Abel lança un rapide coup d’oeil à son oncle qui chevauchait sur le dos d’Orion à ses côtés, avant de s’empresser de reporter son attention sur Pegasus qui avançait sagement: son ethonan était à l’écoute aujourd’hui et n’en faisait pas qu’à sa tête comme en temps normal, sans doute avait-il senti que son jeune maître avait la tête ailleurs. La vérité, c’est qu’Abel était sacrément angoissé ces temps-ci. Ces dernières semaines, ses cheveux étaient d’une couleur beaucoup plus vive que d’habitude, et ça ne voulait dire qu’une chose: qu’il n’était pas dans son assiette. Au fil des années, Abel avait pris l’habitude d’utiliser beaucoup trop son don de métamorphomagie pour dissimuler le fait qu’il ne se sentait pas très bien…. ce qui avait l’effet inverse de celui escompté pour quiconque le connaissait un miminum. Il était déjà incapable de mentir de base, alors ça ne faisait que rendre les choses encore plus flagrantes. Abel, bien sûr, n’avait toujours pas compris ça.

Tout allait mal. Les terroristes avaient tué Mervyn Kark et détruit la tour des médias. Son père lui avait interdit de le suivre cette nuit là, et Abel avait bien vu ses regards inquiets. Ceux de sa mère aussi, il n’était pas idiot. Bien qu’il fût plus qu’effrayé, Abel avait insisté pour y aller : il voulait protéger ceux qu’il aimait et être digne de son nom et de son sang. Mais ça avait été un non catégorique, et contrairement à sa soeur la révoltée Leah qu’il avait observé, avec l’angoisse chevillé au coeur, quitter la maison sans un regard en arrière, il n’avait pas osé pas faire de même et braver les ordres de son père. Sa justification était qu’il ne voulait pas laisser sa mère toute seule mais la vérité c’était qu’il était mort de trouille.  Et puis en revenant, son père avait eu une crise de trémoria, et ça faisait bien longtemps qu’Abel n’avait pas vu ça chez son père. ça l’angoissait encore davantage. Il avait peur. Il avait peur pour sa famille, surtout pour Eden toute seule pour sa dernière année à Poudlard. Et s’il se passait quelque chose là bas? Et si un jour il était incapable de protéger ses proches? Il ne voulait pas y penser. Il était tellement maladroit. L’action ce n’était pas pour lui.

Et ce n’était pas tout. Ces dernières semaines, Tess semblait furieuse contre lui pour une raison qui lui échappait complètement (comme toujours) et contrairement à d’habitude, il ne parvenait pas à désamorcer la situation. Il espérait que le temps ferait son oeuvre, comme c’était souvent le cas avec la jeune femme, mais pour le moment ce n’était guère concluant, et Abel avait le coeur lourd. Il en avait touché deux mots à Hywel, mais ça n’avait pas été d’une très grande aide, malheureusement. Et à part Hywel… il ne pouvait pas en parler à grand monde. Par exemple, il ne pouvait clairement pas en parler à son oncle Maddox, sauf s’il voulait recevoir une énième leçon sur ses mauvaises fréquentations. Et Abel appréciait trop leurs balades du dimanche pendant lesquelles Maddox était généralement de bonne humeur: c’était son moment privilégié seul à seul avec son oncle et il ne voulaIt pas tout gâcher avec ses états-d’âme.

Pour couronner le tout, le mois de novembre semblait être encore plus triste que d’habitude. Les paysages étaient mornes et les jolies couleurs de l’automne avaient déjà toutes disparues, ou presque. La pluie récente avait rendu les chemins boueux et le soleil avait décidé de ne pas montrer le bout de son nez de toute la journée. La discussion - pour le moment légère et sans grandes implications - avait tourné court quelques instants plus tôt et un petit silence s’était installé avant que les inquiétudes d’Abel ne se manifestent sans qu’il puisse décider quoique ce soit. “Tonton… Tu crois pas qu’il faudrait qu’Eden revienne à la maison?” Elle serait plus en sécurité à la maison. Elle est toute seule à Poudlard. Et si les terroristes décident d’attaquer l’école?

