Est-ce que c'était risqué ? Oui. Complètement. Est-ce qu'elle en avait quelque chose à foutre ? Non, pas le moins du monde. Le vieux con pouvait dire ce qu'il voulait, il était hors de question qu'elle foute les pieds dans un putain de local pour moldus ! Pas après le maléfice qu'elle s'était pris dans la gueule hier soir pour une erreur à la con. Elle avait besoin de changer d'air, de voir autre chose.... et de faire un gros fuck invisible à Papy Mulciber en ignorant ses instructions. Pour la première fois depuis Avalon, elle irait où elle voudrait pendant son jour de congé. Et tant pis si son maître envoyait quelqu'un au local moldu pour vérifier qu'elle y était. Si cela devait arriver, elle trouverait une excuse. N'importe quel mensonge qui lui éviterait la mort ferait l'affaire. Les doloris ? Les brûlures ? Les plaies ouvertes ? Ils n'avaient plus aucune importance. Plus aucune force de dissuasion. Elle en avait trop eu, trop subis pour que cela fonctionne encore. Et surtout, elle avait vu bien pire.
Elle avait vu la sauvagerie des combats, l'agonie des blessés et la Mort avec un grand M. Celle de ses pairs moldus et la sienne, frôlée d'un cheveux le jour où elle s'était introduit dans le manoir de Louqxor. Après ça, comment aurait-elle pu s’asseoir dans la même pièce que tous ces domestiques soumis comme des chiens ? A chaque fois qu'elle entrait dans la pièce elle mourrait d'envie de hurler et de les secouer un par un pour les réveiller. Ca en devenait presque dangereux.... Pas question donc de retourner là-bas dans son humeur actuelle.

Heureusement, le QG était accessible à tous les inquisiteurs après une (très) loooongue marche depuis une bourgade sorcière desservit par le magicobus et quelques obstacles naturels qu'il fallait bien connaître. Mais bon, fallait ce qu'il fallait et marcher n'avait jamais tué personne ! 'fin pas elle en tout cas. A la limite, ça lui donnait soif.... mais ça attendrait. Elle se sentait déjà un peu mieux - ou disons un peu moins mal - maintenant qu'elle était entrée dans le QG. Mais ce n'était pas encore tout à fait ça....

Elle salua les quelques connaissances à qui elle voulait bien accorder un mot ou un sourire puis se dirigea vers le coin tranquille où elle avait l'habitude de se terrer pour faire ce qu'elle avait envie sans se faire emmerder. Autrement dit prier, insulter silencieusement la Terre entière et pioncer. Mais c'était sans compter sur le grand baraqué qui se retrouva subitement sur son chemin.

« Hey Stan ! » lança-t-elle sans trop savoir si elle était contente ou non de tomber sur lui.

« Salut, qu'est-ce que tu fais par là à cette heure ci ? Le vieux t'as laissée la laisse ? »

Mathilda repéra la bouteille qu'il avait en main avant de réfléchir à sa réponse. Et la bouteille, ça passait avant tout le reste ! Surtout aujourd'hui.

« P'tain ! Pile ce qu'y m'fallait ! »

Sans lui demander son avis, elle attrapa l'alcool de menthe, le déboucha et en prit une gorgée. Pas beaucoup mais juste assez pour rendre la bouteille à Stan en lâchant un « Sa mère ! » mi-ravi, mi-impressionné. Ca faisait combien de temps qu'elle n'avait pas bu un truc aussi fort ? Des mois au-moins ! Peut-être depuis la Sainte Patrick. En tout cas ça faisait un bien fou !

« Merci, t'es parfait mec ! » déclara-t-elle avec un petit sourire taquin encore teinté de morosité.

Finalement, c'était peut-être une bonne chose.... Stan était pas chiant. Stan parlait pas pour rien dire. Et Stan avait souvent le don d'arriver au bon moment, au bon endroit avec la bonne binouze. S'il y avait bien quelqu'un pour réussir à lui changer les idées sans l'emmerder aujourd'hui, ce serait probablement lui. 'fin, lui et sa bouteille s'il voulait bien la partager.

