Les sanglots longs des violons de l’automne [Vivienne]
ce message a été posté Dim 2 Déc - 9:39
« Les sanglots longs des violons de l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur monotone »
(Verlaine)
Novembre 2047Depuis l’attaque de Poudlard à laquelle Armel n’avait toujours trouvé aucun sens, les semaines avaient été longues, moroses et monotones ; et sa tête à la fois trop vide, trop pleine, encombrée inutilement.
L’agonie d’Amleth Zabini s’était éternisée de longs jours durant, pour rien, puisqu’au final ni les compétences des Médicomages ni aucun soin n’avaient rien pu y changer. Les explications des uns et des autres n’y faisaient rien non plus et n’auraient nullement tari la haine acide qu’ils nourrissaient tous plus encore à l’encontre de ces
sales terroristes.
Les funérailles du plus grand couturier Anglais depuis le début du siècle avaient été d’une rare élégance, quand certains avaient opté lors de la cérémonie pour une création griffée Zabini, offerte ou imaginée à une occasion ou une autre par Amleth. Un bel hommage à l’empire qu’il avait bâti à la force de sa créativité en un peu plus de cinquante ans, le tout sous l’égide d’un clan Zabini peut-être plus uni que jamais.
Mais à présent que les hommages étaient passés, que les Zabini avaient rejoint chacun leur région respective, l’heure n’était toujours pas au calme. Parce qu’en plus des trois plus jeunes qui n’avaient évidemment pas pu retourner à Poudlard, il y avait tout le reste à gérer – la nouvelle collection avortée précocement, le devenir de la marque, des papiers par-dessus la tête, les deux magasins : et toutes ces longues journées pourtant monotones filaient plus vite qu’un vif d’or sans laisser le temps ni à Echo ni à Armel de prendre leurs marques dans ce nouveau quotidien.
Armel, lui, avait décrété que la priorité était à un immense ménage. Puisque l’heure n’était pas aux éternelles jérémiades et puisqu’ils n’avaient pas de temps à perdre à se tourner les pouces, alors autant mettre un grand coup de frais.
Sa mère s’occuperait de l’administratif, de la direction de la marque – leur marque, leur héritage à tous les deux. Lui n’y connaissait fichtrement rien, mais il était plus doué de ses mains. Les choses se répartiraient de la sorte. Il n’était pour autant pas certain d’arriver à quoi que ce soit : c’étaient là de sacré changements qui se profilaient, trop rapidement depuis ces dernières semaines, et lui avait l’impression d’être resté en retrait tout du long, subissant à présent une énorme claque dans la figure.
Olivia avait été le premier changement radical dans son quotidien alors que l’automne n’était pas encore arrivé. Aujourd’hui finalement, elle était la seule douceur au milieu de journées décousues. Avec elle, il avait décrété qu’ils garderaient l’immense manoir de son grand-père pour eux deux, pour prendre enfin leur indépendance – et avec elle, il avait décidé sans aucune pointe de nostalgie douloureuse au fond de la poitrine qu’ils feraient tout voler en éclats à l’intérieur, qu’ils allaient recommencer à zéro. Qu’ils avaient besoin d’un immense coup de ménage.
Il avait commencé par l’atelier, pièce jadis sacrée, mais qui sans son propriétaire perdait brutalement toute sa majesté. Il avait trié, jeté ou conservé des esquisses par centaines et des morceaux d’étoffe, déshabillé les mannequins qui faisaient inlassablement tournoyer leur robe inachevée – plus tard, il les rhabillerait. Sa créativité avait déserté quelques semaines plus tôt et ne repointerait sûrement pas le bout de son nez avant qu’il n’ait remis un brin d’ordre. Seule sa curiosité ne l’avait pas lâché.
C’est donc armé de sa seule curiosité mal placée qu’il transplana en cette fin d’après-midi-là sous une pluie battante jusqu’au manoir de Vivienne McKay. Il ne l'avait rencontrée qu'à de rares occasions, et principalement quand il était tout gamin. Lui-même n’était pas du tout certain de ce qu’il cherchait quand il frappa vigoureusement à la porte, à peine abrité par le auvent, une grande pochette à dessins en cuir discrètement usé sous le bras.
C’est un elfe de maison à l’air aigri et rabougri qui ouvrit la porte quelques secondes plus tard.
«
Armel Zabini, se présenta-t-il sans aucune autre forme de politesse.
Si je ne dérange pas ta maitresse, j’aurais souhaité la rencontrer. »