Les pieds sur le rebord de la première marche, le regard attiré vers le vide de l'escalier menant au hall d'entrée. Elle n'était pas folle, souffrante uniquement. Et c'est cette douleur insoutenable à chaque respiration qui lui donnait envie de tout plaquer. L'Inquisiteur lui avait donné des comprimés, aucun ne semblait faire effet. La douleur était toujours là, de jour comme de nuit. Chez les humains, les os doivent se soigner tout seuls ce qui déplaît particulièrement à Juliet car elle sait qu'elle peut abréger ses souffrances. Il suffirait que son maître soit au courant. Il ne la laisserait pas souffrir car d'une elle ne pourrait pas travailler correctement et secondement car une personne qui a le visage tiré et des cernes ce n'est pas beau. Oui, il suffirait qu'elle aille voir Armel et qu'elle lui dise qu'une de ses côtes est cassée. Seulement elle ne peut pas. Car encore faudrait-il avoir une bonne raison pour expliquer cette blessure loin d'être anodine.

La moldue avait déjà tu sa souffrance, prenant sur elle lorsqu'elle avait perdu son orteil. Or, elle n'était pas prête à revivre cette expérience. Il lui avait fallu presque vingt-quatre heures pour prendre son courage à deux mains et aller voir son maître pour l'informer de la situation. Mais elle ne l'avait pas vu. C'est à ce moment là qu'elle avait réalisé qu'il ne lui avait rien demandé depuis les récents événements. Elle avait bien essayé de se renseigner mais à cause de sa côté cassée elle restait cloîtrée dans sa chambre. C'était le silence qui planait chez les Zabini. Un silence qui faisait peur, un silence de mort.

C'est grâce à ce heureux hasard que Juliet ne s'était pas discréditée. Comprenant qu'elle ne pouvait pas se pointer comme une fleur sans raison, vingt-quatre heures après, une idée encore plus folle s'était installée dans sa tête. Une bonne excuse pour aller voir un médicomage. Un malencontreux accident pour justifier sa blessure. Si tout se passait comme prévu, il n'y avait aucun risque pour que son appartenance à la Nouvelle Inquisition soit révélée au grand jour et encore moins sa trahison évidente. Le stratagème qu'elle avait en tête était un mensonge à lui tout seul mais qu'importe il lui fallait prendre le risque.

Si la jeune femme ne s'élançait pas tout de suite dans les escaliers c'était parce que malgré tout elle avait peur. De souffrir, encore plus, une fois arrivée en bas. Peur de l'inconnu aussi car rien n'était moins sûr concernant son état à l'arrivée. Pour prendre un peu de courage, elle inspira un grand coup comme à son habitude et la douleur qui s'invita en plus la motiva à effectuer un saut dans le vide. Qu'importe si elle risquait de se casser une jambe dans l'affaire en plus de se casser une seconde côté. Ce serait sa punition pour oser mettre en scène sa blessure. Une punition pour lui rappeler sa faiblesse et son manque de patience concernant sa guérison.

Tout se passa très vite. Après avoir décollé les pieds du sol, elle se réceptionna bien vite sur les marches en haut de l'escalier dans une posture de pantin désarticulé. Il s'ensuivit de multiples roulades où Juliet n'eut le temps de penser qu'à une chose, bon sang que ces escaliers étaient grands! Elle entendit d'ailleurs un craquement lorsqu'elle échoua finalement quelques secondes plus tard sur le sol du hall de la villa. Pas de sang à l'horizon mais une douleur atroce qui l’empêchait de respirer ou même d'appeler à l'aide. Quelle imbécile faisait-elle...

Spoiler:

Juliet était loin de se douter que seulement quelques mètres plus loin dans la demeure, son maître était installé dans un fauteuil du salon. Mais finalement, ce détail qu'elle n'avait pas jugé bon de prendre en compte allait probablement la sauver de sa situation. Sa côte ne s'était pas réparée miraculeusement dans la manœuvre par contre une seconde s'était brisée suite à la dégringolade. Elle n'entendait plus rien, ne voyait plus rien, ne sentait plus rien si ce n'était cette douleur irradiant son torse. Respirer était un supplice alors elle passait par de petites phases d'apnée en espérant que quelqu'un lui vienne en aide. Armel dans le meilleur des cas. Quel ne fut donc pas son soulagement lorsque le sorcier en question fit irruption à ses côtés, d'abord nonchalant puis mis en alerte en un claquement de doigts. Ce n'est pas exactement sa voix qu'elle perçut ni même son visage qu'elle reconnut mais plutôt se présence rassurante qu'elle sentit à ses côtés. Elle voulait tendre les bras dans sa direction, le toucher pour de vrai et s'assurer qu'il n'était pas qu'une illusion. Cependant le moindre mouvement était impossible. Juliet, la moldue discrète, polie, serviable, parfaite, n'était plus. Non, la rousse était uniquement une petite fille qui avait besoin d'aide et qui finalement cherchait à attirer l'attention pour qu'une personne lui permette d'ouvrir les yeux. Elle s'était foutu seule dans la merde, elle espérait qu'Armel l'aiderait un jour. Car il était finalement tout ce qu'elle avait de plus précieux au monde. « Je... Je... » Ce n'était qu'un souffle, presque imperceptible, désespéré. Instinctivement, voulant se recroqueviller sur elle-même pour chercher à atténuer sa souffrance elle ne fit que réveiller plus de douleur. Et c'est un cri mêlé à de légers sanglots qui réussit à s'extirper de ses poumons. A peine le son était-il sortit de sa bouche que la moldue se stoppa net. Elle ne pouvait avoir cette attitude, c'était interdit, c'était inimaginable. Son regard plongea dans celui de son maître, tout en essayant de reprendre contenance. « Pardon. » Murmurait-elle sur le bout des lèvres, désignant enfin du bout des doigts l'origine de ses blessures.

En finir, au plus vite. Que la magie puisse faire ses miracles, qu'elle puisse en profiter, elle, la moldue dépourvue de pouvoirs. Prier aussi. Pour que son maître ne cherche pas d'explications plus précises que la chute. Espérer qu'il continuera à être naïf au point de tout lui laisser passer. Non pas qu'elle aimait dénigrer Armel mais elle devait bien avouer que cette situation l'arrangeait particulièrement depuis son recrutement par la Nouvelle Inquisition. De toute façon elle se l'était promis, jamais elle ne pourrait le blesser directement, jamais elle ne pourrait disparaître sans lui avoir raconté toute la vérité. Préférant mourir des mains du Zabini sans hésitation. Il lui fallait seulement trouver le bon moment, le jour où les Inquisiteurs feront déborder le vase, le jour où elle n'aurait plus rien à perdre.