A peine les mots ont franchi la barrière de ses lèvres qu’il les regrette déjà, baissant les yeux presque aussitôt sur Pegasus. Il n’aime pas paraître faible Abel, en général mais surtout aux yeux de sa famille. Et avec Maddox, c’est encore pire. Il s’inquiète de trop, le poufsouffle, c’est dans ses gènes. Il ne peut pas faire autrement, surtout ces temps-ci. Il y a trop de changements, il n’aime pas ça. Et la guerre, c’est terrifiant. Son oncle, lui, n’a pas l’air d’être dérangé pour une mornille de tout ce qui est en train de se passer. ça semble lui passer au dessus de la tête. Abel se demande même s’il n’est pas content de tout ça… Son oncle est un peu bizarre - son père dit qu’il est psychologiquement instable et surtout profondément enquiquinant mais en même temps, son père et son oncle ne se sont jamais appréciés. C’est dommage parce qu’Abel les aime de tout son coeur, mais c’est comme ça. Il plaint sa maman en fait, parce que pour elle ça doit être vraiment difficile.

Abel est habitué au comportement changeant et au manque de tact de son oncle avec le temps - en même temps avec 33 beuglantes pendant sa scolarité à Poudlard il a bien fallu (oui, il les a compté). Pas que les beuglantes ont cessé de lui être adressé depuis qu’il a commencé sa vie active mais enfin. Disons que maintenant il n’y a plus toute une école qui les entend. Oui, il est habitué à Maddox mais il n’a pour autant jamais compris comment son oncle fonctionnait.
Mais quelque part, ce n’est pas anodin si Abel vient de poser la question qui le taraude depuis plusieurs jours sans oser en parler à quiconque. Et la raison est simple. Abel sait que Maddox lui dira la vérité, contrairement à ses parents qui se seraient contentés de lui assurer que tout va bien. Son oncle, lui, ne le ménagerait pas en lui dissimulant la vérité.. Il ne l’a jamais fait - du moins pas à sa connaissance.
C’est pourquoi ses propos le rassurent aussitôt, même si l’inquiétude n’a toujours pas totalement disparu. S’il lui assure que Poudlard est vraiment sûr, c’est qu’il doit vraiment le penser. Et son oncle sait de quoi il parle. Mais il aime pas quand il l’appelle “petit”.

“Non!” rétorque-t-il aussitôt en fronçant les sourcils, sur le ton de la défensive. Encore une fois, un léger silence s'installe. La vérité, c’est qu’il a entendu des bribes de conversation entre ses parents, et qu’il ne sait pas vraiment lequel était le plus inquiet. Il ne dira pas non plus qu’il les a entendu parler de lui - bien sûr, ils s’inquiètent pour lui et pour Eden mais Leah ils ne la mentionnent pas. Parce que Leah sait se gérer toute seule. Elle n’est pas comme lui. Il se mord la lèvre inférieure. Poudlard lui manque. C’était plus simple quand il était là bas. Tout allait bien, il voyait Tess et Hywel tous les jours et il n’avait pas à se préoccuper de quoique ce soit d’autre. Maintenant il est censé assumer ses responsabilités d’adulte mais le problème c’est qu’il ne se sent pas adulte. “Mais on ne sait jamais non?! Les terroristes ont bien détruit la Tour des médias et personne ne s’y attendait. C’était encore plus sécurisé que Poudlard j’en suis sûr. Et si Eden fait une crise pendant une attaque, comment feront les autres hein? Ils ne savent pas comment gérer ça.” Il est un peu en colère, surtout angoissé, laissant le bleu et le fuschia de ses cheveux se transformer en un violet vif.

