Dire que la chasse avait été bonne aurait été un euphémisme. Ce riche apothicaire d’Avalon, Lord Cyanure de son surnom – allez savoir pourquoi précisément cyanure, Lux n’avait pas demandé et s’en fichait comme de sa première paire de bottes – avait commandé un dragon entier. Mort, mais entier. Une demande extravagante qui avait fait lever un sourcil au Salamander quand celui-ci l’avait approché, en pleine soirée mondaine (un homme un peu replet vêtu de couleurs chatoyantes, autant que sa femme était sèche, longiligne et parée de teintes des plus sombres, un contraste saisissant). Mais le client était roi. Il avait simplement demandé un prix astronomique pour la commande. Grosse pièce, grosse somme, surtout qu’il ne pourrait pas revendre le reste de sa prise comme il avait l’habitude de le faire, à d’autres. Ou se servir lui-même. Une bête adulte, avait-il précisé, comme apeuré qu’on puisse penser qu’il en avait après des bébés dragons. Non sans un sourire en coin, Lux avait précisé : Oh, vous ne seriez pas le premier. Pas de pitié dans le business, surtout parce avec ces engins. Ils faisaient beaucoup trop de dégâts pour qu’on s’émeuve de quelques représentants de moins sur le sol anglais. Ou ailleurs, il prenait aussi les commandes pour des races exotiques, en négociant bien sûr un pourcentage avec la branche de sa famille sur les terres de laquelle il empiétait alors. Donnant-donnant, c’est la loi du marché. Tout cela, me direz-vous, pour quoi ? Je ne vais pas retracer la chasse, qui fut longue et salissante (et n’impliquait pas forcément de t-shirt … je sens quelques déçu.e.s dans l’assistance) mais pour sa conclusion : une victoire écrasante au prix d’une semaine de traquer (devoir livrer la bête sans la moindre égratignure en faisait une entreprise plus complexe que d’ordinaire) et une livraison qui s’effectua à Londres, où l’homme avait visiblement une annexe … peu recommandable. Ce n’était pas comme si le Salamander allait s’en émouvoir, il se doutait bien que certaines de ses prises partaient au marché noir. Le temps que ce n’aidait pas les terroristes et qu’il possédait sa part du gâteau … autant laisser les gens avec leurs sales petites habitudes plutôt que de les en priver, ils ne vous en étaient que plus reconnaissants et plus heureux. Ah, la politique …

Vous vous êtes surpassé, monsieur Salamander, s’extasiait l’acheteur devant le cadavre de la bête, avec lequel il avait transplané dans une cave indiquée par Lord Cyanure avant cela. Je ne fais que mon travail, répliqua Lux avec un léger sourire aux lèvres, les bras croisés. Ne dissimulant pas du tout la fierté qui émanait de lui. Confirmée une respiration plus tard : Même si je dois dire que c’est une des chasses les plus intenses que j’aie eu à mener. Il n’avait même pas pris le temps de se changer, pantalon froissé, veste en cuir éraflée en de multiples endroits, quelques égratignures et brûlures, visibles ou non et évidemment, la barbe qu’il arborait toujours quand il rentrait, pas le temps de se raser, et qui faisait hurler sa mère, allez savoir pourquoi. En parlant d’elle, comme à chaque fois, il avait pour plan de rentrer directement chez eux. Aller serrer Bev contre lui pour lui arracher un glapissement d’horreur quand elle le sentirait, discuter de différentes techniques mises en place avec son père, et s’assurer que Chamaël allait bien. Oh, et entendre les dernières suggestions de sa mère sur le sujet « avec qui te fiancer ». Un vaste sujet. Mais il avait hâte, aussi fronça-t-il les sourcils quand son acheteur lui annonça : J’ai besoin d’une petite heure pour vous verser le reste de la somme promise directement sur votre compte à Gringotts, la première partie étant en sécurité dans la demeure familiale, les Salamander avaient depuis toujours quelques économies cachées. Au cas où. Ensuite, j’aimerais vous emmener boire un verre à cette fructueuse collaboration … qui ne sera sans doute pas la dernière. La perspective de recommencer gomma toute tentative de protestation de Lux, soudainement intéressé. Et un verre … Très bien, j’en profite pour aller au moins me changer, où dois-je vous retrouver ? A l’extérieur de ce bâtiment ? Je tiens à vous surprendre.

