Tapotant son stylo contre sa jambe, James se balance sur sa chaise de bureau. Il fixe le plafond couleur ivoire, à la recherche de l’inspiration divine, celle qui l’aidera à trouver la réponse à son problème de mécanique. Celle qui lui permettra de sortir d’ici pour profiter d’une pause bien méritée. Dans cette chambre de l’internat prestigieux de Cambridge, James se sent « normal »  – du moins aussi normal qu’il peut l’être. Il étudie ce qui lui plaît (l’ingénierie) et son souhait de ne pas entendre un « Titre » est exhaussé (on l’appelle James, voire Windsor pour ses amis les plus proches qui cherchent simplement à le titiller). « Votre Altesse, tenez-vous bien sur votre chaise, voyons ! » James manque de se rétamer au sol en attrapant in-extremis le bord du bureau. Son cœur rate un battement avant de réaliser que la voix grave provient de son meilleur ami, et camarade de chambre, Tom. Voix qu’il a réussi à faire ressembler à celle de son majordome, qui s’amuse de temps en temps à lui rendre des visites surprises pour le surveiller. « T’es con, tu m’as fait peur ! », rétorque-t-il en lançant un stylo de son bureau sur Tom. Les règles de la bienséance, cauchemar de son enfance, sont elles aussi restées avec le reste de sa famille. Car James n’a jamais vraiment été le modèle du parfait petit enfant royal. Oh, en public, il a toujours bien fait semblant mais en privé… Le premier à faire une bêtise, c’est lui. Il n’est pas George après tout, ce n’est pas à lui qu’incombe la tâche d’un jour porter cette couronne ! S’il y en a une dizaine avant lui, c’est bien pour une raison ! Et puis, tant que ça n’est pas une grosse bêtise, tout va bien. Après tout, James n’est pas un mauvais bougre dans le fond. Et ses bêtises se résument toujours qu’à une grosse farce en fin de compte.
« Tu bosses encore sur le devoir d’élec ? Windsor, faut que t’arrêtes un peu… » ricane Tom alors qu’il s’approche du bureau de son colocataire avec un sourire. « Non, mécanique. » Il soupire mais n’a pas le temps d’en placer une que son ami enchaîne. « Celui à rendre dans deux semaines ?! Tu deviens trop sérieux là, range-moi ça et rejoins-nous sur le terrain d’escrime, va ! » James lâche un rire bref et tourne sur sa chaise. « Tu sais très bien pourquoi je fais ça, en plus. » Avoir de l’avance sur les devoirs à rendre, faire en sorte qu’un imprévu puisse se caser dans l’emploi du temps et surtout, surtout, ne pas se faire remarquer plus que nécessaire. Telles ont été les conditions d’Edward en acceptant que son cadet parte étudier à Cambridge. Et jusque-là, tout s’est passé comme prévu.
Tom lève les bras en signe d’abandon, sachant pertinemment qu’il ne gagnera pas cette bataille, et se dirige vers la porte de leur chambre lorsque celle-ci s’ouvre d’un coup. Les faisant sursauter tous les deux cette fois. Derrière le chambranle de la porte, complètement essoufflée et assez secouée, se trouve Wendy, la petite amie de James depuis trois ans et demi. Amour d’adolescent attardé qui ne tiendra pas, qu’ils disent. « James… » « Okay, à plus tard ! » se défile rapidement Tom, sentant la gravité de la situation arriver, fermant exprès la porte derrière lui pour les laisser seuls. Quasi-instantanément, James se lève de son siège, un air mi-inquiet, mi-intrigué sur le visage, bien loin de comprendre ce qu’il se passe. Wendy fait les cent pas, tenant fermement un objet que James n’arrive pas à identifier et il s’inquiète encore plus. « Wen… » Elle s’approche brutalement de lui et lui prend les mains, arrêtant sa marche frénétique et James remarque ses yeux embués de larmes alors qu’elle balbutie ces quelques mots. « James, je… Je suis… Enceinte. » Interdit et sous le choc, James prend la nouvelle comme une gifle en pleine figure (ils n'ont que vingt ans !). Violente, douloureuse et le laissant sans-voix. Visiblement, ses bêtises ont arrêté de se résumer qu’à une grosse farce et il ne comprend pas comment ils en sont arrivés là. Du moins, si, il sait comment tout ça marche mais ils font attention pourtant. Au lieu de répondre à ses propres interrogations – et à celles de Wendy, a fortiori – James se contente de la prendre dans les bras. Car si le pire reste à venir (il ne fallait pas se leurrer, peu importe la décision de garder le bébé ou non, tout allait se savoir et il faudrait minimiser les dégâts), ils prendront la décision ensemble.
Ensemble, ils décident de le garder. Ensemble, ils affrontent le courroux d’Edward et de Sophie, le courroux des parents de Wendy, ainsi que celui des autres. Ensemble, ils choisissent de déclarer publiquement l'état de Wendy et rendre l'enfant légitime, prenant les devants pour éviter un scandale. Ensemble, ils décident de rendre les fiançailles publiques pour un mariage précipité en mai 2028, tout en préservant Nate des médias autant qu'ils le peuvent. En pensant réellement, cette fois-ci, que le pire qui aurait pu arriver est derrière eux.

