dans mon sang." Il sourit à nouveau et jauge l’homme qui n’a pas beaucoup changé malgré le temps, les traits un peu fatigués. Il semble stressé également. Isaac incline la tête de côté légèrement avant de prendre une posture de combat plus appropriée à la situation, neutre mais flexible. Être capable d’improviser et s’adapter à son adversaire serait sa plus grande arme. Il ne connaissait que peu de techniques d'escrime, surtout s’ils la jouaient à la pointe. Windsor était l’expert dans ce domaine. Sa dernière véritable leçon avait été avec celui-ci il y a déjà trop longtemps. "Tu ne sembles pas trop mal pour ton compte Windsor. Ça fait plaisir de voir que tu ne t’es pas fait tuer. On va voir si tu as gardé ta grâce de la dernière fois." Isaac moque amicalement. Une conversation sans double sens, légère, sans mots calculés, sans objectifs, c’était rafraîchissant. Ça faisait longtemps qu’Isaac avait eu ce type d’échange.

Le Phénix avait plus de chance si l’estoc était en règle, mais il allait jouer le jeu à la pointe si Windsor le désirait. Isaac n’était pas là pour gagner, mais pour la distraction et le plaisir. Il avait bien droit à un break et à s’amuser. Penser à tout ce qu’il y avait à faire et repartir en mission lui donnait l’un de ses maux de tête bien qu’il continue sans sourciller à en demander plus. Il efface ces pensées et se concentre sur Windsor qui le jaugeait définitivement comme tout bon adversaire. Son sourire s’élargit imperceptiblement. Oh ce serait fun.
"À la pointe ou à l’estoc?"

Isaac n’attend pas la réponse l’autre homme et attaque rapidement, pour sortir une réaction de l’autre, ne sachant pas de quelle manière ils allaient jouer. Jouer, un mot doux pour le cerveau du sang-mêlé. Il n’avait pas joué depuis si longtemps...

Aussi rapidement que cette pensée traverse son esprit, aussi vite elle repart lorsque le son du bois qui s’entrecroise se fait entendre. Sa concentration, toute sur Windsor. Il fixe les yeux bleus de James l’espace d’une seconde avant de le repousser et de se reculer d’un pas, ses propres yeux, calculateurs et à l’affût. Le prochain mouvement était à Windsor. Que le duel commence. Le gaucher était chaud pour le combat.

Un sourire s’étend sur le visage de James en réponse à celui d’Isaac. « Ça va dépendre de ce que tu vas faire de ce bâton dans ta main », répond-il avec espièglerie. L’arrivée d’Isaac est réellement une bonne surprise, faisant partie aux yeux du Windsor des sorciers qu’il arrive à réellement apprécier (comprendre : des sorciers ne les détestant pas à cause du fait qu’ils n’ont pas de pouvoirs, eux, les moldus), le séparant de pensées extrêmes de certains autres membres de la Nouvelle Inquisition. Après tout, les sorciers restent comme les moldus des êtres humains. Il a des moldus aussi cons que leurs pieds ou aussi dangereux que le pire des Mangemorts. Alors il existe donc des sorciers dignes de confiance. Le Windsor croit en cette philosophie mais se paye bien de la faire savoir. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire…
Il hoche la tête aux propos du Exander, laissant les paroles citant son histoire faire écho avec la sienne. Seize années qu’il avait perdu le privilège d’habiter dans un seul et unique endroit, d’avoir un pied-à-terre. S’il avait du mal à s’y réhabituer, c’était bien pour une raison. « Je comprends. Et même si j’ai connu un endroit où grandir, j’admets avoir un peu de mal à me réhabituer à un endroit stable, même s’il le faut bien. » La situation de James est différente de celle d’Isaac en y regardant de plus près : Isaac est sans attaches et semble plus libre sur le papier, seulement James ne l’envie pas. Il n’échangerait sa famille pour rien au monde. Mais là n’est pas la question. « Merci, je suppose… » James fronce les sourcils face au commentaire d’Isaac. Est-il sincère ? Sarcastique ? Un peu des deux ? Cette formulation l’étonne quelques instants mais il ne s’en formalise pas. Isaac n’est pas là pour l’éliminer. Il est cependant bien plus  partant pour le mettre à terre dans un combat de bâtons, à défaut d’avoir de réelles armes utilisées en escrime. Un rire s’échappe de ses lèvres alors qu’Isaac lui pose une question qu’il n’a pas entendu depuis longtemps. Il compte lui répondre au moment où le Phénix l’attaque sans crier gare. James recule, quelque part rassuré que ses réflexes ne l’aient pas abandonné. A croire que les missions et les combats contre des arbres aident réellement à ne pas perdre la main. Il lance un regard en biais à son adversaire et esquisse un sourire. « Tu la joues comme ça, n’est-ce-pas ? » James attaque sans plus attendre. Son bout de bois se cogne contre celui d’Isaac. Le son ne ressemble pas à celui du choc entre deux fleurets mais le Windsor s’en contente. Il a l’impression de rentrer dans une bulle hors du temps, créée pour lui faire tout oublier l’espace de quelques instants. Elle se forme à peine. Il a déjà peur de la briser.
Le combat continue, le faisant reculer d’un pas suite à la riposte du sorcier. Ils s’échangent un regard. Lui non plus n’a pas envie de briser cette bulle alors James va jouer le jeu jusqu’au bout. « Les deux ? Commencer par la pointe puis enchaîner à l’estoc, et à voir par la suite. Ou autre évidemment, ce sera plus amusant de varier les plaisirs. » James attaque à nouveau, faisant cette fois-ci reculer Isaac. Et il sourit.