Surprendre Lucifer Salamander, tout un programme. Mais pourquoi pas. Et un peu plus d’une heure plus tard, douché, ayant câliné son chaton préféré dans sa garçonnière d’Avalon, dans des vêtements propres (extrêmement similaires à sa tenue de chasse, simplement en bon état et ne sentant pas le fauve), il le fut, effectivement. Surpris. En se rendant compte que son commanditaire le conduisait … au Mangrove. Un sifflement lui échappa, alors qu’il passait la porte et son guide lui demanda avec ravissement : C’est votre première fois ? Je m’en doutais. Pas de réponse nécessaire, donc, et il en profitait pour observer les environs alors qu’il se laissait entraîner, suivant le mouvement. Non, il n’avait jamais mis les pieds dans l’établissement, il tenait à sa réputation impeccable. Mais il avait une raison parfaitement valable pour justifier sa présence, donc il savourait. Partout où se posait le regard, des décors exotiques, des femmes et des hommes à peine vêtus, quelques créatures improbables, et une ambiance surtout, absolument unique, aux accents exotiques. Il n’avait jamais eu l’occasion de visiter la Louisiane – plus de crocodiles que de dragons là-bas – mais il en appréciait les charmes … tous les charmes. Son accompagnateur choisit un salon où se trouvait un bar en bois sombre, autant que la peau du très séduisant barman – enfin, il le supposait, au regard qu’une veuve qu’il avait déjà croisée lui lançait – et des fauteuils profonds invitant à la délectation un peu partout. A peine posé, une demoiselle s’approcha : Lord Cyanure ! Vous revoilà … vous m’avez manqué, avec une voix pleine de reproches. Un sourire amusé passa sur le visage de Lux à l’embarras fugitif qui passa sur le visage de l’homme, qui se transforma en grand rire, ne pouvant se retenir, alors qu’il s’apprêtait à repousser la douce créature : Ne vous en faites pas, si on m’apporte un whisky Pur Feu rapidement, j’oublierai ce que je viens d’entendre et ce que je vais voir. Tromper sa femme dans un tel endroit … pourquoi pas. Mais on fait sans doute plus discret. La demoiselle s’exécuta, s’éloignant vers le bar. La suivant des yeux, il glissa à l’homme : Vous avez bien raison, elle a l’air délicieuse. Pas mon style, mais délicieuse. Et quel est votre style, monsieur Salamander ? Je pense que vous pouvez au moins m’appeler Lucifer, à ce stade. Très bien, mons…Lucifer. Quel est votre style ? Elle. Il était parti pour lui dire qu’il ne mangeait pas de ce pain-là, boire quelques verres offerts, essayer de voir s’il ne pouvait pas dénicher un ou deux Sang Pur de sa connaissance pour pouvoir leur faire du chantage si besoin – tout pour aider Mervyn à prendre la place qui lui revenait de droit quand il rentrerait de Finlande – quand ses yeux avait accroché une silhouette, au bar. Une apparition, sortie tout droit de ce décor exotique dans laquelle elle se mouvait avec une grâce féline. Et plus que tout, c’est l’impression de danger émanant d’elle qui avait retenu l’attention du jeune homme. Comme face à un dragon particulièrement féroce qu’il aurait eu envie de vaincre. Et son sourire ne fit que s’intensifier quand on lui répondit : Madame Calypso ? Vous n’y pensez pas, c’est la patronne de cet endroit. Vous m’en direz tant … Et pourquoi pas, après tout ? Existait-il une créature mythique qui résisterait à Lux Salamander ? L’arrogance de sa jeunesse, du chasseur, du prédateur, du fils bien né. Que la chasse commence …

Méfiez-vous, monsieur Salamander, elle est sans doute plus dangereuse que vos dragons. Lucifer, corrige machinalement l’héritier sans le regarder, ne lâchant pas sa cible des yeux. Il ne sait pourquoi c’est son prénom, son vrai prénom qui a quitté le pas de ses lèvres. Peut-être parce qu’il se sent plus fils de l’enfer que Sang Pur de bonne famille, en cet instant. Cela lui arrive lors de chasses particulièrement difficiles ou quand les voix se font pressantes. Il ne répond pas à la mise en garde de son accompagnateur, qui ne lui prêtera bientôt plus attention étant donné que la prostituée est de retour, avec deux verres qu’elle s’empresse de leur servir. Il ne la regarde pas, concentré qu’il est sur son nouvel objectif. Pas assez pour paraître impoli et ne pas trinquer avec Cyanure, qui de son côté a déjà le nez dans le décolleté de la fille. Ce n’aurait pourtant pas été un souci, Lux sait faire deux choses à la fois. Et il ne compte pas la lâcher. Il n’est pas homme à rougir de ses envies ou de son ambition, comme une pucelle en pâmoison. Oh non. Vaincre ou mourir. Même au jeu de … non, pas l’amour, ce serait salir quelques récits et exceptions existant à travers le monde. Et ce n’est pas non plus de la séduction, c’est beaucoup plus primal, animal que ça. Au jeu. Point. Mais alors qu’il relève la tête, c’est pour s’apercevoir qu’elle a disparu.

