31 octobre 2021 — Festival de musique country à Trent Park

« Helen! Ça fait dix minutes qu'il fait les cent pas devant la porte! Il va partir si tu continues à le faire attendre! » Grace Hogan puisait dans ses dernières forces pour rappeler sa fille à la raison. La maladie l'étreignait depuis plusieurs mois déjà et si sa perte de cheveux accompagnée des douleurs liées au traitement lui avaient appris quelque chose c'est qu'il était bête de refuser le grand amour quand il se présentait à soit. Ce garçon était fait pour sa fille tout comme sa fille était faite pour ce garçon. Et la mère qu'elle était en devenait folle de voir son enfant  souffrir de la situation. « Je veux pas le voir! » Elle savait qu'Helen n'avait pas le pardon facile, qu'elle passait rarement au dessus des obstacles... Elle savait aussi que ce garçon qu'elle aimait - car Helen le lui avait confié dans le creux de l'oreille - avait fauté un jour. Mais qui pouvait se revendiquer comme parfait à cette époque? Les seuls qui agissaient ainsi étaient des menteurs, tout simplement.

« Edgar va lui ouvrir s'il-te-plait. Ce garçon va me donner la nausée. » Les produits qui irriguaient son sang l'affaiblissait énormément et les gestes répétés lui faisaient tourner la tête. Son mari ne se fit pas prier et alla ouvrir la porte à celui qu'ils s'amusaient à appeler leur futur gendre. « Rentre jeune homme tu vas prendre froid. Elle ne devrait pas tarder. » Lui dit-il avec un sourire désolé. Edgar savait à quel point ce garçon s'était donné du mal pour faire plaisir à Helen en dégotant deux entrées pour son festival de country préféré. Il n'avait cependant pas prévu que sa fille décide de ne plus adresser la parole à Francis trois jours avant le grand soir. Contrairement à son épouse il ne connaissait pas tous les détails, mais, ne voulant remuer le couteau dans la plaie il avait décidé de laisser sa fille tranquille avec le sujet. « Bonsoir monsieur Hogan. Est-ce que Helen est dans sa chambre? Je dois lui parler. Je... je lui dois des excuses. » Edgar croisa le regard de sa femme installée dans le salon et il sut que désigner l'étage à Francis était ce qu'il pouvait faire de mieux pour espérer réparer le cœur de son enfant. « Vas-y Francis. Je te promets rien mais tu peux toujours essayer. »


Francis n'eut pas besoin de toquer à la porte, cette dernière étant grande ouverte lorsqu'il arriva sur le palier. Helen était en pyjama, assise dans son lit, le regard fixé sur le cadre de la porte. De toute évidence elle attendait des explications et après deux jours d'hibernation elle était prête à laisser ses émotions s'exprimer. Elle détailla Francis du regard et lança sa première pique. « T'étais fringué comme ça quand t'as couché avec elle la dernière fois? » Le jeune homme crut à une blague et avant même de comprendre ce qui lui arrivait il reçut un second coup de poignard. « T'es qu'un pauvre con! » Ses jambes vacillèrent et Francis s'appuya contre le mur pour éviter de tomber à la renverse. Il savait très bien qu'il l'avait blessée mais sur le moment il avait tellement pensé agir pour son bien que son esprit avait du mal à supporter cette déferlante de haine. « Helen... Ecoute, je... » Elle le coupa puis fondit en larmes. « Tu m'avais promis que t'attendrais, que tu voulais que je sois prête. Mais... Tu pouvais pas attendre hein? Fallait que t'ailles voir ailleurs. » En la découvrant si malheureuse et perdue le jeune homme s'élança en direction de celle qu'il aimait plus que tout au monde et s'agenouilla au pied de son lit. S'emparant de l'une des mains de l'adolescente il débuta sa confession. « Helen. Je... Je t'ai menti. Je l'avais jamais fait. Et, j'ai eu peur quand tu m'as demandé d'être le premier. Tu sais que j'ai pas de famille. J'ai personne pour me dire comment faire... A part les potes qui racontent beaucoup de bêtises. » Cette révélation n'eut aucunement l’effet escompté.  Plutôt que d'obtenir une quelconque forme de compassion, Helen en remit une couche. « Et t'as joui combien de fois avant de juger que tu pouvais t'occuper de mon cas? — Oh! Calme-toi un peu! C'était qu'une seule fois! » La jeune femme s'apprêtait à repartir à l'attaque, une fois de plus. Et Francis était si fébrile qu'il ne supporterait plus très longtemps les insultes qu'il recevait de la part d'Helen. Il la stoppa dans son élan alors qu'elle ouvrait la bouche. « Et c'était nul! Pas parce que c'était ma première fois, parce que ce n'était pas avec toi. Je le sais maintenant que tu ne m'aurais pas jugé. Que ce n'était pas le plus important. » Elle le détestait pour ce qu'il avait fait et en même temps elle comprenait la détresse qu'il avait vécu pour la vivre elle-même actuellement. Alors, pour la première fois de sa vie Helen songea à passer outre. Pardonner non, car la douleur était encore trop forte. Elle n'oublierait pas. Par contre ça lui disait bien d'aller à ce festival avec le garçon qu'elle aimait autant qu'elle le haïssait.