Le jeu des bâtons et des attaques et esquives continue en faveur du Windsor qui remporte la première manche après un duel au sommet. Tous les deux essoufflés, les deux prennent une petite pause bien méritée. Dommage cependant qu’ils n’aient pas de quoi se désaltérer, il faudrait peut-être remédier à cela. « Tu te défends pas mal pour un sorcier, Exander », admet James avec un sourire. Il a un peu chaud mais se sent revigoré. La bulle s’est formée, il ne veut pas en sortir. « Mais un à zéro pour moi. Peut-être auras-tu plus de chance à l’estoc ? Ou alors préfères-tu d’abord prendre ta revanche à la pointe ? » Leur duel vient à peine de commencer.

Isaac ne peut se retenir de sourire pendant le combat, c’était juste bien de pouvoir jouer comme des enfants sans responsabilités. Les deux hommes avaient beau être des adultes, l’activité était enfantine, se battre avec des bouts de bois, même si c’était un duel «d’escrime ». Le premier duel suit son cours et évidemment James l’emporte avec sa forme et sa grâce d’escrimeur de longue date. Essoufflé, Isaac ne peut s’empêcher de lâcher un rire, court mais honnête, le premier en longtemps. Il avait oublié ce que c’était de s’amuser pour vrai. "Un zéro pour toi effectivement Windsor." L’exercice faisait du bien et la compagnie agréable. Il n’aurait pas pu demander mieux. James était quelqu’un qu’il pourrait fréquenter plus souvent, si ce n’était que pour une séance semi-régulière d’escrime. Le fugitif était également essoufflé. Bon Signe. Isaac ne lui menait pas la vie facile comme lui faisait de même. "On va voir comment le sorcier se débrouille eh." Il n’aurait pas dû laisser son sac chez Darren, il n’avait pas d’eau et James ne semblait pas en avoir également. Pas grave. Ils pourraient aller en chercher plus tard. Ce n’était pas une priorité et Isaac ne désirait pas briser la bulle qui s’était créée autour des deux partenaires de combat. "Comment se porte ta famille? Tant qu’à continuer la conversation, s’informer de l’autre était souvent la chose à faire et même s’il était nul pour socialiser, il écoutait et se souvenait de ce détail.

Lui avait Cecilia, Alec… Il allait laisser la liste comme telle pour le moment. Deux personnes était assez. "Prêt pour une deuxième round?" il demande en levant un sourcil. Il n’allait pas laisser l'inquisiteur gagner facilement et s'octroyer une victoire au minimum. "À la pointe, voyons si je peux avoir une revanche fair and square hein. Isaac était chaud pour ce deuxième affrontement. Il réussit à surprendre Windsor, intéressant, pendant le duel, cependant il doit céder la victoire à son adversaire. La joute avait été très instruisante et serrée. "Deux zéro pour  toi alors." Malgré la seconde défaite, Isaac avait un grand sourire peinturé sur son visage et il n’allait pas s’en aller de sitôt. "Je dis estoc pour le prochain point. Windsor semblait également avoir du plaisir.

Il avait la capacité de gagner s’il la jouait correctement. Après deux affrontements, il commençait à cerner le style de James et avait essayé différentes manœuvres sur lui pour jauger ses meilleures chances de victoire. Les défenses et attaques de Windsor étaient impeccables. Vivement l’improvisation et l’adaptation. L’imprévisibilité bien dosée serait ce qui lui permettrait de gagner. Bâton bien agrippé et le regard observateur, il allait laisser son partenaire lancer l’offensive de départ. La danse pouvait commencer, il était prêt à valser.

« On va voir comment le sorcier se débrouille, en effet. » Le défi dans le regard et le sourire aux lèvres, James est prêt à accueillir comme il se doit la seconde manche contre le Phénix. Mais seulement après une petite pause méritée où Isaac s’intéresse à sa famille. Il lâche un rire un peu nerveux sans s’en rendre compte avant de répondre. « Dans sa globalité, ma famille va bien. On a tous un peu de mal à se réhabituer à tout ça » Il désigne l’espace autour de lui pour parler de Vivecime en général et la stabilité d’une pseudo-vie normale « Après dans les détails, je ne sais pas trop. Mon propre fils est devenu une énigme pour moi alors si je peux m’avancer pour certains, je ne suis pas certain de pouvoir le faire pour tout le monde. » James soupire doucement, sentant la bulle diminuer dangereusement. Il décide de chasser la pensée négative et esquisse un sourire sur son visage. « Et toi, comment vont tes proches ? » Quelque part, James se sent un peu mal à l’aise de poser cette question. Isaac n’a plus de famille mais il a bien une famille d’adoption. Une famille qu’on se crée via des amitiés durables. Mais est-ce que ça se fait de poser cette question pour parler de personnes qui ne portent pas forcément le même nom de famille ? James a un doute. Trop tard.

