Theresa Mulciber est née de l'union de Mortimer Mulciber, quatrième fils de Wilfric Mulciber, et de sa femme Adeline Mulciber. Petite dernière, on s'offusqua moins qu'elle fut une fille étant donné que le couple avait pondu deux garçons (Trevor et Conrad Mulciber) avant. Non, ce qui frappa les parents c'est la pâleur de leur mioche, ses yeux bleu gris et ses cheveux de cendre… Le médicomage a tranché ainsi : votre fille est atteinte d'albinisme, c'est une maladie rare qui peut survenir dans toutes les familles. Elle n'aura qu'à se protéger des rayons du soleil. Mais… quelle gamine étrange, tout de même.

Cher grimoire, je commence à t’écrire pour améliorer mon écriture. Maman dit qu’une sang-pure doit savoir utiliser sa plume ! C’est ses propres mots. Mais j’ai aussi besoin de quelqu’un à qui parler. Je dois m’excuser: j’ai ruiné des fleurs du jardin. Oui, celles de tatie ! J’ai dit à maman que ce n’était pas moi et grand-père m’a regardé de ses gros yeux. Il a su que j’ai arraché les fleurs. Grand-père, il sait tout et ça m’énerve car je me sens idiote quand il me parle. Et lui, il est intelligent. J’ai dit que j’aimais les fleurs et que je les voulais pour moi et c’est vrai. Je n’ai pas pensé à tatie quand j’ai fait ça… Je ne pense jamais à tatie.

Quelle gamine étrange… avec ses dessins trop graphiques pour venir de doigts aussi innocents. Des monstres noirs, des yeux sévères et des spirales infernales recouvraient les murs de sa chambre. L'imagination, ça la connaissait. Ça et les réflexions du style : les morts ne parlent plus. Une petite fille trop curieuse : elle posait des questions sur tout avant de vous dévisager, la mine frigorifiée. On lui commandait souvent de se taire ou d'aller voir ailleurs. Sa langue de vipère rendait ses frères… pour le moins rancuniers. Pourtant, elle restait une enfant : un peu sotte, impressionnable et intimidée par son grand-père. Elle cherchait en lui ce sourire – probablement faux mais qu'importe – paternel qu'il offrait parfois. Elle comprenait que son estime se gagnait qu'à gros prix. Mais comment devenir intéressante ? Ses parents l'aimaient à moitié par rapport à ses grands-frères : des garçons, plus vieux…

Cher grimoire, je suis colère ! Maman semble m’ignorer ces derniers temps mais je ne sais pas ce que j’ai fait. J’ai l’impression qu’elle ne m’apprécie pas beaucoup. On me dit qu’elle se retient. Moi je dis qu’elle a toujours préféré Conrad. Je suis très triste et je devrais verser des larmes mais je n’en verse pas. J’ai dessiné un nouveau monstre : c’est le Morbimal vampire. Il suce le sang des sang-mêlés avant de les manger tout rond ! Le Morbimal vient de maman. Une fois, elle a dit : pute de Lestrange et sa morbinite ! Quand elle a compris que j’ai entendu, elle m’a donné une tape derrière la tête en me faisant promettre de ne jamais répéter. Je me suis senti triste, j’ai donc créé les Morbimals : des monstres que je dessine quand je suis triste à cause de maman. Ne dit pas à maman que j’ai réécris ça, d’accord ? En échange, je te dessinerai d’autres Morbimals, promis !

Ça commençait avec une sotte dispute : Trevor a reçu sa lettre pour Poudlard et Theresa l'a volée. Rien de bien méchant : les gamins se tiraillaient avant que le jeu devienne sérieux. Mortimer intervint le premier et rapidement, la situation a dégénérée entre lui et sa fille. Theresa a dit quelque chose qu'il ne fallait pas : elle a d'ailleurs elle-même oubliée et vous saurez pourquoi. Le mot de travers suffit à son père pour qu'un coup de sang lui chauffe les esprits. D'une formule silencieuse, Theresa vole et s'écrase près des escaliers. Maladroite, elle trébuche et chaque marche vient embrasser sa petite tête. La dernière chose dont elle se souvint (et la seule) c'est cette pensée d'une fraction seconde, cette petite voix intérieure lui disant, dans toute sa lucidité : Tu as commis une grave erreur…

Mortimer pouvait se montrer… physique avec les gamins. Toutefois, jamais n’a-t-il aussi mal réagi. Il comprit sa bêtise lorsqu’il vit le corps inerte de Theresa, sa propre fille, au bas des escaliers. Dans l’empressement, il cria vite au médicomage et répéta qu’il s’agissait d’un accident – d’un bête accident. L’affaire fut enterrée parmi les centaines de squelettes des placards du manoir Sandrigham. Et puisque Theresa a survécu… Ne valait-il pas mieux oublier cette histoire ? Et la vérité… c’est tellement surfait ! En tout cas, ce ne fut pas la seule chose que Theresa oublia car suite à cet accident, elle devint amnésique. Elle avait alors 9 ans.