Retenant un froncement de sourcils, il opère un balayage rapide des lieux pour la voir se diriger vers eux. Etonnement, et quasi déception. Serait-ce aussi facile, en réalité ? Il ne sous-estime pas son charme, bien évidemment, mais il s’attendait à plus. A mieux. Aussi est-ce un sourire qui nait sur ses lèvres quand elle passe, sans sembler les remarquer. Et sort de la salle. Bien. S’enfonçant dans son fauteuil, il fait jouer le whisky dans son verre avant de faire un sort à la moitié de celui-ci. Il ne s’émeut pas, il calcule. Elle reviendra. Il semble y avoir de l’agitation, ce soir, et il a au moins reconnu deux visages de Sang Pur dans l’assemblée. Une clientèle riche, qui dépensera encore plus pour une attention. Si elle est à la hauteur de la réputation de son établissement, elle ne passera pas la nuit sans y passer. S’en attribuer le mérite ? Non. Son regard a été trop furtif pour qu’il y lise quoi que ce soit à cette distance. Ne jamais pécher par excès de confiance. Cela mène au cimetière avec les dragons. A sa main droite pour ce soir. Ou pas. Vous avez l’air si sérieux … peut-être puis-je vous aider à vous détendre ? Une silhouette se dessine devant lui, le tirant de ses plans quasi militaires. Ses yeux la parcourent, en appréciant les formes mises justement en valeur par un drapé laissant peu de place à l’imagination et les traits fins d’une Anglaise. Mais ce n’est pas ce dont il a envie. Elle est hardie, pourtant – c’est son métier, après tout – et pose une main sur la cuisse de Lux qui se saisit immédiatement, avec douceur mais fermement, de son poignet. Elle sursaute, soit peu habituée à ce qu’on lui dise « non », soit surprise par les cals sous les mains puissantes du jeune homme. C’est fort aimable, mais je ne suis pas intéressé. C’est franc, c’est direct. Une ombre passe sur le visage de la jeune femme – déception ? frustration ? peur de ne pas faire son chiffre ? – mais elle s’éloigne, le laissant seul avec ses pensées, son whisky et un Cyanure qui a complètement perdu ses moyens, gagatisant complètement devant sa jeunette, dans une scène digne d’un Œdipe inversé de très mauvais goût. Enfin … les goûts et les couleurs, justement, ne se discutent pas.

Les minutes s’égrènent sans qu’elle ne reparaisse. Peut-être s’est-il finalement trompé. Son verre de whisky est vide, ce qui ne semble pas choquer son hôte outre mesure, trop occupé à … on s’arrêterait là dans les descriptions de ce qui se passe sous les yeux ennuyés du Salamander. Il est sur le point de se lever pour aller rappeler à quelques connaissances d’Arutha le nom de leurs femmes – ou de leur mari, pour l’une d’entre eux – quand une nouvelle prostituée entre dans son champ de vision. Différente, blonde, une peau couleur miel et un fessier sacrément alléchant, qui devait en faire saliver plus d’un. Décidément. Après avoir rendu hommage de son regard suffisamment longtemps à ces courbes avantageuses, c’est à la bouteille que s’intéresse Lux, se penchant à côté d’elle sans même la toucher pour s’en emparer. Un sifflement s’échappe de ses lèvres : Cyanure, vous ne plaisantez pas avec le whisky… Non non, jamais, répond-il, sans doute sans savoir de quoi il lui parle, les yeux toujours rivés sur sa fille de joie. Et l’autre, plus maligne que la première, a fait le tour du fauteuil et, quand Lux s’y enfonce, s’empare de ses épaules pour commencer à les masser. La sensation n’est pas désagréable, mais le jeu s’arrête immédiatement alors que ses mains commencent à descendre sur le torse – extrêmement musclé – du Salamander. D’un revers de la main, il en chasse une, avec toute l’insouciance de celui qui se débarrasserait d’une mouche. Pas intéressé, répète-t-il, se concentrant sur son très, très bon whisky. La bouteille est sur la table, et il pourra sans doute en profiter seul, quand il voit que Cyanure n’est sans doute pas loin d’enlever son pantalon, il espère au moins qu’il aura la décence d’aller ailleurs pour cette partie.