Cela n’empêche cependant pas le Phénix de lui répondre avant de décider que leur pause est terminée. « Toujours prêt ! » Le sourire franc retrouve sa place sur son visage, la bulle reprend en intensité. « Et va pour la pointe, que je te mette une nouvelle fois une raclée ! » James est bien trop confiant mais s’en fiche. Il est d’abord là pour se détendre et ensuite pour la compétition. Même si gagner une seconde fois ne va pas lui faire de mal. Cette fois-ci, le match est un peu plus serré. Isaac trouve un peu plus ses marques et surprend le Windsor quelquefois. James réussit cependant à prendre l’avantage à un moment et à gagner, finalement, une seconde fois. Complètement essoufflé, il sait cependant que le grand sourire que porte Isaac se reflète parfaitement sur son propre visage. Tout ceci lui fait du bien, James en prend de plus en plus conscience. « En effet, deux à zéro pour moi mais tu te défends, va ! » Il reprend sa respiration. « Et va pour l’estoc. Par contre, à ce rythme-là je pense que nous ne ferons pas long feu si nous n’avons pas d’eau après ce troisième round. Il faudra qu’on y pense. » répond-il, pragmatique, avant de se mettre en place pour ce troisième point, bâton à la main.

L’estoc est, cette fois-ci, quelque chose que le Windsor maîtrise moins, contrairement à Isaac. Le sorcier s’en prend à cœur joie et en profite. Si James arrive cependant à parer des attaques, après tout il n’est pas non plus un novice en escrime et il commence lui aussi à saisir la manière de jouer du Phénix, il perd cependant de justesse, à quelques points prêt. « Rah, bien joué. » A bout de souffle, encore, James a l’impression de cracher ses poumons tant il a besoin de boire. « Il faudrait qu’on songe à aller chercher de l’eau maintenant je pense. Je suis un peu trop déshydraté à mon goût. » Sa phrase se termine dans un rire. « Suis-moi, je sais où il y en a. Du moins, si jamais tu es intéressé. » Même pour de l’eau, James met au défi. Il a vraiment perdu quelques années d’un coup. Et Isaac ne perd rien pour attendre, surtout quand il y a deux à un.

“Comment dire, j’ai toujours eu une affinité pour tout ce qui concernait combat,” Isaac répond avec défi et un amusement contenu. C’était la vérité, il avait toujours eu grande facilité à se battre et apprendre à le faire, ses compétences de duelliste magique étaient hors-sujet. Il avait été scolarisé de la sorte par sa mère au lieu d’aller à Poudlard. À la place d’apprendre à jeter des sorts, il avait appris le Taekwondo et diverses autres disciplines. À la place de voler sur un balais sur le terrain de quidditch, il avait appris à défier la gravité en se forgeant des habiletés en tumbling. Et, sans surprise, il avait beaucoup aimé et absorbé tout. Quel enfant pouvait attester d’avoir une maman badass qui lui enseignait à se défendre et battre? Personne dans sa tête à 12 ans et trois quarts.

Isaac n’était pas un pratiquant avéré d’escrime européen, cependant il avait pratiqué Bojutsu et Kenjutsu 3 année pour s’amuser, deux art-martiaux japonais armés, utilisant Bokken et Bo, une épée ressemblant à un katana et un long staff en bois. Il était jeune et, bah, c’était cool d’apprendre à se battre avec une épée et un long bâton. Juste avant Alec et Cecilia, lorsqu’un semblant de normalité avait existé dans toutes ses années de vivant. Alec et Cecilia, ça famille, sa soeur et son père adoptif. Comme dit précédemment, courtoisie d’une question retournée,il ne pouvait se prononcer avec certitude s’ils étaient ok. Probablement. Ça faisait un moment qu’il avait vu Cecilia ou Alec. Tous trois étaient des adultes responsables avec des existences occupées, néanmoins il aimerait les voir plus, une tâche difficile dernièrement il semble.

Quant à ce troisième duel, il était confiant. Il avait manipulé le bokken et le bo assez pour avoir une aise avec le bâton dans sa main. La mémoire musculaire était extraordinaire. Sans grande surprise et satisfait du résultat, Isaac réussit à l’emporter sur Windsor, pas sans un combat acharné de la part de l’autre homme. Les deux apprennent, observent, cernent peu à peu le style de combat de son opposant. Le bruit des bâtons qui entrent en contact et résonnent est une douce musique aux oreilles d’Isaac et ça faisait du bien, beaucoup de bien. C'était satisfaisant. Il faudra que les deux se refassent ça dans le futur. “Avec plaisir,” Isaac moque doucement, à moitié sans souffle.

Il était heureux et en manque d’eau après ce dernier affrontement. Ses poumons et sa gorge étaient définitifs dans leurs plaintes. James semble dans la même situation et lui propose d’aller boire, s’il était intéressé ha. Toujours cet air de défi, de jeu. Isaac n’allait certainement pas lui refuser. Ça faisait du bien et c’était fun. “Hum, dilemme important, logique dira oui” Il dit, le regard du phénix aussi défiant que celui de l’autre. “Lead the way my friend.”