Votre programme ce soir, nos équipes d'investigations sont allées à la rencontre des populations touchées par la bombe nucléaire du 25 juin dernier. Entre l'Inde et le Pakistan, nous retracerons avec les plus grands spécialistes la route du Cachemire et les éléments qui ont mené à cette guerre d'un nouveau genre. Les décombres de Mumbaï, un document inédit à découvrir ce soir sur BBC Four. « Ils vont me rendre fou avec leur voyeurisme.  Qu'est-ce qu'ils veulent nous apprendre de plus? — Doucement Edgar. Ça ne sert à rien de s'énerver tu n'as qu'à changer de chaîne. »

Lorsque l'image apparut sur l'écran de télévision, que le bandeau Breaking News se mit à clignoter, la panique s'empara du couple. Ce n'était pas possible. La scène semblait surréaliste, Trent Park était en proie aux flammes, les blessés se comptaient par centaines... La situation était loin d'être sous contrôle. Edgar se jeta sur son téléphone et entreprit d'appeler sa fille.


Septembre 2030 — Apocalypse

« Francis tu ne peux pas nous laisser toutes seules. Tiens bon! Mon père va bientôt finir ses recherches, je te le promets! Il va trouver un remède! » Helen était désespérée. Elle avait déjà faillit le perdre neuf ans plus tôt et la douleur était encore et toujours présente dans sa chair. Ils avaient construit une famille ensemble. Il ne pouvait pas partir maintenant qu'ils avaient une fille. Maintenant que le monde entier mourrait sous leurs yeux. Ça ne pouvait pas être à son tour de partir, c'était un homme et un père parfait. L'une des trois personnes en qui elle tenait le plus avec sa fille et son père. « Ne raconte pas de bêtises. Il est venu me voir hier. Il n'a aucun moyen de faire des recherches. Personne n'a de solutions. » Aux portes de la mort, Francis s'inquiétait de voir sa femme sombrer à ce point. Elle qui était si honnête par le passé ne lui aurait jamais conté des mensonges. Pire elle ne se serait pas permise de lui donner de faux espoirs. Même dans la détresse, même dans la panique. « Non! Ne ferme pas les yeux! Reste avec moi! Francis! » Il s'agissait des dernières minutes, une petite voix résonnait dans la tête d'Helen mais elle refusait de l'admettre. « Helen, protège notre fille. Tu sais que c'est elle que j'ai de plus précieux au monde. Protège-là de cette maladie. Il faut qu'elle grandisse. Il faut qu'elle devienne adulte. Il faut qu'elle trouve l'amour à son tour. S'il-te-plaît Helen, protège la. » Sa supplique ne lui faisait verser que plus de larmes encore. S'emparant de sa main brûlante par la fièvre, elle déposa la paume de Francis dans le creux de son cou. Elle n'imaginait pas sa vie sans lui. Ce n'était pas possible. Et puis comment pourrait-elle protéger Juliet seule? « Non on va la protéger ensemble, tu vas aller mieux je le sais! Francis me laisse pas toute seule avec elle! » La respiration de Francis se fit de plus en plus saccadée. « Helen, dis lui que je l'aime. Dis le à Juliet. Je t'aime Helen. Je... je suis fatigué. » Helen se redressa et s'approcha doucement de son mari. Elle ne souhaitait qu'une chose, pouvoir l'embrasser une dernière fois mais les risques de contamination étaient trop élevés. En vérité personne ne savait exactement comment la maladie s'était répandue mais ce qui tait sur c'est qu'ils mourraient tous les uns après les autres. Quelques années auparavant, la jeune femme se serait jetée sur les lèvres de Francis, qu'importe si elle devait mourir. Cependant elle était mère à présent et i elle venait d'être abandonnée par Francis, elle ne pouvait se permettre d'abandonner sa fille. « Je... je t'aime Francis. »