Elle n’avait que 9 ans qu’elle devait repartir à neuf. Son unique souvenir de sa vie d’antan fut cette chute funeste et cette dernière pensée : tu as commis une grave erreur. Comme si le coup avait marqué son inconscient, elle ne levait plus le ton et gardait en elle un sentiment de culpabilité inexplicable. Elle jeta ses dessins et son grimoire sans égard pour l’ancienne Theresa. À cause de cette erreur dont elle ignorait la nature, elle cherchait à en commettre le moins possible. Une toute nouvelle Theresa naissait. Cet adoucissement n’a pas déplu à la plupart des Mulciber, Mortimer le premier. Il en profita pour mentir à sa fille : il fallait bien qu’au moins une personne gobe cette histoire d’accident. Le père de l’année s’en voulût mais en tant qu’homme honnête, la facilité lui parût plus attrayante.

Très chère famille, je vous écris pour vous dire que tout va bien. Je suis allé dire bonjour à Elena comme vous m'avez demandé de le faire : c'est une grande dame ! Poudlard, c'est immense ! J'ai déjà rencontré quelques-unes de mes camarades de classe. Vous connaissez des Walters ? Une camarade dit qu'ils sont nos bons amis depuis longtemps mais je n'ai jamais entendu parler cette famille de ma vie. Peut-être quelqu'un au manoir sera de quoi il en retourne. J'ai hâte de commencer les cours. J'ai fait les travaux supplémentaires préparatoires que vous m'avez conseillé de faire : je pense que ça m'aidera car les professeurs ont l'air très intelligents. Je ferai de mon mieux pour avoir les meilleures notes dès la première année. J'allais oublier : on m'a assigné à la maison de Poufsouffle ! Je suis un peu déçue : j'aurais aimé aller à Serpentard comme Mervyn, le Lord, Merlin… Mais j'aime bien le jaune. Et puis Elena y était ! J'ai hâte de revenir au manoir pour les vacances.

Theresa Mulciber, votre fille qui vous honore.

Destination Poudlard ! Theresa demeurait une anonyme jusqu'à qu'on prenne les présences. La sœur de son grand-père (bref sa grande-tante), Elena Kark, occupait le poste de directrice de Poudlard à l'époque. De plus… Theresa gardait ce visage livide et ses cheveux blancs. Sa personnalité détonait un peu des enfants de son âge : elle montrait trop de manières et de politesse. Elle restait étrangement en retraite mais surtout… elle était devenue trop gentille. Elle ne voyait pas tous ces hypocrites – ces basiques – cherchant son amitié par pur intérêt personnel. Au moins, son rang la permît de passer au-dessus de la phase brimade car bon, aussi cons que peuvent être les jeunes, on évitait de dire à la petite-fille de Wilfric et parente d'Elena qu'elle ressemblait à un lapin blanc débile. Une scolarité plutôt malsaine à dire vrai : peu de véritables camarades pour tant de faux-culs, tant d'heures à étudier pour si peu de rires et trop de nuages gris pour trop peu de rayons de soleil… Elle aimait recevoir des lettres de félicitations pour ses excellentes notes et son comportement exemplaire. Certes, ses lettres s'accompagnaient de remarques sur ce qu'elle pourrait améliorer mais n'était-ce pas pour son bien ? Elle devint préfète : ça permettait de passer le temps. On la trouvait un peu nulle comme préfète : trop crédule, magnanime et pas assez… Mulciber. Mais bon, elle faisait le boulot et les autres préfets pouvaient bien gérer la discipline, eux…

Puisqu'elle était une excellente élève de sang-pure, on lui ouvrit les portes du cours de magie noire avec Sir Andrew McKay. On avait remarqué que durant les cours de Maléfices et Sortilèges de Combat, elle semblait prendre plus de noblesse. Qu'elle remporte les duels ou non, elle témoignait d'une énergie plus… vivante ? On pensait tout naturellement que la magie noire lui redonnerait un peu de panache. Au départ, Mortimer et Adeline s'y opposaient. Après tout, ils se contentaient bien d'une fille gentille pas trop guerrière. Dans les coulisses, ils s'inquiétaient de ce que la magie noire pourrait avoir comme impact sur leur encore très jeune fille. Pourtant, ils se laissèrent convaincre par les professeurs, unanimes : cette petite a du talent et ce serait un gâchis que d'empêcher celui-ci de fleurir.

Plus elle progressait dans son apprentissage, plus on constatait qu'en effet… La petite changeait. On s'étonna de sa perspicacité et de la lourdeur de son châtiment lorsqu'elle prit deux malins à tenter de s'introduire (non pas sans ingéniosité) au dortoir féminin. Quelque chose refît surface, quelque chose d'ancien… Elle commença à retrouver des souvenirs de son enfance. Ce dont elle se souvînt lui fît peur. Elle comprenait que quelque chose ne tournait plus rond chez-elle. Elle regrettait ce temps où elle restait qu'une aimable poupée : elle était épargnée des doutes. Cependant… elle savait qu'il était trop tard. Les choses changent et elle aussi.