Marchant côte à côte avec Windsor, il se permet de le heurter gentiment avec son épaule pour faire dévier ses pas. C’était idiot comme jeu et parfait. Lorsque la cible, une rangée de robinets d’eau, est en vue, Isaac s’élance en courant vers eux, pas sans défier James à la course juste avant. “Hey, premier aux robinets”.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, James n’a pas l’impression d’avoir choisi faire de l’escrime. Après tout, dès son plus jeune âge, il préférait démonter puis remonter la plupart des objets électroniques qu’il recevait, ne s’intéressant que très peu aux sports de manière générale. Ce fut son père qui, à huit ans, décida de l’inscrire à une activité extra-scolaire. Pour son futur dossier et pour avoir une activité dite « noble », avait-il déclaré. L’équitation avait été un véritable calvaire pour le petit James de neuf ans. Allergique à il ne savait quoi dans les box, il avait passé toute l’heure de cours à éternuer, se gratter les yeux et surtout, avait bien failli se faire éjecter de la selle. Tant pis pour les balades en forêt en famille. L’espace d’un instant, les sports de combat avaient été envisagés par les parents de James, comme d’autres sports qui ne lui plurent guère bien longtemps. Seulement, un heureux hasard détourna  James de devenir un karatéka d’exception (ou pas). Ce fut les Jeux Olympiques d’été de 2022 qui convainquirent le James de treize ans de pratiquer l’escrime. Les règles exigeantes, parfois bien plus strictes que pour les arts martiaux et qui avaient toujours rebuté le garçon, passaient au second plan. James s’amusait, James se défoulait et James excellait.

Alors quand Isaac lui rétorque qu’il a toujours eu une affinité pour tout ce qui concerne le combat, James se contente de sourire et d’acquiescer. Quelque part, du moins aux yeux du Windsor, Isaac était le sorcier le plus « moldu » qu’il connaissait. Après tout, il n’a pas grandi dans cette société sorcière qui les pourchasse tous les deux pour différentes raisons. Et si, contrairement à lui, Isaac a appris à manier une baguette et à lancer des sorts, tout le rendant un tant soit peu sorcier, il est bien l’un des rares connaissant des arts martiaux. Mais James ne dit rien, gardant ses pensées pour lui sur ce point. Il préfère largement relancer la partie pour un troisième round, à l’estoc cette fois. Round qu’il perd en s’étant tout de même défendu face aux attaques du sang-mêlé.

Essoufflé et surtout déshydraté, James propose une pause aux robinets d’eau pour se désaltérer et profiter d’un moment de repos bien mérité – la bulle ne s’éclatera pas pour si peu, n’est-ce pas ? Il propose au sorcier de le suivre, uniquement s’il le souhaite, sur un ton de défi pour ne pas perdre la main. Celui-ci en profite pour lui rajouter une nouvelle épreuve impromptue. Evidemment. « Sérieusement ? », lâche-t-il en pouffant de rire avant de se mettre à courir et rattraper son partenaire d’un jour. Tous les deux touchent les robinets dans un même mouvement, rendant impossible sans arbitre de les départager. « Ah, cette fois, c’est égalité », souffle-t-il avec un grand sourire. Il fait couler l’eau du robinet et boit sans plus attendre, regrettant de ne pas s’être assez préparé en partant. Dangereusement, ses pensées se dirigent vers son nouveau quotidien, sa famille et son fils. Pour ne pas y penser et repu, James se redresse pour observer les alentours. Pas un seul sorcier ou moldu autour d’eux, uniquement du calme et le bruit de l’eau qui coule. Ça aussi, il ne s’y habitue pas encore complètement. Il chasse cependant la pensée et enchaîne. « Je pense que nous avons grandement mérité notre pause, non ? » Un sourire s’esquisse sur son visage. « D’ailleurs, rien à voir mais ça ne te fait pas bizarre à toi, toute cette quiétude ? » Le sujet change d’un coup alors que James aborde un thème un peu plus délicat qui le taraude bien plus qu’il ne veut l’admettre.

Deux gamins se poursuivants et faisant la course, James et Isaac. Sans le filtre de la réalité, on s’y méprendrait. Les deux hommes touchent aux robinets en même temps, égalité. Secoué d’un fou rire, Isaac pouffe entre deux souffles courts. Après s’être calmé, le sang-mêlé ouvre un robinet et boit goulûment. Il ne s’en était pas préoccupé avant, mais il avait très soif. L’eau était claire et froide, très bonne. Isaac en profite également pour se mettre de l’eau dans la face avant de répondre à Windsor avec amusement. "Un break nous prendrons." L’endroit était calme, ils étaient encore aux abords de la cité et il commençait à se faire tard. Le ciel était magnifique loin de la civilisation. Levant les yeux vers la voûte étoilée, il entend la question de James et baisse les yeux pour croiser ceux de l'inquisiteur. "Ahem. Je l’apprécie. Loup solitaire." Il sourit à demi, par choix et obligation vraiment. "Un retour vers la normalité sera… compliqué pour les gens comme moi." Il remonte son regard vers le ciel. "Il est tard également, je ne pense pas que beaucoup soient assez fou pour dueller et faire la course dans le noir." Il sourit, ironique. "Le ciel est majestueux et vaste, calme, lorsque l’un lève les yeux." Il observe le firmament dans toute sa beauté, une qu’il a appris à admirer encore un jeune enfant. Toutes les nuits à dormir à la belle étoile, toutes les histoires contées… souvenirs d’enfance doux et douloureux. Le sang-mêlé continue de regarder le firmament un moment avant de se concentrer sur le présent et James. "Suis-moi si tu as le courage." Isaac dit avant de commencer de marcher à reculons plus loin dans la forêt. Il y avait cet arbre, très haut et avec des bonnes branches pour l’escalader. De cette perspective, le spectacle céleste serait génial. La distance était relativement courte, cependant assez pour qu’un silence flotte entre Windsor et le phénix. "On va monter en haut, les branches sont assez solides. On aura une vision panoramique. Allez." N’attendant pas, Isaac commence à escalader l’arbre agilement. La clarté de la nuit donnait une vision assez bonne pour ne pas se tuer. L’exercice est familier pour les muscles du sorcier qui atteint le haut rapidement, suivit de James peu après. "Not bad." Il sourit et fait signe à James de lever les yeux. Les ciels d’hivers sont les plus beau on dit. "Toujours été fasciné par la voûte céleste. L’amour pour l’astronomie était l’un des intérêts qu’il avait pris de sa maman. Il pensait à elle quand il tournait les yeux vers l’infini de l’espace. Beaucoup de gratitude pour toutes les secondes vécues avec elle.