Avril 2033 — Rentrée scolaire

C'était un homme, grand, aux cheveux noirs, l'air plutôt gentil qui faisait face à Juliet. Et pourtant, sa longue cape sombre et l'insigne qu'il portait sur la poitrine ne lui inspiraient pas confiance. A vrai dire, elle avait peur mais elle faisait semblant, pour ne pas inquiéter sa mère et ne pas paraître faible. Car après tout sa génitrice lui avait expliqué de nombreuses fois qu'un jour elle ne vivrait plus avec elle chez les sorciers pour qui elle travaillait.

Tout du moins c'est ce qu'elle avait fait croire à sa fille. Qu'en échange de son travail de domestique elles étaient toutes deux nourris, blanchis et sous leur protection magique. Ses maîtres la maltraitaient pourtant, cependant elle les avait supplié des jours durant de ne pas sévir devant sa fille. Et à force de leur obéir et de prouver sa servitude ils avaient accepté ce compromis. Alors, quand ils souhaitaient passer leurs nerfs sur leur esclave l'un des maîtres accompagnait l'enfant dans une pièce à l'écart. Helen ne sut jamais ce qui les avait poussés à accepter cet accord mais pour cela elle leur était très reconnaissante. Et si la déchirure était extrême lorsqu'ils vinrent lui retirer sa fille elle se consola avec les promesses illusoires de ses maîtres. Elle irait dans la meilleure école, serait bien traitée et elle la reverrait, un jour.

« Ses affaires sont prêtes? » La voix du sorcier était parfaitement neutre, probablement que cet homme faisait en sorte de ne pas s'impliquer émotionnellement dans sa tâche. Après tout, à moins d'être inhumain, retirer un enfant à sa mère n'était jamais facile et pour être père lui-même il n'osait imaginer la douleur que cette séparation pouvait provoquer. Mais qu'importe c'était un sorcier et les moldus ne méritaient pas vraiment de compassion de sa part. « Il y a encore un sac de couvertures... » Il dévisagea la femme du regard. Helen retenait ses larmes, ses mains tremblaient. Elle était inquiète. Reverrait-elle un jour sa fille. Les rumeurs étaient terribles. Certains étaient prêts à tuer leurs enfants dans leur sommeil plutôt que de les promettre à une vie d'esclavage mais Helen Evans était une optimiste, une rebelle silencieuse. Elle croyait en un avenir meilleur. Et une vie de servitude était toujours préférable à la mort. A condition de savoir. C'est pour cela qu'elle répétait sans cesse à sa fille d'être docile, obéissante, d'observer sans succomber à la curiosité. De ne jamais poser de questions sans pour autant refuser la réflexion. « Elle n'en aura pas besoin. » Le sorcier des services de l'éducation moldue s'approcha de la petite fille, récupéra le sac qui contenait l'ensemble de sa vie future et lui prit la main. Il ne se retourna pas, son rôle était de récupérer les enfants dans le plus grand des calmes et de les mener dans l'école la plus proche. Juliet non plus ne se retourna pas, elle marchait droit dans la gueule du loup, sans savoir qu'il s'agissait d'un adieu à sa mère. Elle ne la revit plus jamais.


Les tests se déroulèrent sur une longue journée d'observation et d'exercices. Les enfants étaient regroupés par dizaines et notés par pas moins de cinq sorciers. Les parchemins volaient, les plumes s'agitaient dans les airs et Juliet était plus émerveillée qu'autre chose par cette exposition du monde magique.