Pendant un bref instant, Mathilda cru que Stanley allait lui arracher la bouteille des mains en beuglant. Ce qui aurait été plutôt mérité pour être tout à fait honnête. Et puis finalement... finalement non. A croire que sa manière de faire lui avait plu... ou en tout cas pas trop déplu. A moins qu'il n'ait simplement compris tout seul qu'elle avait grand besoin de cette rasade ? Quoiqu'il en soit, il avait plutôt l'air de bonne humeur. Son rire gras amusa la domestique, qui se surprit à ricaner à son tour.

« Justement : faut bien qu'on s'sorte ce foutu balai du fion d'une manière ou d'une autre. Et encore, t'as pas tout vu ! »

Un sourire malicieux vint appuyer cette déclaration un poil mensongère. La vérité c'était que le vieux démon était beaucoup trop attentif pour qu'ils réussissent à piquer une bouteille ou à se servir dans son dos. C'était déjà le parcours du combattant pour subtiliser ne serait-ce qu'un quignon de pain supplémentaire alors l'alcool.... Mais c'était plus drôle formulé ainsi. Et surtout, ça donnait moins envie aux fugitifs de les plaindre, elle et tous les autres esclaves obligés de vivre chez ces satanés sorciers. S'il y avait bien quelque chose que Mathilda haïssait, c'était les regards emprunts de pitié qu'on pouvait parfois lui adresser au QG. Alors elle taisait son quotidien, quand elle ne l'embellissait pas. Comme maintenant. Sauf que voilà, Stan insistait. Elle le suivit jusqu'au bloc de pierre en soupirant.

« C'est mon jour de congé et j'ai vraiment pas envie de me faire casser les couilles par les connards qui traînent dans leurs foutus lieux d'aisance. »

D'accord, elle avait pas de couilles. Détail. Qui s'en souciait vraiment ?

« J'emmerde le vieux. Si je suis rentrée à temps, il saura même pas que j'suis venue là. »

En théorie.... Et elle espèrait fortement qu'elle avait raison. Pour se donner du courage, elle bu une nouvelle gorgée avant de lui rendre la bouteille. L'alcool de menthe lui piquait toujours un peu la gorge mais ça passait déjà mieux que la première fois.

« Et toi, qu'est-ce tu fêtes ? »

Non pas qu'il y ait vraiment besoin de raison pour se pinter avec Stan mais cette fois-ci, quelque chose lui disait qu'il n'avait pas ouvert cette bouteille pour rien.  

« Rouquemoute - tu sais, leur tafiole à moustache ? .... »

Un grognement affirmatif lui répondit. Oui, elle voyait parfaitement de qui il s'agissait : une vraie saloperie. Un sorcier tellement culotté qu'il s'était permis de s'approprier LEURS armes pour se battre.

« Ils avaient pris une putain de grande décision. »

Matt reposa sa bouteille pour observer Stan attentivement. Avec une petite pointe de jalousie.... si Obbie Kentaro et Oliver Durham en personne s'étaient réunis, il ne pouvait s'agir que d'une mission de la plus haute importance ! Un truc super badass où il fallait tout faire péter avant de fuir, avec un bâtiment en feu en fond de décor et la détonation des bombes en musique d'ambiance. La grande classe quoi ! Ou pas....

« Putain tu devineras jamais qui ils ont collé dans ma tente... »

« Jane Callaghan ? » demanda-t-elle avec un sourire moqueur.

La grande rasade qu'il prit avant de répondre lui mit soudain le doute. Ca ne pouvait être qu'un sans-magie comme eux, pas vrai ? .... Pas vrai ?!

« Sam. Fucking. Jones. »

La mâchoire de Mathilda sembla tout à coup prête à se décrocher. A moins qu'elle ne tente de battre un record d'élasticité ?

« P'tin, tu déconnes !.... non mais sérieux Stan, tu déconnes hein ? »

Incrédulité, choc, déni, rage... elle passa par toutes les émotions en moins de quinze secondes.