Du coin de l’oeil, il observe son oncle se masser l’arrête du nez. Il connait bien le geste. Cela signifie que Maddox en a déjà marre de ce qu’il lui raconte et que les reproches ne sont sans doute plus très loin. Mais Abel commence à en avoir marre qu’on ne lui dise pas la vérité. Il pensait que son oncle ne penserait pas des pincettes avec lui mais il s’était peut être trompé. En vérité, Abel ne sait pas vraiment ce qu’il voulait de la part de son oncle. En vérité, Abel voudrait seulement être convaincu que tout ira bien pour Eden. Mais il n’y parvient pas. « Ta mère t’a déjà raconté l’attaque des Phénix de décembre 2020. Le Ministère est tombé, Mervyn est mort une première fois, la Tour des Médias a été détruite, mais pas Poudlard. Poudlard a tenu bon. » C’est vrai. Sa mère lui a déjà raconté ça, plusieurs fois. Son père n’aime pas en parler, et Abel ne sait pas vraiment pourquoi. Pourtant, d’habitude, ça ne le dérange pas tant que ça de parler des batailles passées. Abel se demande ce qui a bien pu se produire là bas. C’était sans doute très violent, pour que ça finisse comme ça. “Oui mais bon à l’époque y avait pas de coupures de magie.” crut-il bon de protester avant que son oncle n’en rajoute une couche ne le laissant même pas finir. « Ton père a fait une crise, ce soir-là. En plein combat. Et tu sais quoi ? Il nous emmerde encore aujourd’hui, ce grand inutile d’Erwin, alors ce n’est pas ça qui l’a arrêté, ni qui va arrêter ta soeur. »

Abel voit rouge - et il laisse volontiers ses cheveux le montrer, après tout il veut que Maddox soit au courant. C’est sans doute ce qu’il déteste le plus chez son oncle. Ce n’est pas les beuglantes non, ce n’est pas non plus ses sautes d’humeurs ou sa fâcheuse manie d’être désagréable dès qu’il parle de Tess et d’Hywel qu’il prend pour des verracrasses. Non, ce qu’il déteste le plus chez son oncle c’est son aversion mesquine et sans fondement pour son père, 24h/24, 7J/7. ça le rend toujours vraiment triste Abel. Parce qu’il aime profondément son père, mais il aime aussi profondément son oncle. Et il ne supporte pas que les gens qu’il aime ne s’apprécient pas. “Tu racontes n’importe quoi! C’est honteux ce que tu dis, tu n’as aucun droit de dire ça à propos de papa, tu es toujours en train de le critiquer sans raison, c’est toi qui nous emm-.” Il se tait subitement, la honte dans les yeux, le cœur percutant douloureusement sa cage thoracique. Il n’a jamais parlé comme ça à son oncle et il n’ose pas terminer. Il sent déjà arriver les remontrances et il regrette déjà ses mots qu’il a prononcé sans réfléchir. Mais la vérité, c’est qu’il est paniqué Abel, et c’est bien l’unique raison qui explique son présent comportement.

A peine s’est -il retenu de finir sa phrase qu’il reçoit une claque sonore sur la joue. Le ton employé par son oncle est sec, et Abel ne le connait que trop bien: il est fortement déconseillé de répondre quoique ce soit quand il l’utilise. Pas qu’il ne lui vienne à l’idée de protester ou de dire quoique ce soit, de toute façon. Il est bien trop mortifié par ce qu’il vient de se passer. La brûlure est vive, ça fait mal et il sait pertinemment qu’il aura la marque de la main de son oncle sur la peau ce soir quand il rentrera à la maison - et donc qu’il devra l’expliquer à ses parents - mais ce n’est rien face à la honte cuisante qui l’étouffe et lui fait baisser les yeux. Il ne sait plus la dernière fois qu’il s’est pris une baffe de Maddox, mais ça fait longtemps. Il était encore à Poudlard, et pas en dernière année. Il sait que ses cheveux doivent être presque aussi rouge que son visage parce qu’il ne les a pas contrôlé - il ne le fait que rarement lorsqu’il est entouré de sa famille  - alors il se focalise dessus et ils reprennent leur couleur naturelle alors que Maddox et son Ethonan se rapproche de lui. Abel ne lève pas les yeux et ne pipe pas un mot, encore trop occupé à digérer cette baffe -méritée d’ailleurs, c’est impensable pour lui de parler comme ça à son oncle, il ne sait pas ce qui lui a pris.

