Hélios contemple, à nouveau, du haut du balcon de son défunt père. Il fait froid, sans doute, mais le Kark s’en fiche : il veut prendre l’air, se libérer de sa propre prison sous la forme du manoir qui est devenu le sien.

Il porte un large manteau à fourrure et de solides bottes qui réveillent un corridor. De parfaites bottes pour écraser du terroriste… Quand le moment viendra. Pas que l’envie lui manque, mais l’héritier s’est fait déchiqueter le cœur à maintes reprises, à sec. Il se réserve le droit de contempler un jardin meurtri par l’hiver anglais, passif et calme comme l’eau coulant le long de son domaine.

Il se souvient de cette amusante soirée avec Beverly. Amusante… il dirait burlesque, inappropriée et impertinente. Il a bien aimé. Mais voilà, les choses ont un peu changé…

Par ta faute, crétin.

Possible. Méga possible même. Néanmoins, face à la manière implacable dont les évènements se sont enchaînés, il en vient à se demander si arrêter la magie noire aurait suffit à ramener sa sœur. Il se demande jusqu’à quel point il aurait dû tout abandonner pour elle… ou s’il prend le problème à l’envers, combien aurait-il été prêt à sacrifier pour redevenir son frère, au lieu du fils à Arutha Kark. Car oui, plus il y pense, plus il se dit que les deux devaient être mutuellement exclusif. Irréconciliable.

Je la déteste.

Il la déteste, pour tant de raisons. Trop de raisons, ça en devient un amalgame absurde de frustrations, de haine et de toutes les émotions négatives humaines atrophiées l’une contre l’autre. Voilà le pain quotidien d’Hélios Kark, qui broie du noir seul sur un balcon frisquet à se perdre sur un jardin solitaire.

Solitude.

Il retourne à l’intérieur. Pas un bruit. Le fils a surpassé son père en faisant du manoir un endroit encore plus froid. Il n’y a que lui et son elfe de maison, Igor. Au moins, il peut nourrir l’impression de s’occuper d’un animal de compagnie avec Igor. Il a pensé à s’acheter un animal (un vrai), pour fournir à son quotidien un peu plus de vie. Un chien, un serpent… un truc méchant qu’il aurait plaisir à nourrir.

Il retourne à son bureau (car oui, monsieur possède son propre bureau maintenant). Il rédige une lettre sur un parchemin. Il va manquer le prochain entraînement. Encore. Ça mettra son entraîneur en furie. Bah oui : et alors ? Il viendra au prochain… ou pas. Il demeure certain de se pointer au prochain duel, parce que d’un il ne refuse pas un duel et de deux foutre une branlée l’amuse davantage que lancer une centaine de sortilèges dans le vide, par exemple.

La vie continue… plutôt elle fait semblant de continuer, pendant que quelque chose de gros se prépare. D’énorme… Et il devra y faire face d’une manière ou d’une autre. Pour ça, il a déjà commencé les préparatifs…

Oui, la prochaine fois, il sera prêt.
Peut-être pas aujourd’hui, encore moins demain…
Mais un jour, il se le jure, il aura sa vengeance.