Elle finit sa scolarité les BUSEs et ASPICs gonflés comme des ballons d’eau. Elle a honoré la force intellectuelle de sa famille : on peut dire mission accomplie. Elle retourne au manoir, désormais prête à un éventuel mariage. Elle rejoint le Ministère de la Magie à la commission de la Trahison en tant que stagiaire. Avec ses compétences en duel, maléfice et magie noire, elle aurait eu parfaitement sa place au sein de la Police Magique mais elle s’est dite qu’elle vivrait mieux un travail plus… calme. Il faut savoir qu’avec la magie noire, elle commençait à retrouver des souvenirs pour le moins… perturbants.

J’ouvre ce grimoire pour témoigner de mes étranges cauchemars car sinon, je les oublie. Ça me sera peut-être utile si je vais voir le médicomage pour ça…

[…]

Le 23 août 2045, j'ai encore fait cet étrange rêve. Tout le monde s'affole au manoir et un peu partout. Mais je suis certaine que ça s'arrangera : les choses finissent toujours par s'arranger. En tout cas, la politique des derniers jours me stressait un peu et pourtant, je m'occupe rarement de politique. Cette nuit je rêvais à ma vieille chambre pour enfant. Mais ce n'était pas celle dont j'étais habitué : elle ressemblait un peu à celle d'avant mon accident avec tous ces dessins bizarres sur les murs. Il y avait des monstres partout qui semblaient me regarder. Puis, il y avait cette immense araignée au plafond : elle était gigantesque ! J'ai pris alors un bâton pointu dans mon placard et je piquais l'arachnéen. Il sauta sur mon lit avant de ramper contre le plancher. Je l'empale de mon bâton et je regarde l'arachnéen tenter de se débattre vainement. Ses pattes tentent de gratter le plancher mais je ne fais rien : je le regarde agoniser. Ensuite, j'arrache des pattes de ma main libre… Quel rêve horrible mais pourtant si… réel ! Je m'horrifiais de ce cauchemar à mon réveil...

[…]

C'est terrible : je ne devrais pas écrire ça ici mais j'ai besoin de parler à quelqu'un. Ils ont… Ils ont tué Elena, les terroristes ! Les méchants ! Et ils ont kidnappé grand-père ! J'aurais voulu pleurer mais… ça n'aurait pas été approprié. Je dois resté forte car c'est seulement ainsi qu'on retrouvera grand-père et qu'on ramènera l'ordre... L'oncle Lodrick prend la tête du manoir en son absence mais ça ne me rassure pas du tout ! Ah… qu'on ne me fait pas dire ce que je n'ai pas dit mais… Grand-père, enfin Wilfric, savait toujours quoi faire et mon oncle… a besoin de temps, je crois. Je suis chamboulée mais je dois écrire mon cauchemar qui ressemblait fort bien à un souvenir.

Je rêvais d'abord à Avalon, attaqué par toutes sortes de terroristes. En rêve, je réussis à me défendre en bonne duelliste que je suis mais je tomba soudainement et on m'attrapa. Je me réveillais encore dans ma chambre de petite-fille bizarre. J'entendais du bruit mais surtout je me sentais mal. Je sortais de ma chambre ans mon pyjama avec une peluche de Sombral (moi qui ai toujours préféré les licornes…) avant d'arriver à la chambre de père et mère. Je les entendais parler fort mais j'ouvris quand même. Les deux avaient leur baguette en main et ils avaient l'air très en colère. Quand père me vît, d'un sortilège muet il ferma la porte qui me donna un coup douloureux au visage. Je ressentais la douleur comme si elle était vraie. Cependant, ce qui me perturba le plus c'était la raideur de père : pourquoi était-il si brutal dans mon rêve ? D'aussi loin que je me souvienne, il est un père avenant… un brin rude certes mais juste. Je ne sais trop quoi en penser.

[…]

Je ne devrais pas écrire ça ici. D'ailleurs, je vais me débarrasser de ce grimoire bientôt je crois. Vaut mieux garder ses pensées pour soi. En attendant, je les écrits peut-être pour la dernière fois pour les organiser…

J'ai reçu la Marque des Ténèbres cette nuit. Je ne sais pas ce qu'elle a mais ce soir je suis d'humeur à chasser du sale terroriste… Je me sens sombre. Je me disais aussi – et je ne sais pas pourquoi – que j'aimerais bien voir un Sombral. Mais ça ne marche pas comme ça et puis on ne souhaite pas le deuil. D'ailleurs, je pense souvent à Elena et Mervyn ces temps-ci… Je me demandais juste ce qu'ils avaient de si… puissants. Je me disais que malgré tout ce qui se dit – malgré mon expérience personnelle - on n'en savait si peu… On sait si peu de choses…