« Crois-tu que je te mens ? » Il secoue la tête même si Maddox n’attend pas de réponse. Non, bien sûr que non, son oncle ne se gêne jamais pour dire ce qu’il pense donc ça ne fait pas sens qu’il ne dise pas la vérité aujourd’hui. « Ton père a fait une crise de trémoria en pleine bataille. Qu’il en ait honte ou pas ne change rien au fait que ce soit arrivé et qu’il soit encore vivant malgré tout. » Abel relève légèrement la tête - même s’il n’ose toujours pas croiser son regard. Il voudrait lui dire qu’Eden est pas aussi forte que son père, et que c’est encore une ado, et que si ça se trouve elle en ressortirait pas vivante alors il ouvre la bouche pour dire quelque chose mais la referme aussitôt au signe de son oncle qui est loin d’avoir laissé tomber la froideur de ses traits. De toute façon, il n’est même pas certain qu’il aurait vraiment réussi à sortir quelque chose. « Tu sais très bien que je n’apprécie à peu près rien, chez Erwin. Mais il a fait sa part pour les Mangemorts, pour les Héritiers, qu’importe tout le reste, et je ne peux pas lui enlever ça, et la maladie non plus. »

Abel relève légèrement la tête. C’est bien la première fois qu’il entend quelque chose de positif sur son père par la bouche de Maddox. C’est loin d’être de vrais louanges, mais Abel sait bien que ça vaut beaucoup, venant de quelqu’un qui déteste son père autant. Un silence pesant s’installe - du moins pour Abel, qui ne sait pas comment réagir et comment répondre. La vérité c’est qu’il n’a qu’une envie, faire demi tour pour ruminer cette claque pendant tout le reste de l’après-midi dans sa chambre. Ou aller voir Hywel, tiens, qui saurait lui remonter le moral. Mais bien sûr, ce n’est pas ce qui est prévu.

“Je suis désolé.” finit-il par marmonner alors qu’une nouvelle vague de honte le submerge. S’excuser est difficile, mais il aurait été encore plus difficile à ses yeux de ne pas s’excuser alors qu’il a déçu son oncle. Il exhale un soupire nerveux. “Eden….” il cherche ses mots, il ne veut pas froisser son oncle. Il hausse les épaules. “C’est vrai que même avec la tremoria elle saura sans doute mieux se défendre que moi de toute façon.” Abel n’a aucun mal à l’avouer, il sait bien qu’il est l’enfant le moins adroit des Schmidt. “Si jsuis encore vivant elle le sera forcément.” finit-il bien que ce soit plus pour s’autoconvaincre de la sécurité de sa soeur qu’autre chose.  

Il ne se dénigre jamais pour recevoir des compliments Abel. Surtout de son oncle. Déjà parce qu’il se sait plus que médiocre, mais aussi parce qu’il est rare pour Maddox de le complimenter. Ce n’est pas lui, ça ne lui ressemble pas. C’est pas facile tous les jours, pour Abel. Sa soeur Leah est tellement brillante. Eden aussi, même si elle est plus jeune. Et lui… lui avec sa tête dans les étoiles, le coeur innocent et l’âme hypersensible, doit se faire violence pour sortir de sa zone de confort à chaque fois qu’il s’agit de seulement essayer de rendre fier son oncle. Ce n’est pas naturel comme Leah; et parfois il se demande bien si ça vaut vraiment le coup, au juste, mais il est trop loyal, Abel. Il a trop besoin de reconnaissance, Abel. Il a trop besoin de sentir que sa famille l’aime, Abel.