Rapport d'affectation n°D456P28

Moldue de six ans répondant au nom de Juliet Helen Evans. Née le 08/04/2027 à Londres. Père mort suite au projet FDD. Mère vivante et asservie (domestique). Pas de parents connus excepté un grand-père maternel disparu - suspecté en fuite (scientifique).

La séparation s'est déroulée sans encombre. Un sac de vêtements a été récupéré et contrôlé par les services. RAS

1m15 pour 18 kg, corpulence menue. En parfaite santé, pas de traces de la bactérie Dolohov. Visage fin. Cheveux longs, bouclés et roux. Yeux marrons.

Enfant calme, discrète et obéissante. Se conforme rapidement et respecte les consignes données. Fait preuve de bonne volonté et de respect. A cependant posé à trois reprises des questions : " C'est quand que maman vient? " / " Pourquoi les plumes écrivent toutes seules? " / " Tu veux être mon ami? " à surveiller.

Affectation : DOMESTIQUE

Août 2043 — Belote et rebelote

L'annonce s'était propagée telle une rumeur parmi les hautes sphères sorcières. Après tout, il n'était pas si courant de se séparer d'un de ses moldus. Si cette famille souhaitait revendre la leur, c'est parce qu'ils avaient peur. Peur que leurs deux fils dans la fleur de l'âge ne succombent à cette adolescente tout aussi belle qu'efficace dans son rôle de domestique. Cependant il aurait été bien curieux d'entendre parler de telles craintes chez une grande famille sorcière, n'étaient-ils pas capables d'éduquer correctement leurs fils, de leur inculquer la bassesse des moldus et la supériorité des sorciers? Oui, l'affaire était peu courante. Si peu courante, honteuse et dangereuse que le couple de sorciers avait préféré trouver une excuse. Trop grande. Juliet n'en revenait pas, n'avaient-ils rien trouvé de mieux? Oui, avoir une moldue qui pouvait potentiellement les regarder de haut leur déplaisait fortement, surtout que l'esclave en question n'avait pas terminé sa puberté et menaçait de prendre encore quelques centimètres.

Ce qui inquiétait le plus Juliet dans cette histoire, c’était que personne ne se manifeste pour la racheter malgré les nombreux bobards de ces maîtres. A douze ans déjà elle avait craint l’exécution lors de sa première vente. A peine avait-elle eut le temps d'être casée, de souffler, d'avoir un peu de répit que c'était reparti pour un tour. Quatre années de loyaux services. Elle n'avait que seize ans, et l'inquiétude de mourir s'exprimait dans son regard. Tout ça à cause de jeunes sorciers qui divaguaient et passaient leurs vacances à mater la moldue de leurs parents. C'était injuste. Juliet n'avait jamais rien réclamé à personne, toujours obéissante, toujours disponible, toujours silencieuse.

« On a une acheteuse! On a une acheteuse! » Sa maîtresse était hystérique. Voilà des semaines qu'elle avait laissé la nouvelle se propager dans le monde sorcier et enfin elle venait de recevoir une réponse. Une personne était intéressée par la domestique et le soulagement que ressentait la sorcière n'était rien comparé à celui que pouvait ressentir Juliet. Comme des épaules plus légères et son âme, excitée à l'idée de partir de cette maison, de fuir enfin ces deux paires d'yeux qui la fixaient bien trop souvent à son goût. Encore fallait-il qu'elle convienne à l'acheteuse en question... Alors pour assurer sa propre vente, l'adolescente avait usé de ses talents d’observatrice pour glaner quelques informations précieuses concernant sa future maîtresse potentielle. Elle était de la haute il parait. Il n'y avait pas de familles plus représentatives du haut de l'échelle sociale que la sienne. Zabini avait-elle déchiffrée sur les lèvres d'un des fils. Oh elle n'était pas naïve, Juliet connaissait bien la devanture de leur boutique. Jamais elle n'y était entrée car si ses maîtres avaient le statut, les ressources financières n'étaient pas suffisantes pour s'offrir ce luxe. Elle jugea alors que s'apprêter du mieux possible n'était pas une mauvaise idée.

