A peine a-t-elle eu vent de la nouvelle qu’Olivia s’était précipitée chez Armel. Pour qu’ils fassent quelque chose, pour qu’ils lui changent les idées. Car jamais au grand jamais ils ne pouvaient laisser Nilhem dans cet état.
Bien trop de choses avaient changé depuis Halloween et tous, elle compris, s’étaient retrouvés dans leurs propres bulles, dans leurs propres spirales d’émotions. Et, contrairement aux autres fois, celle d’Olivia avait été pleine de surprises. Outre le fait qu’elle ait eu à gérer ses blessures et émotions post-attentat et revoir sa définition de confiance en l’autre, Olivia avait surtout réussi à enfin ouvrir son cœur sans que cela ne lui retombe dessus. Ils se sont promis d’essayer, sans se mettre la pression, tant qu’ils le peuvent. Et pour l’instant, la jeune sang-pure s’était crue dans un monde parallèle, sur un nuage. La Olivia fleur bleue refaisait surface quand tout le monde, et surtout sa mère, avait le dos tourné. Elle ne peut pas faire autrement de toute façon. Ce serait mal vu de sa part que d’étaler son bonheur « à l’essai » durant cette période difficile, encore plus face à son chef au Magenmagot. Olivia ne voulait certainement pas donner de nouvelles armes à Nicolas pour l’enfoncer et la juger. Encore plus lorsque son neveu haï rentrait en scène.

Dans tous les cas, ce sujet ne serait pas abordé avant longtemps, et encore plus aujourd’hui.

La jeune avocate s’est présentée à la boutique d’Armel en lui expliquant la situation. Comme quoi Nilhem refuse de sortir du manoir, qu’il ne souhaite voir personne et qu’ils doivent faire quelque chose pour le sortir de sa léthargie. « Ils auraient fait la même chose pour nous » a été sa plaidoirie, peu importe qu’elle l’ait déjà convaincu à peine lui avait-elle expliqué la situation. Ils se sont alors précipités en transplanant au Manoir dans l’idée de lui faire un relooking, entre autres. Le relooking n’est qu’une excuse, mais une excuse qui reste utile lorsqu’on observe un minimum le Kark. Excuse qui est d’ailleurs encore plus valable et légitime depuis que l’on reste cloîtré chez soi, à se morfondre du décès de ses grands-parents.
L’imposante porte du Manoir Kark s’ouvre sur une des moldues de la famille. Elle leur demande la raison de leur visite et les accueille en bonne et due forme. « Maître Nilhem est présent, je m’en vais le chercher. », répond-elle poliment sans plus de cérémonie. Elle prend tout de même la peine de les faire pénétrer dans le hall du Manoir. La météo n’est pas très clémente, ce serait un crime de laisser deux jeunes sangs-purs dehors.
La moldue réapparaît une poignée de minutes plus tard, l’air embarrassé. « Maître Nilhem est dans ses quartiers mais ne souhaite voir personne. » Olivia jette un regard à Armel sans un mot et fronce des sourcils. « Personne ? Il n’en est pas question. » Sachant qu’Armel est du même avis qu’elle, les deux sangs-purs ne se font pas prier et se précipitent en direction de la chambre de Nilhem sans plus de cérémonie. Ils marchant d’un pas rapide, ignorant sciemment les suppliques de la domestique de respecter la volonté de son maître. Plus ils se rapprochent et plus Olivia redoute l’état dans lequel est Nilhem. Amorphe ? Sanglotant ? Un mélange des deux ? Des scénarios se forment dans sa tête. S’ils lui semblent réalistes dans son esprit, ils sont pourtant bien loin de la vérité. Face à la porte, Olivia tourne la poignée sans s’attendre à recevoir un accueil aussi peu chaleureux. Un éclair rouge comme comité d’accueil, charmant. Par elle ne sait quel réflexe, dûment acquis depuis que la Marque arpente sa cheville elle suppose, Olivia dégaine sa baguette de sa poche et lance un « Protego » in-extremis, protégeant la moldue qui a tenté de s’interposer. « Non mais ça va pas, non ? » La Vaisey pénètre franchement dans la chambre et s’énerve. « Lance-nous un Avada aussi pendant que tu y es, on ne te dira rien ! » Elle entend la moldue se carapater dans ses quartiers sans demander son reste, par peur de se prendre un nouveau sort, mais n'en tient pas compte.