Il n’est pas si faible que ça Abel, des années de beuglantes à Poudlard, ça forge un peu. ça fait relativiser. Il ne prend plus les choses autant à coeur qu’auparavant Abel. Mais il y a bien des choses qui le blessent encore. Comme lorsque son oncle éclate de rire, comme ça, alors qu’il n’y a rien du tout de drôle dans tout ce qu’Abel vient de dire. « Je préfère ça comme façon de parler »Le Macnair est fier de lui-même, ça oui, trop souvent d’ailleurs. Mais après, Abel sait qu’il y a de quoi. Son oncle est un héros, après tout. Il voit bien Abel, que son oncle a complètement relégué le problème au placard, alors que le poufsouffle sait que lui va le ruminer encore pendant des jours. Il est bien trop cérébral pour tout envoyer valser. Mais aussi trop réservé pour oser dire à son oncle que tout son discours n’a pas changé grand chose à ce qu’il craint.

Abel soupire imperceptiblement en observant son oncle reprendre sa place avec Orion un peu devant lui et Pegasus et se mettre à déblatérer comme il en a le secret pour arriver à la suprême noblesse du sang Macnair. « Dis-toi que ta soeur n’est pas seule. Et puis, c’est une adulte, maintenant, petit ! Aies confiance en elle, un peu, et en toi, aussi, même si ce n’est pas en étant assistant d’édition que tu vas apprendre à être plus doué avec tes deux mains et tes deux pieds. Vous avez le sang Macnair. Du sang de gagnants, de battants. » Il a plusieurs choses à répondre Abel. Déjà, que sa soeur n’est pas encore une adulte. Elle est encore à Poudlard, donc c’est encore une enfant. Et puis, est ce qu’on est vraiment adulte à partir de 18 ans? Abel ne voit pas vraiment la différence. Il se sent encore bien plus adolescent qu’adulte. Mais ça, il ne se permet pas de le dire parce qu’il sait très bien que ça plairait pas à son oncle surtout qu’ils viennent de mettre le sujet au placard. Abel se demande également quel le pourcentage de sang macnair dans le sien. Parce qu’honnêtement, il ne doit pas y avoir grand chose. Il est bien plus un Schmidt qu’un Macnair. Ce n’est pas quelque chose dont il a honte, au contraire, il en est fier. C’est juste… Parfois il aimerait avoir autant d’assurance que son oncle ou sa soeur ainée. “Je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre.” répondit-il honnêtement, un peu rassuré maintenant que son oncle n’est plus en colère. “Si 7 ans de Poudlard ne m’ont pas rendu plus doué avec mes deux mains et mes deux pieds je ne vois pas vraiment comment ce serait possible maintenant. Sauf si tu décides un jour de m’entraîner jusqu’à ce que je sois au moins au dessus de la médiocrité, mais tu sais tonton je ne pense pas que tu aies la patience.”

Il sent son bonnet être replacé d’un geste par son oncle, et ça lui réchauffe le coeur. C’est tout bête, comme geste, mais ça lui fait quelque chose. Il prétend toujorus que ce genre de gestes l’embarrasse ou l’embête, mais c’est faux. Maddox dirait que c’est à cause de sa mère qui l’a toujours trop couvé. (et de son père aussi, puisque tout est plus ou moins de la faute de son père.)

« Et sinon… c’est que tu commences à mordre, dis donc. C’est Armel et Jess, qui te montrent à te défendre comme ça ? Que je sache si je dois les remercier eux, ou si je dois montrer mon respect à bouquin sur l’art du discours. »
Abel fronce les sourcils, se demandant pendant quelques secondes de qui il parle avant de faire les gros yeux en comprenant où son oncle veut en venir. “Hywel!” proteste-t-il avec une once de colère non dissimulé. “C’est Hywel qu’il s’appelle!” Il est outré, Abel, comme à chaque fois. “Et Tess, pas Jess.” finit-il un peu plus calmement. Sérieusement, il est presque certain qu’à ce stade, Maddox le fait exprès pour l’embêter; parce que ça fait des années que le serpentard et la gryffondor sont ses amis. Il est toujours en colère quand son oncle les dénigre, parce qu’Hywel et Tess ont bien trop d’importance à ses yeux. Penser à ses amis l’attriste un peu. Il hausse les épaules comme si ça ne le touchait pas. “ça fait longtemps que je n’ai pas vu Tess.” elle le fuit toujours, il ne comprend pas. Il soupire et change de sujet. “Je sais pas ce qui m’a pris.” explique-t-il doucement. “J’étais inquiet et je ne comprenais pas pourquoi toi tu ne l’étais pas.” Il comprend toujours pas, d’ailleurs, mais il n’est pas prêt de lui dire ça. “Je vais pas recommencer.” si c’est pour encore prendre des baffes, finit-il en silence, frottant un instant sa joue distraitement.