Et soudain, elle est là. Il ne bouge pas, se redresse à peine, homme (jeune homme, certes) à recevoir ce genre d’attentions. Son regard se fait moins libre que sur les prostituées, n’étant pas non plus suicidaire ou inconscient, mais apprécie cette splendeur exotique de plus près. Ils n’en font pas des comme ça, à Avalon. Oh. Que. Non. Cela a au moins le mérite de réveiller Cyanure qui saute sur ses pieds, la fille manquant de tomber et ne devant son salut qu’à un réflexe de Lux tendant sa main libre pour la stabiliser avant qu’elle ne s’écrase sur la table – et la bouteille de whisky. Savoir ce qu’il voulait sauver n’est sans doute pas très compliqué. Monsieur Cyanure. Madame Calypso en personne ! Quel plaisir ! Ne vous levez, je m'en voudrais de vous déranger. Surtout que vous paraissez apprécier nos services ... Un sourire s’étend sur les lèvres de Lux alors qu’il reprend une gorgée de son breuvage, comme si la discussion ne le concernait pas. Je crains de ne pouvoir en dire autant de votre ami, en revanche. Jusqu’à ce qu’elle le regarde. C’est sans hésitation que son regard vient se ficher dans le sien, franc. Ses refus n’ont donc pas été sans être notés et signalés. Si c’était délibéré et le but ? Allez savoir ... Peut-être que le choix du jour n'est pas à votre convenance. Que puis-je faire pour arranger cela, Monsieur ... ? Salamander. Lucifer Salamander. il ne dissimule jamais son patronyme, pas assez guindé pour rebuter qui que ce soit, suffisamment connu pour en dire long sur lui. J’espère ne pas insulter votre établissement, que je trouve … Il fut coupé par un employé du département de la justice magique plaquant une fille de joie un peu violemment contre un mur non loin, faisant retourner pas mal de monde. …charmant, achève-t-il en revenant à elle, non sans sourire, mais il perd un peu de son éclat quand on vous apprend que la plus belle femme de la pièce n’est pas au menu. Et oui, il a osé. Il n’a pas honte, bien au contraire. Même si cela a fait s’étouffer Lord Cyanure, en face. Etre jeune et insouciant … Je ne suis pas homme à apprécier ce qui est servi sur un plateau … sauf bien sûr quand il s’agit de whisky hors de prix, achève-t-il dans un clin d’œil, levant son verre comme pour porter un toast à Calypso avant de s’en attribuer une gorgée. Que la chasse commence. S’il est inquiété par la présence d’un superbe animal pouvant lui trancher la gorge d’un seul ordre ? Oh non. Car il aurait été bien en peine de décider qui, de la bête ou de la femme, était la plus dangereuse. Ce qui était atrocement grisant.