Spoiler:

« Tu n’as pas fait exprès… Ça te prend souvent de lancer des Stupéfix sur ton personnel de maison, donc ? » Son agacement est plus pour elle que pour Nilhem. Malgré le fait d’être là pour le sortir de sa léthargie, il a tout de même des conditions atténuantes, émotionnellement parlant. Cette impulsion de lancer un stupéfix n’est que le reflet d’une de ses émotions négatives. Encore une autre bonne raison pour les deux amis d’être passés.

Armel prend en main l’aération de la pièce – qui avait d’ailleurs un grand besoin de respirer et de voir un peu de lumière, peu importe la météo extérieure alors qu’Olivia se dirige vers le placard de Nilhem, prête à lui choisir une tenue convenable pour sortir de son pyjama déprimant. Elle fait fi de la pauvre lamentation du Kark – il n’est donc capable que de ça ? Elle jette un regard rapide vers Armel. Ils devraient aussi travailler sa répartie – et sort une chemise et un pantalon simple en un coup de baguette. « Il y a des gens dehors ? Oui, et ? C’est le jour où il n’y aura plus personne qu’il faudra commencer à s’inquiéter. » Olivia soupire et ferme les yeux, regrettant ses paroles instantanément. Elle y est allée un peu fort avec un sous-entendu pareil. Même si ce sous-entendu est tout ce qui la fait avancer. Rester cloîtrer chez soi en oubliant son quotidien est le meilleur moyen de montrer aux terroristes qu’ils ont gagné. Ce qui n’est pas le cas. Et si les sorciers d’Avalon continuent encore à déambuler dans les rues ou aller faire du shopping, il y a alors encore de l’espoir. L’espoir de vivre et de se battre. Un espoir qu’il faut influer de nouveau dans le corps et l’esprit de Nilhem. Un espoir qu’il est incapable de retrouver seul, mais pas à pas, et bien entouré. Olivia n’en a pas grand souvenir, ayant à peine huit ans à l’époque, mais ça n’a pas été seule que sa mère s’est remise du décès du père d’Olivia. Certes, le caractère de Marion Vaisey n’est pas le même que celui de Nilhem Kark – beaucoup plus de fierté et un caractère plus combattif, en plus d’avoir vu plus de guerre que le jeune homme – mais la douleur de perdre l’amour de sa vie touché d’un sort fatal devant ses yeux, pour la protéger elle (tout ce qu’elle à la fois aimait et détestait chez Donald Rowle) se rapproche de celle de Nilhem et de la perte de ses grands-parents. Et Marion, malgré ses revendications comme quoi elle n’avait besoin de personne, s’était laissé convaincre par ses proches. Leur avait ouvert la porte et s’était résignée à accepter leur aide. Parce qu’elle avait admis en avoir besoin. Il ne reste plus qu’à Armel et Olivia de faire arriver Nilhem à ce même point de rupture. Le faire admettre qu’il a besoin de ses amis, besoin de sortir de ce Manoir, besoin de se sortir de cette spirale infernale. Pas à pas mais en lui forçant tout de même la main au début, car il ne le fera jamais seul.

« Parce que tu ne le sens pas n’est pas une assez bonne excuse, Nilhem. Alors enfile ça après ta douche et on sort. Tu sais très bien qu’on ne te laissera pas tranquille tant que tu ne nous auras pas écoutés et que tu ne seras pas allé à la douche. A toi de voir si tu préfères la manière douce ou forte. » Le ton de la jeune sang-pure est catégorique alors qu’elle s’approche du Kark et lui met les vêtements dans les bras. Elle retient une grimace, il a vraiment besoin d’une douche. Depuis combien de temps exactement n’a-t-il pas vu autre chose que ces quatre murs ? Dans un soupir, Nilhem cède quelques instants plus tard, préférant clairement ne pas pousser à bout ses deux amis – ou bien sait-il que cela ne sert strictement à rien ? Sûrement les deux. Désormais plus que deux dans la pièce, Olivia lâche un soupir de soulagement qu’elle ne soupçonnait pas et se tourne vers Armel, plus calme que précédemment. « Selon toi, quel est le plan le plus judicieux à adopter : on sort, on l’emmène manger quelque chose et on l’accompagne à ta boutique pour un relooking complet ou on oublie la case « nourriture » pour aller directement à ta boutique ? Ou autre chose, évidemment. N’importe quoi pour le faire sortir d’ici et lui changer les idées. Petit pas par petit pas. » Olivia se doute que l’inquiétude doit se lire sur son visage. Car après la colère vient la tristesse – celle de voir son ami dans un état pareil – mais surtout une volonté de l’effacer. Il faut maintenant qu’ils trouvent le plan efficace pour que Nilhem se fasse à la fois faire et n’ait pas envie de se réfugier de nouveau sous ses draps. Draps qu’il faudra d’ailleurs changer. Olivia se note dans un coin de sa tête de prévenir un des moldus de service qu’ils pourront faire sa chambre et attend une réponse de la part du Zabini.