Maddox est resté bien silencieux à ses paroles et ça a fait un peu froncer les sourcils d’Abel qui ne comprend pas vraiment pourquoi son oncle est aussi calme tout à coup. ça ne lui ressemble pas. Maddox est toujours en train de parler à qui veut bien l’entendre. Il a toujours un avis sur tout et il a toujours une réponse à tout; en somme, il a toujours le dernier mot dans une conversation si ça l’arrange où s’il l’a décidé. Abel ne compte plus le nombre de fois où son père en a fait les frais. Son silence est donc des plus étranges et le jeune assistant d’édition ose espérer que ce n’est pas parce qu’il considère l’idée stupide à laquelle il a fait allusion sur le ton de la plaisanterie; même si honnêtement il doute que son oncle la considère puisqu’il ne cesse de lui dire qu’il est une cause perdue. Ses aptitudes physiques et son adresse, ça lui a valu au moins la moitié de ses beuglantes de Poudlard, sans doute.
Heureusement, son oncle change bientôt de sujet et Abel est trop agacé par son énième oubli du prénom de ses amis pour garder son attention sur ce qu’il discutait auparavant. Ses amis lui manquent, et parfois il souhaiterait qu’ils soient des sang pur ainsi il pourrait les voir plus souvent lors des soirées mondaines ennuyeuses et autres joyeusetés auxquelles il devait se rendre régulièrement. “La mort de Mervyn va apporter de grands changements. Il nous reste juste à parier sur le bon Ethonan.”

Abel n’oublie pas que Mervyn a été assassiné, non, mais à chaque fois qu’il y repense ou que quelqu’un y fait allusion ça lui fait peur. Il était le sorcier le plus puissant de leur pays et les rebelles l’ont quand même tué. Son oncle a beau lui assurer qu’ils sont en sécurité Abel n’est pas très certain de tout cela. En plus, il sait que les deux enfants de Mervyn Kark peuvent prétendre au titre suprême; et tant que l’ambiguité ne sera pas levée Abel s’interroge sur les possibles conflits internes des leaders mangemorts. Il a entendu ses parents en parler. “Tu sais que Calliope Kark était poufsouffle?” demande-t-il fièrement et avec révérence, et c’est loin d’être la première fois qu’il utilise Calliope Kark pour entrer dans les bonnes grâces de son oncle. Elle était poufsouffle et Abel la préfère à Arutha Kark, parce que, honnêtement? elle fait moins peur. Et son père dit que Calliope est plus réfléchi que son frère. Abel fait confiance au jugement de son père.

« Et dès la nouvelle année, mon neveu : on se met à ton entraînement. Caem et les jumeaux seront aussi de la partie, tu verras, c’est ce qu’il vous faut ! » Abel fait la grimace. Donc Maddox était en train de considérer l’idée. Pourquoi n’aurait-il pas pu réfléchir avant de parler et de se la fermer. “Quoi? Mais.” La perspective de devoir être entraîné par son oncle ne l’enchante pas du tout. “Tonton, j’ai eu sept ans de cours de sortilèges et maléfices de combat et deux professeurs différents et tu as bien vu mes résultats aux ASPICS!” Tout juste, voilà comme il les a passé dans cette matière. Et d’ailleurs, il se demande si on ne l’a pas aidé un peu. “Jpense pas que tu puisses arriver à mieux.” Ou plutôt: n'essaie pas s'il te plait je ne veux pas me faire martyriser.