Que voulez-vous, même dans une maison close, certaines choses n'ont pas de prix. Elle rit. Et vous savez ce que l’on dit … L’éclat satisfait passant dans le regard de Lucifer ne peut être manqué, même si son commanditaire semble sur le point de faire une attaque. Qu’il se tranquillise. Même si pour l’instant il n’est pas sûr de parvenir à ses fins, au pire l’amuse-t-il. Et il marque des points, sans le moindre doute. Observateur, le chasseur sait faire durer le plaisir et surtout ne pas se précipiter. Tout est dans l’analyse préliminaire avant de se lancer pour qui souhaite parvenir à ses fins. La flatterie est donc une arme efficace, c’est noté et il n’a même pas à se forcer. Il n’a jamais croisé une créature pareille – il a certes, vécu moins que d’autres, mais est prêt à parier qu’elle est unique en son genre, en tous cas pour le territoire qu’il connaît. En tout cas, que ce soit pour l'alcool ou les femmes, nul doute que vous avez très bon goût. Sa voix est un son charmant, surtout quand elle semble ronronner comme elle le fait, étirant le sourire du Salamander. Pas encore victorieux, simplement parfaitement à l’aise et en confiance, tout en se sachant en eaux dangereuses. C’est ce qui se dit, en effet … Mais son attention est momentanément ravie par un son assez incongru s’échappant de l’animal, sur lequel elle se reporte donc. Le manque de discrétion de Cyanure lui évite de demander des explications, ce qui lui convient parfaitement. Monsieur Cyanure, laissez-moi vous présenter ma sœur, Nande. Une information qui fait monter un sourcil jusqu’à son front, et avancer le buste pour mieux l’observer, quelques secondes, avant d’éviter un coup de patte mortel aux mots de Calypso. Un Animagus bloqué sous sa forme bestiale ? Il n’en a jamais entendu parler. Et le chasseur en lui apprécie les formes sublimes du tigre, se demandant à quoi cette femme devait ressembler. Sans doute à sa sœur, avec une forme de puissance bien différente. Une famille intrigante, à n’en point douter. Paraît-il que chez les Layibadé, nous avons pour certains un côté sauvage qu'importe la forme que nous prenons.

C’est au tour du Salamander de laisser échapper un rire alors que ses yeux remontent sur Calypso, délaissant Nande. Un rire franc, qui n’est pas encore tonitruant comme il sait l’être. Il doit reconnaître qu’elle est douée, sans doute bien plus que lui. L’expérience en plus, surtout en gérant ce genre d’endroits. Mais vous avez ce que l'on dit à propos des rumeurs, Monsieur Salamander ... Il reprend son sérieux alors qu’elle se glisse près de lui. Pas assez pour que leurs corps se touchent, suffisamment pour qu’il sente la chaleur émanant d’elle. ... Elles ne valent rien tant qu'elles n'ont pas été vérifiées. Mais encore faut-il y parvenir.Le mouvement de sa main ne lui échappe pas. Il choisit de ne pas bouger. Encore une tactique de chasse élémentaire. Laisser votre proie venir à vous. Choqués ? Mais vous croyez que la séduction, c’est quoi, au juste ? Je ne peux qu’approuver. Les rumeurs m’indiffèrent, la plupart du temps. Il les écoute, bien entendu, mais préfère se forger sa propre opinion. Mais ce n’est pas réellement là qu’il veut en venir. Même quand elles sont délicieuses à l’oreille. Et à la vue. Son regard effleure les jambes nues de son interlocutrice. S’il reste immensément calme, il n’en sent pas moins ses doigts fourmiller de mille picotements, brûlant de découvrir si elle est aussi douce au toucher qu’elle n’a l’air délicieuse à mordre. Les mots sont trompeurs. Il n’y a que les actes qui aient réellement d’importance. Et en homme d’action, il sait de quoi il parle. Il va pour porter de nouveau son verre à ses lèvres et s’interrompt, pour se reprendre : Quel manque de correction … puis-je me permettre de vous offrir un verre ? Enfin, techniquement, Lord Cyanure le lui offrirait. Il se redresse donc, se rapprochant imperceptiblement en posant son verre sur la table. Sa main gauche effleure la cuisse de la femme en allant se saisir de la bouteille. Imperturbable, il sert un verre avant de se replacer, définitivement plus proche qu’avant pour le lui tendre. Il fait mine de ne pas avoir remarqué que Lord Cyanure les observe en essayant d’être discret, visiblement terrorisé, au grand désespoir de sa prostituée préférée qui fait pourtant tout pour le détendre. Ce qui l’amuse au plus haut point. A quoi trinquons-nous, dans ce cas ? Pas aux rumeurs. Il se tourne vers Cyanure, dans un mouvement délibéré, posant son coude sur le dossier, contre le bras de Calypso. A la chasse ! Qui nous a menés jusqu’ici ! Et à celle qui ne fait que commencer, pense-t-il avec délices en plongeant de nouveau son regard dans celui de la femme en face de lui.