Ce jour là, l’adolescente avait revêtu sa plus belle robe, celle qu'elle mettait lorsque ses maîtres recevaient le gratin dans leur demeure. Par plus belle entendait-elle bien évidemment la moins moche, la moins démodée, la moins usée. Car si ses maîtres n'en venaient aux mains que rarement, ils n'hésitaient pas à laisser dépérir leur moldue. Dans l'espoir secret peut-être, que leurs fils se lassent de cette enfant qui devenait femme. « Une excellente domestique, nous n'en avons que peu à redire en quatre années de service. » Son sourire était aussi faux que les cils qu'elle portait, aussi blanc que la véritable couleur de ses racines cachées par de nombreux sortilèges antivieillissement. Cette femme ne lui manquerait pas, Juliet en était persuadée. « La question n'est pas de savoir si elle gère correctement les bambins ou si elle sait faire la cuisine. Je veux la voir. — Oui mais... Oui oui bien sûr... » La sorcière s'apprêtait à claquer les doigts lorsque l'adolescente fit irruption d'elle-même dans le salon. Echo Zabini détailla la jeune fille du regard, lui tourna autour et se stoppa face à elle. « Est-ce qu'elle sait utiliser ses mains? — Oui madame. » A ce niveau ce n'était même plus du respect dont faisait preuve la moldue. C'était de l'admiration, une certaine forme de dévotion, elle se serait jetée à ses pieds si tels avaient été les désirs de sa future maîtresse. Sa crainte de mourir prématurément l'inquiétait tant qu'elle préférait se plier au bon vouloir de quiconque accepterait de la reprendre. « Est-ce qu'elle sait utiliser sa tête? — Oui madame. » Répondit-elle en levant les yeux. Son regard croisa celui de la sorcière et elle sut immédiatement que c'était gagné. « Qu'attendez-vous précisément d'elle? — J'ai besoin d'une ombre. Une ombre qui fera beaucoup sans jamais en faire trop. Elle sera parfaite. » Et à cet instant, Juliet comprit immédiatement sa première tâche, car les yeux de la Zabini ne trompaient pas, la sorcière venait de s'adresser à sa moldue et nullement à la vendeuse qui tentait de comprendre par quel miracle la vente se conclurait.


30 & 31 Octobre 2046 — Attentat de la Tour des Médias

Perdue. Dans ce chaos. Parmi les décombres, les cris et le sang. Les termes employés lors de l'exposition du plan aux troupes ne pouvaient tromper personne pourtant. Ce serait un carnage, c'était le but, alors à quoi avait bien pensé la jeune femme en acceptant de participer?

« On devient quoi au juste si on a un problème? — Vu que c'est ta première fois Juliet on va faire en sorte que quelqu'un t'épaule. — De toutes façons on laisse personne en plan. » Et ils avaient ri, grassement, comme si leurs paroles étaient l'évidence.

Elle ne rigolait pas du tout pourtant la rousse lorsque son soit disant chaperon avait préféré se jeter sur un sorcier désarmé plutôt que de l'aider. C'était la guerre oui mais elle n'avait jamais été soldat et elle se retrouvait abandonnée sur un front auquel elle ne comprenait plus grand chose.

Elle avait épuisé toutes ses réserves, seules ses mains et sa rage de survivre pouvaient l'aider à s'en sortir. Tentant de s'éloigner des combats, elle tomba nez à nez avec un monstre. Une montagne de muscles comparé à son corps frêle. Son crâne devait avoir subi un sérieux traumatisme à la vue du sang qui s'en échappait, cependant le sorcier semblait en pleine possession de ses moyens. Et lorsque ce dernier se jeta sur elle avec un cri venu des ténèbres, Juliet crû un instant que ses jambes allaient la lâcher. Elle se voyait déjà tomber à la renverse et rendre les armes. Mourir. Ça lui paraissait bien plus simple que de réussir à s'échapper des griffes de ce mangemort. Malgré tout elle resta en alerte et se mit à courir le plus vite possible. Il était hors de question qu'elle meurt aujourd'hui, elle était jeune et tous les sacrifices qu'elle avait faits ne pouvaient être réduits à néant. Son dur labeur, la mort de ses parents et puis elle voyait aussi ce lit qui l'attendait dans une sublime villa. Elle voulait encore une fois se glisser dans les draps de la demeure de son maître. Profiter de la vue sur la piscine et se nourrir de mets que même les sorciers basiques ne pouvaient s'offrir.