“Qui ne le sait pas ?” Abel se renfrogne, tire un peu la tronche. Il ne sait pas à quoi il s’attendait - pas à grand chose, certes - mais son oncle a l’air d’en avoir strictement rien à faire. Quelque part, ce n’est pas étonnant. Ce n’est pas la première fois qu’il utilise l’argument Calliope Kark pour défendre ses couleurs mais ça ne marche jamais, du moins jamais avec Maddox. En même temps, il ne se rappelle pas l’avoir fait changé d’avis une seule fois sur un quelconque sujet. C’est impossible, sans doute. Si seulement il était plus adroit, brillant comme Leah, son oncle pourrait être fier de lui même s’il vient de Poufsouffle. Et il a essayé avec acharnement à Poudlard, Abel, mais il n’a jamais réussi à grand chose. D’où sa stupeur à la proposition de son oncle. Et son incompréhension, aussi. Il comprend bien pourtant que ça va ne faire que l’agacer davantage d’avoir un bon à rien de neveu, non?

« Ah ! Et puis quoi encore ? Tu penses que je ne peux pas faire mieux que tes deux bouffons de professeurs incompétents ? S’ils ne sont arrivés à rien avec toi, ce n’est pas entièrement toi le problème, Abel : c’est eux. Un vrai bon professeur aurait réussi, un tant soit peu. » Abel ne sait pas trop quoi penser à ces propos. D’un côté, ça rend la chose beaucoup plus compréhensible: évidemment son oncle se croit supérieur à ses deux professeurs (il l’est sans doute, d’ailleurs) et pense qu’il peut faire mieux (mais Abel en doute fortement. Il ne doute pas de l’intelligence de son oncle mais plutôt de lui-même). De l’autre… il ne peut pas s’empêcher d’apprécier le fait que Maddox ne semble pas le considérer comme un cas complètement désespéré (ce qui se résume à un compliment pour Abel : il ne lui en faut pas trop pour que ça lui fasse plaisir, venant de son oncle). Malgré tout, un noeud vient s’installer dans son estomac et l’angoisse remonte. Il veut rendre fier son oncle, vraiment, c’est l’une des choses qu’il souhaite le plus mais… et si tout ça ne servait à rien et qu’il restait désespérément nul? Est ce que son oncle finira par ne plus vouloir avoir quoique ce soit à faire avec lui? Son coeur se serre à cette pensée. Il serre les dents. Il peut travailler dur. Il l’a déjà fait plus d’une fois. Il peut le faire encore. Et son oncle est brilliant. Il arrivera forcément à quelque chose. Il prend une inspiration et sourit, décidé. “Ok. Si j’arrive à convaincre papa on peut commencer en janvier!” en réalité beaucoup trop ravi que Maddox veuille passer plus de temps avec lui, tant pis si c’est pour le martyriser.  Il rapproche son Ethonan de celui de son oncle. Son visage s’illumine à la proposition de son oncle - Abel passe son temps à boire des chocolats chauds, surtout l’hiver, c’est beaucoup plus doux que le thé ou le café. Bon, il ne met pas souvent jamais de l’alcool avec, mais il ne voudrait pas décevoir son oncle?! “Jsuis plus un gamin!” commence-t-il fièrement alors même qu’il n’a même pas fini le verre de whiskey que lui a proposé son père quelque jours auparavant. Mais son oncle était pas obligé de savoir.

“On fait la course jusqu’à la maison?” propose-t-il sans attendre la réponse de son oncle pour partir devant - il avait bien le droit à un petit coup de pouce. Maddox était certes plus doué que lui mais Abel avait une très grande complicité avec son ethonan Pegasus avec lequel il avait l’habitude de galoper donc peut être qu’il n’allait pas totalement se ridiculiser.