L’espace d’un instant, James a l’impression de faire un énorme bond en arrière. Il se revoit courir après Tom dans un jardin – ou était-ce un parc ? L’environnement n’est plus aussi net dans ses souvenirs, désormais – après un pari débile ou un jeu d’enfants. Penser à Tom rend James légèrement triste. Un peu plus de seize années plus tard, James n’a pas l’impression d’avoir réellement fait le deuil de son meilleur ami, sans réussir à mettre le doigt sur une seule et bonne raison. Peut-être parce que sa mort a été soudaine ? Violente ? Sous ses yeux ? Un mélange des trois ? Probablement cette dernière option. Cependant, pour ne pas alarmer Isaac alors qu’ils se désaltèrent aux robinets, James cache sa tristesse derrière un sourire, puis derrière un rire. « Un break nous prendrons ? Ton vrai prénom ne serait pas Yoda, par hasard ? » Un nouveau rire de la part du Windsor alors qu’il imagine Isaac tout petit et vert. James n’était pourtant pas un fan de Star Wars, mais personne, y compris lui, ne pouvait passer à côté de cette référence à l’époque. Tout comme la phrase culte de Spock dans Star Trek, par exemple. « Pardon, c’est une référence de mon époque et… Moldue, c’est ça le nom, n’est-ce pas ? » Moldu. Ce mot qu’il n’utilise jamais, regroupant tout ce qu’il exècre. Ce mot qui les réduit plus bas que terre, les rendant inférieur aux sorciers. Seulement avec certains sorciers qu’il côtoie, James se sent obligé de l’utiliser, par souci de compréhension.

D’un revers de main imaginaire, James balaye cette réflexion pour se concentrer sur l’instant présent. Il interroge Isaac sur l’environnement et la quiétude qui y règne. Sur Vivecime et ce refuge probablement temporaire, qui dure étrangement. « Un retour vers la normalité ? », s’interroge le Windsor. Pensif, il lève ses yeux vers le ciel désormais sombre  – la forêt de ce cher Robin des Bois n’est plus aussi propice à un entraînement d’escrime désormais. La normalité lui semble être un concept lointain, plus vraiment certain d’en connaître la définition. Sa normalité est-elle de retourner vivre dans ce luxe royal qui n’est plus le sien ? Ou de continuer à errer, de refuge en refuge, sans point d’attache ? Ou bien de se poser à un endroit calme et en sécurité, comme maintenant ? James ne sait pas quelle perspective l’enchante plus et sa pensée rentre en résonance avec les paroles d’Isaac. La vie qu’il a connue avant sa vie de fugitif n’est qu’un doux rêve, mais il n’a plus vraiment de société vers qui se tourner – ou à faire tourner. James jette un œil à son ami alors qu’un sourire en coin se dessine sur son visage. Tous deux sont fugitifs mais Isaac l’a été toute sa vie, contrairement à James. Et pourtant, ils partagent bien plus de points communs que ce que beaucoup pensent. « La normalité… Je ne suis pas certain qu’elle existe encore, de toute façon. » A ses yeux, même Vivecime n’est pas normale. Juste une pause qui dure et dont il ne veut pas s’attacher. Alors que la discussion devient bien trop déprimante pour une aussi belle soirée, Isaac change de sujet et le fait montrer tout en haut d’un arbre, un peu plus loin dans la forêt. James suit son ami, acquiesçant silencieusement à ses propos ainsi qu’à son dernier défi. James suit Isaac dans sa montée, retrouvant son amusement. Il fait attention à chaque branche, chaque pas pour ne pas tomber, avant d’arriver en haut et d’observer le spectacle devant ses yeux. James lève la tête lorsqu'Isaac lui parle et observe les étoiles. « Les sorciers aussi sont férus d’astronomie ? » Sa question est sincère, lui qui n’aurait pas parié sur l’astronomie comme sujet commun entre sorciers et non-sorciers. « J’avais un télescope dans ma chambre quand j’étais plus petit. J’adorais regarder les étoiles le soir avant d’aller me coucher. » Jusqu’à ce qu’il devienne adolescent et n’ait plus envie de se perdre dans les étoiles. « Je ne sais pas si je capable de te citer une seule constellation aujourd’hui. » Trop de temps s’est écoulé – et trop d’événements sont arrivés – depuis sa dernière observation dans son télescope. Une chose est sûre, si quelqu’un avait dit au James de dix ans et demi que presque trente ans plus tard, il discuterait astronomie avec un sorcier, il n’y aurait pas cru.