Comment avait-elle réussit à retourner au quartier général? Telle était la grande question qui la taraudait depuis qu'elle s'était réveillée sur un matelas de fortune. Lorsqu'elle avait ouvert les yeux, personne n'avait prêté attention à la moldue qui revenait d'entre les morts mais qu'importe. Juliet préférait partir au plus vite de ce bordel organisé et retourner chez elle. Oui, elle ne pouvait pas aider les médicomages de toutes façons alors autant faire de la place. Depuis combien de temps avait-elle perdue connaissance? La salle dans laquelle elle avait été installée était sombre cependant de la lumière filtrait derrière une lourde porte en bois. Des voix aussi. La jeune domestique se redressa. Le sol était glacé. C'était étrange. Pourquoi lui avait-on retiré ses chaussures? Son esprit ne comprit l'incident que lorsqu'elle abaissa son regard en direction de ses pieds. Ou plutôt sur son pied droit dénudé. Et ce constat, terrifiant, qui lui raviva toute la douleur d'un coup d’œil. Mon orteil? Mon petit orteil... Où est mon orteil?!


Avril 2047 — Soif de liberté... ou pas en fait

Repos. Peu de moldus connaissaient ce mot. Juliet à la différence de ses comparses asservis pouvait cependant en profiter plus que de raison. Peut-être même trop à son goût. Si Armel était un maître exemplaire à ses yeux, la jeune femme devenait malheureuse lorsqu'il lui laissait quartier libre. Non pas que cela arrivait souvent car le Zabini était travailleur mais il n'était pas rare que la rousse obtienne des journées à remplir comme bon lui semblait.

Si pendant un certain temps elle en profitait pour s'éclipser de la villa et rejoindre des compagnons de la résistance, les temps devenaient durs. Entre les attentats, la mise sous tutelle puis le retour inespéré du leader de la Nouvelle Inquisition, effectuer des allers et venues devenait dangereux. Sans compter que depuis son orteil perdu, Juliet avait retenu une chose, elle n'était pas une guerrière. Oui elle possédait une fine lame dissimulée à la cheville et oui on lui avait enseigné son maniement mais l'utiliser n'était plus vraiment à l'ordre du jour. La peur de tout perdre restait plus forte que le reste. Que deviendrait-elle sans les tâches effectuées pour son maître, sans les services rendus de temps à autre pour les Zabini? Car la demeure était loin d'être un taudis. Le travail demandé aurait pu s’apparenter à un boulot qualifié. La nourriture était équilibrée. Elle possédait sa propre chambre et sa propre salle de bain et cerise sur le gâteau sa garde-robe était régulièrement renouvelée pour suivre les tendances. Son devoir? Etre toujours parfaitement apprêtée. Il y avait clairement pire. Sans oublier que si sa maîtresse d'origine Echo Zabini avait des élans caractériels, le maître qu'elle avait à présent était des plus agréables à vivre.

Il était vrai qu'hors du cadre privé Armel ne la considérait pas vraiment et les sorciers lui faisaient comprendre qu'elle leur était inférieure. Sauf qu'après tout, Juliet n'avait jamais eu l'ambition d'atteindre leur rang. Ce n'était qu'une orpheline, sans pouvoirs magiques. Rester en bas de l'échelle ne la dérangeait pas plus que cela du moment qu'elle avait un toit au dessus de la tête et de quoi se nourrir.

D'ailleurs si la jeune femme n'avait pas eu ce tatouage apposé sur son avant-bras pour lui rappeler sa condition d'esclave, il est certain qu'elle aurait fini par oublier. Ce verre et ce numéro, gravés sur sa chair ne la rendaient ni malheureuse ni triste. C'était à la limite un symbole, un rappel de la souffrance que ses comparses vivaient au quotidien. L'unique signe que le monde actuel n'était pas si parfait. La seule raison pour laquelle elle n'avait pas dit non lors de son recrutement par la résistance moldue. Est-ce que ce combat valait la peine? Telle était la question.