Et peut-être à celle qui vous y fera rester. Son souffle l’effleure alors qu’elle se tourne vers lui pour compléter son toast. Si proche qu’il peut sentir la chaleur de son buste, si proche du sien, la caresse de sa respiration sur son lobe qui l’émoustille. C’est le genre de démons contre lesquels les mères tentent de mettre en garde leurs fils … tout en se doutant pertinemment qu’ils tomberont de façon sûre dans leurs filets. Car qui est le chasseur et qui est la proie ? Difficile à dire. Ce qui n’effraie pas le Salamander, le temps qu’il garde le contrôle. Et il lui suffirait de quelques centimètres pour tenter de le prendre. Jouer son avantage ou attendre encore, la rebuffade lui prend après tout au nez s’il outrepasse les limites. Il a senti lui aussi l’attention sur eux. Qui ne le dérange pas en ces lieux, lui pourtant si discret dans ses excès habituellement. La loi du silence doit régner. Preuve en est Lord Cyanure et sa femme impeccablement ennuyeuse. Le monde en a besoin. Et lui a besoin d’aller plus loin. Prudemment. Mais alors que ses muscles se tendent imperceptiblement pour combler cet écart alors qu’il porte son verre à ses lèvres, l’instant est brisé. M'dame Caly ? Ses dents manquent de grincer. Il avise l’individu quelques secondes. Pas un client, qui ne sera pas éconduit en deux coups de griffes. Quoi ? Approche et fais vite. Un employé, qui lui ravit l’attention de la maîtresse des lieux. Une gorgée de whisky pour camer ses envies qui grondent sous l’écorce. Son oreille capte le rapport qu’il lui fait sans trop de mal, ne se trouvant pas si loin de Calypso. Une fugueuse. Cela ne peut plus mal tomber. Et n’a pas l’air d’un problème simple à résoudre. Ce que même Cyanure a capté, du fauteuil d’en face. Et la sentence tombe, attendue : Rien qui ne puisse être réglé sous peu. Malheureusement, je vais devoir vous quitter.

Les y voilà. L’occasion qui commence à s’effacer sous les yeux de Lux a le goût amer de la défaite et cela ne lui convient pas, mais alors pas du tout. Il caresse donc la silhouette du regard, se disant qu’au moins, il aura joué avec le feu jusqu’au bout, en se demandant s’il reviendra pour reprendre la partie quand elle s’arrête, soudainement. Monsieur Salamander, quelles sont vos compétences en matière de chasse aux humains ? Le sourire du jeune homme retrouve rapidement ses lèvres. Pour le moins inattendue, cette proposition ne peut que le ravir. Il aurait été dommage qu’il doive rentrer chez lui finir la soirée seul. Les Raffleurs m’envoient régulièrement des invitations à les rejoindre, répond-il sans une once d’humilité. Ce qui n’est pas mentir. Leur chef de département a écrit de multiples courriers, que ce soit à lui ou ses parents, pour tenter de le recruter. L’Homme ne vaut pas le coup, comparé à un dragon. C’est une certitude pour le Salamander. Mais ce soir, il est prêt à faire une exception. Contemplant le verre de whisky comme s’il réfléchissait à la question de laisser cette superbe bouteille, il finit par en boire une gorgée avant de le poser sur la table. Il se lève, tendant une main galante à la Layibadé pour l’aider à se relever – non qu’elle en ait besoin, juste une excuse de plus pour établir un nouveau contact physique. Je mets mes talents à votre disposition, c’est le moins que je puisse faire, n’étant consommateur que de whisky. Qu’il ne paye même pas. Et ses talents peuvent être tout à fait multiples bien évidemment. Commençons-nous par cette fameuse loge ? Toujours repartir du dernier endroit où l’animal a été vu pour remonter la piste. Il aurait bien proposé la salle « privée », mais ne se sent pas de pousser sa chance jusque-là pour l’instant. Et il doute d’y apprendre quoi que ce soit. Il la laisse le guider, étant totalement nouveau dans l’établissement. Il en profitera pour absorber un maximum de connaissances sur l’endroit. Qui sait, si un jour cela peut se révéler utile … ou le jour-même. La perspective de la traque et de la compagnie de Calypso fait étinceler ses yeux d’une lueur quasiment animale. Il semblerait qu’en plus de la sauvagerie et de la beauté, votre famille soit dotée de clairvoyance, commente-t-il non sans humour, en référence à son toast. Car c’est effectivement une autre chasse qui l’attend. Ou deux.