Quelle naïveté.

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« James. » « Louise ? » Louise, sa sœur aînée. Sa confidente, malgré leurs quatre années d’écart. Sa partenaire de crime, pour le couvrir auprès des parents depuis aussi loin qu’il s’en souvienne. Et si ces six dernières années en cavale ont renforcé leurs liens – tout comme ceux avec Charlotte et Henry – cela n’a jamais empêché Louise (qui à côté de lui ressemble plutôt à sa petite sœur qu’à son aînée, il faut le signaler) de le réprimander à la moindre bêtise. Ou tout simplement lui dire ce qu’elle pense. Et vu son ton d’impatience lorsqu’elle prononce son prénom, alors qu’ils font leur possible pour rentrer à leur planque / bunker du moment, James sait qu’il va avoir le droit à un sermon. Ou à quelque chose y ressemblant. Car quelque chose ne va pas et elle veut lui faire savoir. Seulement James n’est pas d’humeur. Car si les autres font semblant, ou non, de ne pas s’en rappeler, lui sait. Il sait que leur destinée a changé il y a six ans déjà et il s’en souvient comme si c’était hier. « Tu ressembles à Maman, tu sais. » La phrase sort de but en blanc, sans filtre, sans émotion. Chose qui étonne grandement sa sœur et dont il ne tient pas compte. « Les mêmes cheveux blonds que je n’ai pas, les mêmes yeux clairs que j’ai… » Le soupir qu’il lâche est plein de nostalgie mais il continue. « J’avais vu une photo d’elle à ton âge et tu es son portrait craché. Même Tom me le répétait, entre deux tirades amoureuses à ton égard pour m’énerver. Car même s’il n’avait aucune chance, il était amoureux de toi, Tom. » Feu son meilleur ami. Tué devant ses yeux car il barrait la route des sorciers belliqueux. Un dommage collatéral alors que James a été sauvé in-extremis par un membre de MI6 devant le ramener à son père. S’il avait su, il se serait inquiété bien plus vite de la coupure de courant et il aurait fait en sorte de mettre Tom à l’abri. S’il avait su… Mais comment aurait-il pu savoir ? Comment aurait-il pu deviner que les sorciers étaient réels et qu’ils avaient tenté de les éradiquer, eux, les non-sorciers ? Comment aurait-il pu se douter que derrière une simple coupure d’électricité, presque anodine compte tenu de l’ancienneté du bâtiment de Cambridge (puisque James révisait tranquillement ses derniers examens d’étudiant en ingénierie, option systèmes embarqués, au moment des faits), se cachait un mal aussi important, aussi dévastateur ? James se souvient de ne pas avoir compris de suite ce début de cauchemar. Lorsqu’il avait retrouvé son père, sa sœur, Wendy et le petit, il n’avait pas enregistré l’information que sa mère n’était plus. Que George non plus n’était plus, ainsi que Kate et Will. Qu’ils ne restaient qu’eux, ainsi que Charlotte, Henry et ses deux derniers. Que le pouvoir venait d’être renversé à coups de baguettes magiques et de morts affreuses qui les marqueront tous à jamais. Que depuis six ans, ils doivent courir et se cacher, avec l’aide des quelques agents restants des services secrets. Eux qui, lors d’un moment de répit dans la course, les entraînent à se battre, à se défendre et à utiliser leurs atouts pour le bien de tout leur petit groupe. James a grandi d’un coup et s’il n’a jamais pu être officiellement l’ingénieur qu’il voulait être, il se sera débrouillé pour utiliser tout son savoir et son ingéniosité pour que leurs conditions soient meilleures, au moins un peu.
Il sent une main sur son épaule. « Je sais que ça fait six ans, je n’ai pas oublié. » Un faible sourire se dessine alors que son regard se fond dans celui de sa sœur. Depuis six ans, depuis ce jour fatidique, James ne l’avait pas vu pleurer une seule fois, à l’instar de Charlotte. Depuis six ans, James n’a jamais été aussi reconnaissant d’être de la même famille que ces deux-là. « Dépêche-toi, il ne faut pas rester là. » Ils accélèrent le pas tout en vérifiant ne pas avoir été suivi comme on le leur a appris. Mais alors qu’ils pénètrent leur planque quelques minutes plus tard, ils sont forcés de constater qu’ils sont bien plus nombreux que prévus. L’espace d’une seconde, le cœur de James manque un battement avant de réaliser que personne de sa famille ne manque à l’appel ou ne semble en danger. En témoigne directement son fils qui vient l’accueillir avec un sourire que seul un enfant de sept ans et demi peut avoir lorsqu’il ne réalise pas encore ce que c’est d’être en fuite. A la vue des têtes suspicieuses et crispées de ses cousins, et avec l'aval d'Edward, Charlotte prend rapidement la parole en présentant les deux inconnus à ses côtés. « Ce sont d’anciens membres de MI6, ils appartiennent à la résistance moldue. » « A la résistance quoi ? » s’interroge instantanément Louise. « Moldue. C’est le nom que nous donnent ces démons de sorciers. » Un troisième homme, invisible jusqu'alors pour les nouveaux arrivants, sort de la masse, en tenue de… Prêtre ? « Oliver Durham, chef de la Résistance, enchanté Vos Altesses. »

A ce moment-là, James comprend que la situation prend un nouveau départ. Encore une fois.