« Ils t'ont foutu avec un SORCIER ?! Pour de vrai ?! Tu va être dans la même tente qu'un PUTAIN DE SORCIER ?! »

Et quand enfin l'acceptation arriva jusqu'à son cerveau, elle lâche un « Oh merde... » fataliste. Alors ça.... ça, c'était pire que tout. Pire que sa servitude presque. Parce qu'au moins elle elle dormait avec des gens de son espèce. Pas avec des enfants du démon capable de la tuer dans son sommeil.

« J'suis désolée mec... Ils ont forcément fait un gros chantage d'enculés à Durham pour qu'il accepte ça ! » cracha-t-elle d'un ton chargé de haine. « OU ALORS ! .... Ou alors il veut que tu l'espionnes nuit et jour parce qu'il se tape la Callaghan et qu'il doit savoir plein de trucs utiles ! »

Ouai bon, elle essayait de le réconforter comme elle pouvait....

« Il t'a rien dit du tout Durham ? »

Mathilda profita de l'inattention de Summers pour lui faucher discrètement la bouteille. Enfin "discrètement" .... disons plutôt qu'elle se crût discrète. Mais ses gestes étaient de plus en plus saccadés, de moins en moins ordonnés et elle se sentit légèrement déséquilibrée en se rasseyant. Fuck ! Fallait dire aussi qu'elle avait pas l'habitude de boire ces conneries. Il y avait bien de la gnôle de contrebande qui circulait dans certains manoirs mais, de un, il fallait précisément savoir à qui s'adresser et, de deux, c'était beaucoup trop dangereux pour quelques heures de cuite. Qui constituaient elles-même un risque non négligeable de se faire avadakédavriser.... Bref, pour la faire courte : Matt n'avait pas l'habitude de boire. Pas l'habitude du tout ! Elle eu toutefois la présence d'esprit de remettre la bouteille à portée de Stan sitôt sa gorgée d'alcool ingurgitée.

« T'es géniale ! »

« 'videmment que je suis géniale. » rétorqua-t-elle avec un grand sourire crâneur. Ca, c'était pour équilibrer avec son  " Je suis parfait " de tout à l'heure !

« A ta réussite Stan ! »

Elle l'observa vider sa lampée puis accepta la bouteille qu'il lui rendait, comme si de rien n'était. Et une nouvelle gorgée pour la petite Matt, une !

« Mais fais gaffe, sa meuf c'est une vraie barge. » reprit-elle en faisant tourner son index à côté de sa tempe. « Elle a faillit me péter l'nez l'autre fois ! .... j'veux dire quand on s'entraînait. Ça m'change un peu de péter la gueule à une sorcière. » expliqua-t-elle en rougissant légèrement.

Jamais elle n'oserait avouer à Stan qu'elle échangeait des cours de lutte contre des recettes d'explosifs. Elle-même avait déjà honte d'apprendre à une sorcière à se battre avec ses poings alors Summers... il ne comprendrait pas.

« 'fin bref, c'est une folle furieuse. Et une mytho ! Crois jamais ce qu'elle te dit. » Juste au cas où la Callaghan viendrait à la balancer.... « Et son copain, il est comment ? »

Caractériellement bien entendu. Physiquement, elle ne l'avait jamais maté. Et Matt ne matait jamais personne. Elle avait autre chose à foutre. En plus, si elle devait mater qui que ce soit, ce ne serait certainement pas un putain de sorcier.

Bébé. Il l'avait appelé " bébé " ! Si Matt avait eu la bouche pleine, elle en aurait probablement recraché sa gnôle. Heureusement, l'alcool se trouvait déjà dans son gosier et elle se contenta d'avaler de travers en toussotant. Pourquoi est-ce qu'il l'appelait bébé ? Elle avait déjà entendu des hommes appeler certaines femmes comme ça - y compris Stan - mais généralement c'était des nanas avec lesquelles... enfin des meufs qui .... enfin voilà quoi. Et ils n'avaient pas du tout ce genre de relation ! Peut-être que c'était censé vouloir dire qu'elle était son apprenti ou sa protégée ou .... ou.... eh merde, réfléchir lui faisait mal à la tête ! Elle prit une nouvelle gorgée pour faire passer son mal de crâne.