La normalité, pour lui, serait la vie de fugitif, toujours sur le mouvement. Les jeunes rêvent de voyager on lui a dit, il avait absolument satisfait cet amour. Il souffle un court rire plein d’ironie. “La normalité est relative honnêtement.” Tout n’est qu’un question de perspective n’est-ce pas. Après avoir entraîné James pour lui montrer le spectacle céleste de leur perchoir privilégier, un court silence agréable se pose. Il appréciait réellement son compagnon, ça faisait longtemps qu’il n’avait pas rit ou été en paix vraiment. Isaac peut entendre la voix d’Ellie murmurer des noms de constellations, leurs épopées. Il peut voir les étoiles se mouvoir pour raconter leurs exploits. Son enfance a été bercée par les astres.

James lui demande si c’était un truc sorcier, d’observer les étoiles. Bonne question, il ne savait pas. Ses connaissances en tout ce qui était la vie de sorcier frôlait le zéro ou il en avait à faire que dalle. Tout ce que je sais est que le ciel peut aider à s’orienter et ses histoires. En inventer même. Je ne pense pas que les récits que je connais sont très sorciers par contre.” Il avait appris à lire et avait été un avide lecteur dans sa jeunesse, cependant imagination et voûte céleste l’avait gardé émerveillé. “Orion, Grande Ourse, Petite Ourse… enfant le ciel était le royaume de mes rêves. Ça fait longtemps, une autre époque vraiment.” Un temps où il avait été réellement heureux. Il pause et continue de contempler le ciel hivernal. “Savoir naviguer avec les étoiles est toujours utile, ne jamais se perdre.” Il désigne le firmament vaguement. Si on l’avait instruit dans quelque chose, la survie était l’une d’elle. Faire un feu, s’orienter, chasser, construire des abris, les fruits comestibles… avec magie ou pas. Il sourit dans sa tête. Un coup de poing sec dans la face était toujours plus satisfaisant qu’un sort, plus défoulant de toutes manières.“Magie, pas magie, du pareil au même, on est tous humains après tout.” Il marmonne à moitié à lui-même, à moitié pour répondre à James.

Isaac s’étend sur sa branche pensif tout en regardant la voûte. Est-ce que sa mère l’observait, une étoile bienveillante? Il se demandait. Il ne croyait pas à grand chose cependant, une petite pointe d’espoir ne tuait pas. Maman je t’aime, il murmure inaudiblement. Pour lui. Il observe James un moment. Le Windsor était visiblement fatigué. Leurs vies ne les laissait pas se reposer et pourtant ils étaient là, tous les deux. Dans une autre vie il aurait pu être ami avec l’escrimeur. Ils s’entendaient plutôt bien. Treasure those moments, they don’t last.

“Comment vas-tu James?”
Quatre mots honnêtes.

Un sourire rempli de nostalgie s’étire sur le visage de James. Les noms que citent Isaac lui sont bien trop familiers, l’emmenant dans un passé oublié. A une époque perdue où l’un de ses jeux d’enfant était de donner tous ces noms. Le James de dix ans avait alors l’impression d’en savoir beaucoup plus que tout le monde, à étaler cette science avec fierté. Mais sa science était finalement restée dans l’enfance, remplacée par une autre, plus imposante et persistante. « Une autre époque, en effet… », murmure-t-il, le regard toujours fixé vers le ciel. Cette réponse est plus pour lui-même que réellement pour Isaac mais le Windsor ne se doute pas que le sorcier l’ait entendu. Il n’en tient pas cependant rigueur et se remet correctement sur sa branche, sans quitter les étoiles. A regarder ce ciel, il a l’impression, l’espace d’un instant, que tout est normal. Que sa vie de ces presque dix-sept années n’est pas réelle. Après tout, Orion ou la Grande Ourse restent inchangés. Mais les paroles d’Isaac, empreintes de nostalgies elles aussi, continuent et le ramène à la réalité. « Sais-tu encore naviguer avec les étoiles, comme tu dis ? » demande-t-il, piqué par la curiosité. Depuis le début de sa vie de fugitif, James s’en était toujours remis aux anciens espions de MI6 avec eux ou à feu son père pour se diriger et trouver un refuge, loin d’avoir les compétences nécessaires pour aider dans ce domaine – James n’a, après tout, jamais fait de scoutisme et l’enseignement royal qu’on lui a inculqué est loin des cours de survie qu’Isaac a eus bien malgré lui. Le Windsor se surprend alors à penser à son père et à combien il aimerait qu’il soit encore en vie, avec eux. Il aimerait l’entendre le rassurer, lui donner des conseils pour mieux comprendre Nathaniel et lui dire à quel point sa tête de mule de fils lui ressemble.

Isaac le sort cependant de ses pensées avec sa réflexion. James laisse un rire jaune s’échapper rapidement de ses lèvres. « On est tous humains et pourtant, regarde où on en est. » Les Mangemorts n’en ont strictement rien à faire qu’ils soient tous humains, après tout. Ils imposent déjà une hiérarchie du sang rien qu’entre eux, sorciers. Une simple différence et tout s’écroule. Chez les sorciers, il y a une histoire de pureté du sang. Chez les non-sorciers, il y avait une histoire de couleur de peau. Une inégalité qui en remplace une autre, en somme. Un bien triste portrait que le Windsor dessine alors qu’il se surprend à regretter son ancienne vie. A regretter ces règles qu’il exécrait. A regretter la voix de son père le reprenant pour un petit rien (selon lui). A regretter tout simplement les conseils de ses parents, conseils dont il aurait grandement besoin à l’heure actuelle.