Il note les dispositions prises pour leur départ avec un ennui parfaitement dissimulé, surtout devant l’empressement de Cyanure qu’il gratifie d’un grand sourire. Cet homme pitoyable, qui lui rapporte pourtant énormément d’argent, n’a aucune traître idée du point auquel Lux lui est reconnaissant de l’avoir attiré en ces lieux. Pour le nombre de noms qui sont maintenant siens, qu’il pourra menacer à loisir et que Mervyn pourra désormais compter dans ses plus fervents défenseurs, mais également pour cette partie de chasse qui s’annonce délicieuse. Le lieu aura tenu ses promesses, même si c’est de manière plutôt inattendue. Le félin prend également congé, le laissant seul avec la délicieuse propriétaire des lieux qui l’entraîne dans son sillage, sa main toujours dans la sienne. Il n’a pas honte de la rudesse de celle-ci, des cals qui s’y trouvent, de l’épaisseur de sa peau, sa marque de fabrique, bien au contraire. Et elle ne semble pas décidé à s’en défaire. « Ce genre de tentative est malheureusement de plus en plus fréquente. A force de fausses promesses, les gens ne savent plus apprécier ce qu'on leur offre à leur juste valeur. » Les temps se trouvent effectivement difficiles pour ce qui est de garder son personnel. Un problème que les Salamander n’ont jamais eu, ne trouvant pas le moindre attrait aux moldus, incapables de ce que les elfes de maison accomplissent si aisément. Pourquoi s’encombrer avec de la viande inutile ? « Même les dons peuvent devenir des afflictions lorsque l'on joue de malchance, qu'en pensez-vous ? » « C’est malheureusement une réalité. Mais je ne crois pas à la malchance. Il ne tient qu’à nous de réajuster le cours des événements pour les tourner à notre avantage. » Un discours bien rodé de fils de bonne famille à qui tout a toujours souri. Mais également de chasseur sachant parfaitement qu’il faut maîtriser tous les paramètres pour être vainqueur à la fin de la journée. Et il compte bien lui prouver que la fin sera celle qu’ils écriront.

La pièce est quittée, pour un couloir aux lumières tamisées. L’ambiance est prenante et propice aux fantasmes fugitifs. Celui de plaquer Calypso contre le mur pour consommer là, maintenant, tout de suite, s’impose à lui quelques secondes. Mais ils ont une mission à mener à bien. La chasse, la leur, a cependant déjà commencé depuis quelques temps, et il fourmille d’impatience d’arriver au dénouement. Leur proximité, leur isolement lui feraient presque décider d’arrêter la traque pour passer aux choses sérieuses. L’envie de jouer n’a pas encore disparu, totalement. Mais est mise à rude épreuve par les ombres dessinées sur la peau de sa guide. Et l’impression féline qui se dégage d’elle. Encore amplifiée lorsqu’ils entrent dans la loge. Qu’elle renverse le pot. Avant de détruire le tiroir. Les yeux du jeune homme s’accrochent à ses lèvres. Toute en puissance. Toute en violence. En bestialité. Et cela ne fait que le mettre plus en appétit. « Elle sait pourtant qu'elle ne m'échappera pas. » La menace le ferait presque frissonner. D’impatience. De désir. Il s’approche. N’a pas oublié sa mission, même s’il est prêt à la jeter aux oubliettes. Et quelque chose dans le fond de son regard ferait presque croire que c’est déjà le cas. Il s’approche de la Layibadé, ses yeux dans les siens. Il n’y a que peu de raisons qui pourraient pousser à la folie. » Ses yeux en listent déjà une bonne dizaine alors qu’il se stoppe à quelques souffles à peine d’elle. Et il se baisse, soudainement, d’un mouvement fluide, effleurant au passage la silhouette de la femme. Accroupi, il ramasse quelque chose au sol, avant de remonter, faisant jouer au bout de ses doigts ledit objet, au niveau du visage de Calypso. Il s’agit d’un pendentif, de pauvre fabrique, d’un métal tout sauf précieux, pendu au bout d’un simple ruban. Cela n’a pas l’air d’un bijou de famille, quelle que soit la famille. Mais d’un présent, plutôt. « Et la passion est sans doute la plus violente, celle qui vous fait perdre la tête le plus facilement. » Il a murmuré, souffle brûlant du dragon, jouant avec le feu en doubles-sens explicites. « Un homme en particulier dans sa vie… ? » Client, autre moldu, employé … Une piste à suivre.