Et pis v'là qu'ils parlaient de Lizzie, de Sam et ... de ses fesses. Matt n'avait jamais trop compris l'intérêt de matter le cul des gens mais si tout le monde le faisait, c'était peut-être que ça devait être intéressant. Faudrait qu'elle essaie à l'occasion... ses yeux dérivèrent soudain sur le bassin de Stan mais celui-ci étant assis, son fessier n'était pas mattable. Tant pis ! Ce serait pour plus tard. Genre quand ils se lèveraient. Genre maintenant.

« Ouai j'ai putain de soif ! » rétorqua-t-elle en se mettant debout.

Ou plutôt en essayant... mais c'était tellement dur, comme si le sol s'accrochait à ses fesses. Ou le contraire. Elle força sur ses jambes et soudain, tout se mit à tourner. Oh putain ! Ca allait être dur ! Mais plus dur que de s'arrêter de boire et de rentrer au manoir pour ressasser, encore et encore, les même souvenirs où elle tabassait à mort ses collègues moldus suspects sur les ordres de Mulciber ? Non.... Si l'alcool offrait l'oubli, elle choisissait l'alcool, quel que soit le prix à payer.

« Bon on va chercher ton truc pour se marrer là ? » balança-t-elle d'une voix assurée comme si de rien n'était.

Après tout il suffisait de mettre un pied devant l'autre. Rien de difficile, pas vrai ? Stan finit par prendre les devants, offrant une vue parfaite sur son derrière. Mouai.... c'était des fesses quoi. Rien de fascinant. Même s'il était vrai que la sorte de roulement - à défaut d'un meilleur terme - quand il marchait avait quelque chose d'un peu hypnotisant. Droite, gauche, droite, gauche, droite, gauche.... un petit rire lui échappa. C'était marrant en fait ! Et soudain, la voix de Stan la tira de son observation. Eh merde ! Qu'est-ce qu'il avait dit ?!

« Nan mais il est très bien ! » rétorqua-t-elle précipitamment au hasard en se sentant rougir à nouveau.

Oh et puis fuck ! Elle était même pas sûr qu'il parlait de ça ou qu'il ait remarqué et puis... et puis.... et puis tout le monde le faisait d'abord. Alors c'est bon là, ils tournaient la page et ils continuaient à boire !

P'tin. Il l'avait encore appelée bébé. C'était chelou quand-même non ? Mais bon, si ça lui faisait plaisir. Elle haussa les épaules en essayant vaguement de se concentrer sur la conversation en cours. Ils parlaient de quoi déjà ? Ah oui, de boire !  Genre elle avait jamais bu !

« Bah si, t'm'as pris pour qui ?! »

Même que c'était pendant la soirée de la St Patrick où y avait les Phénix, des farfadets et des verres sataniques qui se re-remplissaient tout seuls quand on les vidait. Des trucs de sorciers quoi. Elle avait bu avec Alfie et la soirée s'était terminée.... elle ne savait plus trop comment à vrai dire. Tout ce dont elle se souvenait c'était de son putain de mal crâne le lendemain matin. Après ça, elle s'était jurée de ne plus jamais se bourrer la gueule. Mais c'était pour ça que les prières, la pénitence et le jeûne de rédemption existaient non ? Alors fuck it ! Elle le suivit jusque dans la réserve en matant son postérieur rêveusement puis en l'écoutant déblatérer sur Jones. Lui démonter la gueule la tentait bien ouai. En fait, démonter la gueule de n'importe quel sorcier ou sorcière lui aurait plu.

« Ouaiiiii ! Et ensuite on s'occupe de sa pouffiasse. »

Rien de personnel mais tant qu'à exploser les dents de son mec, autant faire en sorte qu'ils soient assortis. C'était bien ça un couple, non ?  L'idée des deux sorciers avec le même trou béant au milieu de la bouche la fit éclater de rire.