James soupire, se remet une nouvelle fois un peu mieux sur sa branche et regarde l’horizon. Un florilège d’émotions l’envahit. La bulle de protection a véritablement disparu, laissant désormais place à un mélange de nostalgie, doute et appréhension. Le tout saupoudré d’une pointe de tristesse qui ne lui ressemble pas. Son regard est voilé et le Windsor frotte ses yeux dans l’espoir de ne pas attirer la curiosité du sorcier. Mais trop tard. « Ça va. Je crois. Ou non. Je n’en sais rien. » James hausse les épaules et soupire, continuant de fixer l’horizon nocturne qui se profile devant lui. « Tout ce changement d’un coup… Je ne m’y fais toujours pas. Quelque chose me dérange et je n’arrive pas à savoir quoi. » James baisse la tête et se résigne, n’arrivant plus à se voiler la face ce soir. « Ajouté à ça, mon fils aîné est devenu une tête de mule agrémenté d’un esprit kamikaze. Je ne le comprends plus. A peine un mot sort de ma bouche qu’il se braque, s’énerve et fuit, sans vouloir comprendre ou écouter. » Si seulement quelqu’un pouvait lui dire que tout irait, qu’il s’en sortait tout de même dans son rôle de père… Mais son père n’était plus là pour le rassurer sur quoi que ce soit. « Trop de choses en somme mais ça ira, il le faut. » James se retient bien de parler également de la politique au sein de Vivecime, ne souhaitant pas créer une dispute avec Isaac. Si le sort de Durham l’importe peu, il ne peut très certainement pas dire à voix haute qu’il se méfie de la Callaghan. Pas à un sorcier Phénix qui a confiance en elle. Et même si ce sorcier Phénix est Isaac. « Et toi, comment vas-tu Isaac ? » James copie la question de son interlocuteur pour mieux la lui poser. Car James aussi veut savoir, encore plus lorsqu’il a l’impression qu’il n’est pas le seul à se voiler la face.

Il savait toujours naviguer les étoiles oui, il n’utilisait plus cette habileté, plus vraiment. Il n’était plus autant sur la route à survivre seul dans la forêt, mais se faire le plus utile pour aider à l’effort de guerre. Cependant, ce n’était pas quelque chose qu’on oubliait. Surtout quand c’était une notion inculquée depuis longtemps. Il devait bien avoir 5-6 ans lorsqu’il a appris à le faire. La survie, c’était son truc, sa spécialité. Son école avait été la nature principalement. Ils n’avaient jamais resté bien longtemps dans les villes. “Oui, je sais toujours.” Il sort une vieille boussole au cadran ébréché de sa poche et l’observe dans la pénombre sans vraiment y penser. La lune reflétant sur l’objet à valeur sentimental. Un rare souvenir d’avant que ce soit compliqué. Il se frotte la face de manière absente, fatigué. Il se met encore plus confortable sur sa branche, carrément sur le dos et il ferme les yeux l’espace d’une minute tout en étant à l’affût de son partenaire. “Humans are stupid, we make terrible decisions.” Phénix, NI ou Mangemort, ils avaient tous fait des choix discutables, inévitablement, pour survivre, pour le quote-to-quote greater good, si ça existait. La raison ne rendait pas les actes bons.

Il écoute attentivement James, c’est le moindre qu’il puisse faire. Il était ok sur ses standards douteux. Il allait aussi bien qu’il pouvait. Il survivait, il le fallait et c’était suffisant dans le contexte chaotique de leurs existences. “Il faut s’adapter, survival of the fittest ey. Sinon, soit patient, seul conseil que j’ai à donner.” Isaac sourit faiblement au Windsor, ne se préoccupant pas de s’il pouvait le voir ou non. Le sang-mêlé n’était peut-être pas père, cependant lui-même avait été… compliqué plus jeune. Il levait son chapeau à Alec pour avoir réussi à s’occuper d’un adolescent aux prises avec un syndrome post-traumatique violent et de la difficulté à faire confiance et dealer avec tout ça généralement. Il était devenu un adulte ok et il était reconnaissant à Alec pour l’avoir sauvé, été patient. “Moi? Ça va. Tant que ça peut aller. Je suis toujours vivant. La douleur te rappelle que tu es en vie.” Il marmonne la dernière phrase, plus pour lui, même si audible. Il était fatigué de cette guerre. Depuis la Tour, il n’avait pas vraiment eu le temps de souffler, le temps de se rétablir physiquement et retourner à se faire balloter où il y avait besoin. Vivre fugitif était dur sur le corps et mentalement, en plus d’aider autant qu’il le pouvait. “Je suis exténué honnêtement, mais ça va, il le faut.”  Il laisse un rire s’échapper. Il avait été mieux oui, mais plus mal aussi. Il pouvait sentir la tension entre ses épaules, revenue malgré lui, omniprésente. Il relâche ses muscles volontairement, fondant sur sa branche encore plus tout en restant équilibré, il n’était pas nouveau à cet art. Il a une pensée random et la formule sans trop y penser. “Tu sais ce qu’il nous faudrait, un massage.”

James observe la boussole d’Isaac sans piper mot, refoulant une vague de nostalgie l’envahir. C’était étrange. Précédemment, ils s’amusaient comme deux adolescents insouciants avec deux bâtons et une course puérile. En cet instant, ils se retrouvent en haut d’un arbre, à discuter de sujets bien plus sérieux et philosophiques, dont certains font remonter différents types d’émotions chez le Windsor. Souvenir, regrets, nostalgie, voire tristesse et amertume. La bulle a désormais bien éclaté, laissant place à la réalité. James préfère cependant rire à la réponse du sorcier. Les Hommes sont stupides et prennent de mauvaises décisions. En effet, de bien mauvaises.

