Tu ne tueras point... ton frère.
ce message a été posté Lun 25 Fév - 0:12
Dans les tréfonds pluvieux du Pays de Galles, 27 février 2051
Le camp avait été dressé six jours plus tôt, avec cinq jours d’avance. La patience n’avait jamais étouffé le Callaghan. Mais une heure avant de retrouver sa sœur ainée, son bouillonnement intérieur avait des allures de lave en fusion. Un magma fait de joie, mais pas seulement. Au bonheur des retrouvailles se greffait une amertume que Nero avait cultivé avec soin pendant presque trois ans.
Ils étaient partis sans lui. Le Callaghan ne conservait en mémoire que la simplicité de cette phrase enfantine, occultant la complexité de la situation, ne se focalisant que sur le manque entrainé par leur absence. Son absence à elle, surtout.
Lizzie. Alors quand il avait été certain que Lizzie et Sam quitteraient leur planque Canadienne pour revenir au Royaume-Uni et qu’enfin le clan Callaghan serait au complet, son cœur avait bondi dans sa poitrine, pour semble-t-il ne plus jamais redescendre. Le sang-mêlé avait alors abusé de toute la complaisance de sa compagne, pour hâter leur propre arrivée sur le lieu de rendez-vous. Scylla qui l’avait écouté se plaindre pendant trois ans n’avait pas eu le cœur de lui refuser ce caprice. La Kark, sans doute, ne comprenait que trop bien le manque que pouvait causer l’absence d’un membre de sa fratrie. Nero avait alors dressé le camp, avec une rapidité et une efficacité que seule une vie de vagabondage de ne peut conférer. Le Callaghan avait planté deux tentes, une pour sa famille, et une pour Lizzie et Sam. La ferveur de l’installation passa très vite, pour laisser place à un ennui que le sorcier vivait mal. La pluie n’avait pas arrangé ses humeurs, le condamnant à ronchonner contre la météo d’un pays qu’il n’était pas certain d’être heureux de retrouver. L’arrivée du portoloin de Lizzie approchant, le trio avait été rejoint par d’autres phénix, dont ses mères, et Obbie. De quoi apaiser en surface, son impatience. Mais plus l’heure d’arrivée de Lizzie et Sam approchait et plus, Nero se faisait insupportable.
Une heure avant l’arrivée du portoloin, Nero ne pouvait s’empêcher de faire le cent pas dans le modeste séjour de sa tente magique. Sa nervosité contagieuse, faisait vibrer l’ensemble des meubles l’entourant. Dans son sillage, son fils Niallàn trottinait en dodelinant de la tête, suivant avec peine son père et ses grandes enjambées. «
Le mieux c’est que ça soit Obbie qui aille les chercher. Je ne vois pas pourquoi ça serait à moi d’aller les cueillir à l’arrivée de leur portoloin. Ou bien ils peuvent se débrouiller, ils ont bien pu se débrouiller pour partir tout seul leur côté… » Ce discours, il l’avait déjà tenu mille fois. Et ce genre de phrase faisait oublier qu’il avait vu sa sœur et son beau-frère à peine un mois avant à l’occasion des deux ans de Niallàn. «
Non. Ça leur ferait trop plaisir. Ils diront encore tous que je suis immature. Je vais aller les chercher, et avec Niallàn, comme ça ils verront comment il a changé depuis la dernière fois, et tout ce qu’ils ont loupé à s’être barré tout seul de leur côté. » S’il n’était pas seul dans la tente, Scylla lovée dans le seul fauteuil du séjour, semblait se livrer à un féroce combat intérieur pour ne jeter au visage du Callaghan toute la consternation que son attitude lui inspirait. Nero fit finalement volte-face manquant de faire trébucher son garçon. «
Non, tu es trop mignon Niallàn, ça leur ferait trop plaisir de te voir ! J’irais tout seul. Et je leurs dirais que de toute façon tu ne te souviens pas d’eux. Tu ne te rappelles plus de leurs visages, à ton oncle Sam et à ta tante Lizzie ? »
À l’immaturité de son père Niallàn, ne répondit que par un éclatant sourire qui illumina tout son visage poupon, avant d’articuler avec délice deux petites syllabes : «
Tata ! » Le sang-mêlé se passa une main sur son visage, comprenant que c’était peine perdue d’obtenir le soutien de son rejeton pour l’opération : « foutre le seum aux lâcheurs ». Nero reprit ses grandes enjambées de plus belle contraignant Niallàn à presque courir derrière lui. Le paravent qui cachait le lit de fortune du couple manqua de s’écrouler dans un pic de nervosité du Callaghan, faisant sortir Scylla de sa réserve. «
Par Morgane, tu vas me rendre folle à tourner en rond comme ça ! Allez ! Dehors ! Ouste ! » Le sang-mêlé lâcha un soupire, faillit s’hasarder à une réplique avant de croiser l’azure du regard de sa bien-aimée. Il n’y aurait pas de négociation possible. Il enfila son manteau et s’engouffra sous le rideau pluie si caractéristique du Royaume-Uni. Derrière lui, il entendit les petits pas de Niallàn et vit bien un morceau d’étoffe de la tente se soulever, avant qu’un léger « sfloush » ne caresse ses oreilles. Scylla d’un tendre coup de baguette avait stoppé l’évasion de leur fils. À travers la toile, le sang-mêlé entendit distinctement la voix de la Kark expliquer :
«
Hum hum pas toi Niallàn. Il fait trop froid dehors, et puis c’est l’heure de ta sieste. » Ses pas l’éloignèrent, alors que son petit articulait mignonnement : «
Mais pôpa aussi i doit faire dodo. »
Nero envisagea un instant d’aller déranger ses parents, mais se doutait bien qu’ils lui réserveraient le même accueil que Scylla. Aussi préféra-t-il hâter son départ vers le point d’arrivée du Portoiloin. Des fois, que ça ne fasse avancer plus vite l’heure du rendez-vous. Bêtement, il attendit en ruminant, et chose rare la pluie se stoppa bien avant l’attente. Et enfin, Lizzie se matérialisa devant lui. Lizzie toute seule. Mais Lizzie en un seul morceau. Lizzie qu’il sonda d’un regard pour voir si elle était
bien. En bon état physique d’abord, avant de se heurter à ses yeux et vérifier qu’elle allait vraiment bien. Une fois rassuré la question, trois ans de bouderie émergèrent, et bien incapable de formuler les émotions contradictoires qui l’animait, il cracha simplement. «
Et Sam, il est pas là ? »