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« C'est pourquoi, afin de préserver notre cohésion et en l'absence de Monsieur Durham, j'invite chaque membre de la Nouvelle Inquisition à préserver ses liens avec les Phénix. Car je suis certaine que chacun ici-présent ne souhaite qu'une chose : libérer le monde du joug Mangemort. Eradiquer toute trace d'oppression. Notre but commun, n'est-ce pas ? » James n’en croit pas ses oreilles et voit sa colère se refléter sur le visage de sa cousine, sur l’estrade, alors que Wendy tente de le calmer en lui prenant la main. Voilà où la folie de Durham les a mené : lui dans un état critique (mais malheureusement toujours en vie) et eux, prisonniers d’une ville-cage dorée. A quoi bon se libérer du joug des Mangemorts s’ils finissent sous le joug de l’Ordre du Phénix ? Un mal pour un autre, une liberté perdue pour une autre. Dans les deux cas, encore un énième sacrifice. L’idée ne l’enchante pas et vu le regard que lance Obbie Kantaro à ses cousins, James comprend qu’ils ne pourront pas en parler de suite en famille. Evidemment. Mais alors que la foule applaudit les paroles de la chef de l’Ordre du Phénix, James remarque une silhouette bien trop familière se balader non loin de lui, comme si de rien n’était. « Je reviens. », dit-il doucement en lâchant la main de sa femme avant de se précipiter à la suite de son fils. « Nathaniel ! » Pas de réponse. Nate fait semblant de ne pas l’avoir entendu. Malheureusement pour lui, James n’a aucune patience – encore moins que d’habitude, c’est pour dire. « NATHANIEL EDWARD HENRY WINDSOR, ARRÊTE-TOI IMMEDIATEMMENT ! » Sa voix gronde, et James n’en a strictement rien à faire que quelqu’un l’ait entendu ou se retourne pour écouter. Nate s’arrête dans un soupir et se retourne, le regard insolant. « Quoi ? », ose-t-il demander, irrité. James se contente de prendre son fils par le bras et de l’emmener dans un coin, rouge de colère. « Deux jours que tu m’évites. DEUX JOURS, NATE. » Il lui lâche le bras et l’empêche d’en placer une. « Ton grand-père aurait honte de toi, HONTE ! A peine tu deviens majeur que tu décides, sans l’autorisation ni de ta mère, ni de la mienne, de participer à l’attentat de la Tour ? Tu es stupide ou tu le fais exprès, Nate ? C’est quoi ton but ultime, hein ? Te faire exploser en martyr comme cet abruti de Phénix aux Mines d’Enisis en février dernier ? Te prendre un de leurs sorts et d’y rester ? Hein, c’est ça ? Nous sommes en guerre, Nate, EN GUERRE ! CE N’EST PAS UN JEU ! J’aurais pu y rester à force de te courir après dans cette maudite Tour de malheur ! Alors explique-toi, Nathaniel, je t’attends. » Nate ouvre la bouche comme pour répondre aux accusations de fuite de son père, mais se fait bien vite couper dans son élan. Il écoute sa rengaine en silence, l’air visiblement ennuyé par ses propos avant d'enfin répondre, sa voix montant à chaque mot prononcés. « Et ben si je meurs TANT MIEUX ! Au moins on va peut-être savoir mon nom après ça au lieu de me demander à chaque fois ce que je fais collé à tes baskets ! Je suis un ADULTE et si je veux me battre et bien j’ai pas à te demander l’autorisation ! De toute façon, ce n’est pas comme si tu t'intéressais réellement à moi, hein ?! » Et sans attendre de réponse, il tourne les talons, pour s’éloigner de son père. Qui reste planté là, interdit et énervé. Car encore une fois, James n’a pas eu les réponses qu’il voulait. Pire, il repart avec de nouvelles interrogations : comment son fils peut-il penser une chose pareille ? Peut-être aurait-il dû être confronté à l’exécution publique de la place d’Avalon qu’ils ont interrompu, en juin dernier, pour que ses idées se remettent en place ? James soupire, encore. La mise sous tutelle, Nathaniel, « l’enfermement » à Vivecime, le chaos de la situation.

Dans tous les cas, tout ça ne lui augure rien de bon.