Isaac s’est également rendu compte du changement d’ambiance. Et lorsqu’il lui demande comment il va, réellement, James n’a pas le cœur à inventer une excuse. A dire que tout va bien comme si de rien n’était. Comme vaincu par il ne sait exactement quoi – lui-même ? la réalité ? la situation ? ou bien un mélange des trois ? – il répond alors à cœur ouvert. Il parle à demi-mots de son mal-être à Vivecime, sans pour autant entrer dans les détails. Il évoque ses difficultés avec Nathaniel, son fils devenu jeune adulte depuis peu et qui ressemble de plus en plus à un étranger. Et il s’arrête là, avec cette impression d’en avoir à la fois trop dit et pas assez. Trop car il n’a pas pour habitude d’autant s’épancher avec quelqu’un qui n’est pas sa moitié – déformation familiale, il suppose. Pas assez car il n’a pas partagé les propos de son fils à son égard à Isaac et que ces mots hantent ses pensées, pour ne citer que ce passage-là. James se contente alors d’esquisser un sourire en coin à la réponse du Phénix. S’adapter, être patient. S’il a appris à s’adapter à son environnement ces nombreuses dernières années, dompter son impatience n’a jamais été son fort. Et ce bien qu’il sache très bien cacher ses émotions, en bon Windsor qu’il est. Ironiquement, James a l’impression que les règles de la royauté prennent encore plus effet maintenant qu’elle n’est plus d’actualité. Après tout, Charlotte et Henry n’ont jamais changé leurs comportements face aux autres. Encore moins maintenant qu’ils ont retrouvé le devant de la scène. « Être patient. Comment peut-on être patient quand on ne l’a jamais vraiment été ? », ironise-t-il. « Etrangement, je crois que je commence à ressentir avec mon fils ce que mon père ressentait avec mon moi adolescent. » Un rire franchit ses lèvres mais James n’en rajoute pas plus. Il préfère alors lui retourner la question, tandis qu’une brise s’élève sur la forêt. Il fronce les sourcils en entendant la réponse. « La douleur ? Quelle douleur ? » James s’inquiète, comme si Isaac était d’un coup Nathaniel qui lui rapportait cette phrase. Il chasse la pensée et regarde le visage d’Isaac. « Je comprends, être exténué est devenu une bien mauvaise habitude pour nous. » Il hausse les épaules, se retenant aux branches. Son corps commence à en avoir marre d’être là-haut. Il est sur le point de suggérer de retrouver la terre ferme au moment où Isaac propose un massage. « Avant ça, il nous faut surtout descendre de cet arbre. Le premier en bas a gagné ? » Et le Windsor n’attend pas un quelconque retour pour commencer sa descente. Être resté là-haut, plus ou moins assis sans trop d’effort, lui a permis de recharger quelques batteries. Mais James est loin de refuser un repos réparateur bien mérité ou un massage. Et il n’est pas certain qu’il réussira à convaincre Wendy d’un massage mutuel ce soir.
Arrivé en bas – est-il le premier ? James n’est pas certain, la luminosité n’aidant pas – James retrouve le sourire. « Si jamais tu n’as pas d’idées pour le massage, nous pouvons toujours aller boire une bière bien méritée. Ça n’aidera pas nos muscles mais ça nous permettra de nous poser au chaud. »

Il ricane un peu sous son soufflé à la remarque de James. "On a tous été adolescent n’est-ce pas?" Ils allaient s’en sortir, s’ils étaient capables de rire, il allait s’en sortir. La vie était bien trop compliquée parfois, souvent, mais ils se relevaient chaque jour, résilience d’une génération ayant eu une existence changeante et difficile. Il écoute le Windsor et à son tour déblatère une partie de sa conscience sur son ami, étrangement. Il ne faut pas beaucoup d’efforts pour raconter, juste le bon moment et celui-ci est favorable, au milieu de nulle part dans le creux de la nuit. Il rempocha sa boussole d’un mouvement quand James propose de faire la course pour redescendre et suit de près son partenaire de crime avec aisance. Ils touchent sol en même temps. Mine de rien James était agile et une vie de fugitif rendait les gens en forme s’ils ne mourraient pas. Sains et sauf au sol, il se redresse, ayant sauté les quelques derniers mètres et atterri souplement. Lui aurait pu rester des heures en haut, habitué de dormir dans des arbres et se déplacer aux sommets, mais il était particulier donc. Il sourit au Windsor à son commentaire sur l’alcool. Un verre ne serait pas de tout refus bien qu’il ne buvait que très peu. Tout pour prolonger ce moment, précieux. James était l’un des seuls qu’il pouvait considérer ami. Ça faisait du bien de juste se sentir confortable avec quelqu’un. C’était un sentiment étranger et bienvenu pour une fois.

Jetant un dernier regard au ciel, il accepte la proposition pour le bar. "Pourquoi pas, deux trois shots de fort je ne dirais pas non." Il avait les muscles un peu tendu, une détente au chaud serait parfaite. Il tape James sur son épaule et se dirige vers Vivecime, leurs formes disparaissant dans la pénombre de la nuit.