Il a touché juste. Il le sait. Ce qu’il ignore simplement est où ce rebondissement les mènera. L’éclair qu’il lit dans les yeux de la Layibadé lui indique que le dénouement est proche. Celui de cette partie de chasse en tous cas, et même si instincts le rendent curieux de savoir où elle va finir, ses sens sont déjà entièrement tournés vers l’autre, vers le réel jeu auquel ils se livrent tous les deux depuis déjà bien trop longtemps au goût du Salamander. S’il aime la traque, il en est à présent lassé, complètement obnubilé par la simple odeur se dégageant de la peau de son hôtesse, par la bestialité de ses gestes, par les ombres dessinées par sa chevelure sur ses vêtements. Le compliment lui arrache cependant un sourire alors qu’il revient à l’objet du délit, ayant dévié son attention sur d’autres délices quelques instants. La conclusion manque de le laisser perplexe mais après tout, dans cet endroit, tous les possibles semblent ouverts au tout-venant. Alors pourquoi pas. Ça ne lui a jamais fait ni chaud ni froid, pour tout dire, le temps que chacun fait ce qu’il veut dans la plus grande discrétion, ça ne le regarde absolument pas. Les Salamander ont d’autres préoccupations beaucoup plus terre à terre. Comme le temps que va prendre la punition qui se profile qui, curieusement, semble revêtir suffisamment d’intérêt pour lui pour qu’il se dise que ce n’est finalement pas si terrible d’attendre encore quelques instants, la curiosité l’emportant sur le reste. Aussi ne bronche-t-il même pas quand le garde du corps fait son grand retour, ne bougeant cependant pas non plus d’un pouce quand il s’approche et que Calypso lui donne ses instructions.

Un frisson lui parcourt l’échine aux mots de la femme, qui ne font qu’accentuer son sourire. Cruelle. Il y a quelque chose d’absolument délicieux dans la façon dont ses lèvres se sont écartées pour laisser tomber le couperet de son jugement sans appel. Dans la lumière sauvage de son regard quand elle congédie l’homme sans un son. La porte claque derrière lui, sonnant le début du dernier round. De l’ultime rebondissement avant le grand final. Qui ne tardera pas. « La cuisinière et la putain. Qui l'aurait cru ? Tant de choses inattendues ce soir ... » « Ravi d’avoir pu aider. » La voix de Lux est rauque, marquée par le contrôle qu’il exerce encore sur lui-même pour quelques secondes, répondant à son compliment déguisé de quelques secondes auparavant. Pour clôturer le chapitre. Et laisser ses yeux lui exprimer à quel point il va l’aider à bien d’autres choses s’il en a le feu vert. Mais attend-il réellement une approbation formulée ? En a t-il réellement besoin, alors que la poitrine de la jeune femme, à quelques centimètres à peine de lui, se soulève un peu moins régulièrement qu’au début de la soirée ? « Une soirée pleine de surprises, en effet … » Le mouvement hypnotique a raison de lui. Le chasseur sait quand stopper la traque. Et quand attaquer. Il s’agit souvent d’une mise en danger, ne reposant que sur l’instinct. Qu’il laisse le guider en cet instant. D’un mouvement étonnamment fluide pour sa carrure, sa main droite vient emprisonner la nuque de Calypso alors que ses lèvres fondent sur les siennes, impatientes, en prenant possession sans que ce soit une question. La fougue de la jeunesse. La folie, sans doute aussi. Peu importe. Son sang n’a, de mémoire, jamais bouillonné comme ça. Et il n’a pas l’intention d’hésiter. S’il finit lui aussi dans la réserve réfrigérée, au moins, il en aura profité. Il n’attend d’ailleurs pas une seconde de plus pour la faire reculer, pressant son corps contre le sien, vers la coiffeuse contre laquelle ils butent. Et la flamme qu’il a tenue en laisse l’embrase complètement à son contact. Car la sensation est absolument divine, du goût de ses lèvres à l’incertitude de ce qui se produira la seconde suivante.