« Y ziront bien ensemble avec leurs gueules cassées ! » pouffa-t-elle

P'tain, ça faisait longtemps qu'elle avait pas rit comme ça ! Il lui fallait encore de l'alcool.... encore boire pour se marrer et oublier tout le reste. Elle s'avança dans la réserve en lâchant un « T'es sûr mec ?! » débordant d'enthousiasme. Stan était quand-même un putain de vrai pote pour la laisser choisir comme ça. Elle observa les bouteilles alignées sur l'étagère puis en attrapa une.

« Celle-là. »

Ils regagnèrent leurs sièges de fortune en titubant puis elle tira sur le bouchon d'un geste brusque. Pop ! Putain ce que ça sentait fort ! Mais c'était bon signe non ? Ou en tout cas bon signe si elle avait l'intention de se bourrer la gueule. Et puis.... le liquide ambré lui rappelait ce que son père avait l'habitude de boire. C'était d'ailleurs pour ça qu'elle l'avait choisit. Même qu'il finissait par dire des trucs bizarres quand il en buvait trop. Du genre " bachi-bouzouk ", " Astronaute d'eau douce " ou " bougre de zouaf " ... ou zouave peut-être. Un truc comme ça quoi. Le souvenir lui arracha un sourire triste et soudain, elle eu une funeste inspiration :

« A ceux qui sont plus là pour boire. » énonça-t-elle avant de prendre une longue gorgée qui lui brûla le gosier.

Lorsqu'elle reposa la bouteille, Matt croisa le regard de Stan.

« Mon père... y buvait ça. » murmura-t-elle en guise d'explications.

Ouai, ok, ça cassait un peu l'ambiance mais elle avait ressentit le besoin de l'honorer. Peut-être que Stan avait quelqu'un à se remémorer aussi d'ailleurs. Elle lui fila le scotch avec un petit sourire triste en coin qui voulait dire " A ton tour ". Mais s'il préférait juste boire et se marrer, ça lui irait aussi.

OH. PU. TAIN ! Putain d'putain d'putain d'bordel de grosse merde d'sa race pourrie ! Pardon doux Jésus, Sainte-Marie et Seigneur Dieu mais Stanley Fuckin' Summers était en train de.... de.... de quoi au juste ? De lui dévorer la bouche ? En mettant sa langue dedans ? " Mais non pauvre conne ! Tu sais ce qu'il est en train d'faire ! " Il... il .... Littéralement pétrifiée par cet étrange mélange de surprise et de peur, elle demeura parfaitement immobile jusqu'à ce que son visage s'écarte du sien. Et même là, il lui fallut plusieurs longues secondes pour retrouver sa voix. Parce que.... putain ! Elle avait vu plein de fois des hommes et des femmes faire ça, de loin. Des couples qui s'embrassaient, se galochaient, se roulaient des pelles et se pelotaient parce qu'ils étaient soooo in love... ou qu'ils avaient juste envie de coucher ensemble. Mais ils n'étaient pas un couple et ils n'étaient pas in love... du moins pas qu'elle sache. A moins que .... Stan ?

Non non non ! C'était impossible ! D'abord il les aimait pas comme ça... comme elle. Ouai, elle les avait vu les blondes et les brunes qui sortaient parfois de sa tente. C'était des bonnes femmes, des vraies bonnes femmes, avec des seins, des fesses, des longs cheveux et du maquillage. Elle elle était.... un truc bizarre. Ni vraiment homme ni vraiment femme. Si elle aimait être mâle, Dieu ne l'avait pas moins créée femelle. Bien que personne ne semble le remarquer. Enfin, personne sauf Stan.... est-ce qu'il la voyait vraiment comme une .... une... femme ? Une femme désirable ? Elle ? Elle sentit ses joues virer au rouge tomate.

« Pourquoi t'as fais ça ? »

Ouai, sa question était archi-con et archi-pas-adaptée à la situation mais là tout de suite, c'était tout ce qu'elle avait trouvé à dire. Elle espérait toutefois qu'il ne le prendrait pas comme un reproche parce que, à part l'humidité et la stupéfaction dû au premier baiser.... c'était pas désagréable c'teu connerie. Pas désagréable du tout même. Et ça la réchauffait plus efficacement que tout l'alcool qu'elle avait ingurgité jusque là. Chelou....

Non ! Elle eu envie de répondre " Non. Pour qui tu m'prends putain d'merde j'suis pas comme ça et puis d'abord en quoi ça t'regarde si j'suis pucelle ou pas sale con hein ? " Elle en mourut d'envie même. Mais la honte étouffa ses mots à mesure qu'elle embrasait ses joues. Pucelle. Elle était pucelle. Une ignorante. Une idiote. Une femme bizarre. Pas même une femme d'ailleurs, selon certaines personnes.
Matt sentit ses yeux s'humidifier. Elle se réfugia lâchement dans une nouvelle gorgée d'alcool tandis que Stan reprenait la parole, tentant de la rassurer..... de l'encourager...

« Le remède ? » demanda-t-elle d'un ton naïf. Ce qu'elle était tout à fait ; naïve. Et pas seulement à cause de l'alcool. Mathilda n'avait jamais aimé, ni physiquement ni platoniquement, et elle était beaucoup trop loin de toutes ces questions. Jusqu'à ce soir. Jusqu'à ce que Stan ne se rapproche à nouveau d'elle pour lui montrer plutôt que de lui expliquer avec des mots compliqués qui n'auraient rien éclairci du tout.

L'androgyne recula d'abord sous l'effet de la surprise, ne comprenant qu'avec quelques secondes de latence à quel remède il pensait. Mais non ! Ils ne pouvaient pas. Ils n'étaient pas.... ils étaient... seuls les époux mariés devant Dieu pouvaient... enfin en théorie. Dans la pratique, ça n'empêchait pas un tas de couples hérétiques de forniquer avant le mariage. Comme Stan le faisait régulièrement avec les femmes qu'il trouvait belles. Qui lui plaisaient...

« J'te plais ? »

Elle regretta la seconde suivante d'avoir laissé cette question franchir le seuil de ses lèvres. Putain de bordel de merde pour qui est-ce qu'il allait la prendre ?! Une adolescente de 13 ans ? Elle avait honte, elle ne voulait pas... ne voulait pas... et pourtant, la réponse du brun lui arracha un demi-sourire. Et cette drôle de sensation au creux de son ventre.... cette chaleur qui se répandait dans ses muscles ?

La suite...:

Mathilda eu soudain envie de vomir. Dans un violent réflexe, elle s'appuya sur ses deux bras pour se dégager et, repliant ses jambes, envoya accidentellement son genou dans l'entrejambe de son amant. Sans faire attention à Stan, Matt plongea par terre pour cracher sa bile. Ce ne fut que lorsqu'elle se redressa qu'elle réalisa. Elle l'avait frappé à cet endroit précis.

« 'tain de merde pardonpardonpardon j'te jure sur ma mère qu'j'voulais pas je... pardon ! Merde merde merde ! »

Qu'est-ce qu'elle était censée faire putain ?! L'aider ? Appeler quelqu'un ? Lui donner à boire ?

« Tu veux boire ? » demanda-t-elle dans le doute en tendant la bouteille.

Putain la honte ! Ils n'auraient jamais dû faire ça. Il n'aurait jamais dû la choisir elle. Il aurait dû rester avec ses belles femmes aux belles formes et aux yeux de biche parce que elle... Un soupir puis un aveu :

« J'suis pas faite pour ça. »

Triste mais véridique. Elle n'était pas une femme qu'on baise, parce qu'elle n'était pas une femme normale. Elle était un truc bizarre entre les deux genres. Un truc qui ne méritait pas ce genre d'attention. Comment avait-elle pu croire... Reposant la bouteille, elle tourna les talons. Sans un regard. Sans une explication. La honte étouffant ses mots.