Olivia lâche un léger soupir, inquiète, tout en acquiesçant aux paroles d’Armel. Il semble tout aussi avancé et rassuré qu’elle (qu’eux, même) dans cette histoire. Étrangement, cela réussit à la fois à calmer ses nerfs et apaiser une bonne partie de sa culpabilité d’avoir parlé de la sorte à Nilhem. Malgré tout le mal que la jeune Vaisey se donne pour paraître assurée et faire croire à tous que le passé est passé, il suffit d’un moment d’inattention (ou d’un sort perdu, pour le coup) pour briser quelques barrières. Refaire sortir l’énervement lié à l’événement et s’en prendre à quelqu’un qui n’a pas besoin de cela. Une toute petite part de la brune, bien enfouie ceci dit, dirait que ceci est mérité, suite à ce Stupéfix. Olivia la fait rapidement taire, ne voulant pas culpabiliser davantage.

Elle croise les bras contre sa poitrine et se retient d’imiter la posture d’Armel. L’eau ne coule pas encore dans la salle de bain mais elle ne s’en fait pas. Voir Nilhem partir avec des vêtements a déjà été un signe qu’Armel et elle ont réussi quelque chose. Petit pas par petit pas. « Boutique d’abord, manger ensuite et revoir la lumière du soleil… » Sa phrase reste en suspens et fait écho aux propres paroles du Zabini. Nilhem doit retrouver cette fameuse lumière pour affronter les autres sorciers. Affronter leurs regards, leurs paroles, leurs peut-être condoléances ou simplement leurs signes de la tête. Ce genre d’actions qui, si elles semblent anodines ou inoffensives, blessent plus qu’elles ne réconfortent. Et ce malgré toute la politesse du monde mise dans certaines. C’était ce que sa mère lui avait raconté à demi-mots, un soir où Olivia posait des questions sur son père. Rapidement, elle s’était forcée à dire merci à chaque sorcier lui présentant ses condoléances. Le tout, au lieu d’essayer de l’apaiser, remuait le couteau dans la plaie. Encore et encore. Comme si lui transmettre leur courage et lui dire qu’ils étaient désolés allait ramener son mari à la vie. Comme si la politesse allait changer grand-chose, en somme. Ces pensées, Olivia ne doute pas que Nilhem les penserait à un moment ou à un autre. Mais, comme Arthur Theodore et Georgia l’ont fait pour Marion, Armel et elle seraient là pour les effacer rapidement. Ils ne le laisseront pas tomber.

Le son de l’eau qui coule atteint leurs oreilles et Olivia ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire en coin. « Il faudrait faire durer cette séance d’essayage, quitte à lui faire essayer toutes sortes de tenues. » Tout pour lui changer les idées avant de devoir affronter les autres, pense-t-elle. Le regard d’Olivia croise celui d’Armel. Ils se comprennent, il n’y a aucun doute là-dessus. « Je connais un restaurant qui vient d’ouvrir, non loin de ta boutique d’ailleurs. Leur gâteau au chocolat est une tuerie. Il est situé dans une rue un peu cachée des regards, ce sera parfait. » Après tout, il est hors de question de faire déjeuner Nilhem dans l’un des restaurants les plus huppés d’Avalon. Ce serait le meilleur moyen de le faire retourner se planquer entre ces quatre murs.

Quelques instants plus tard, Nilhem réapparait devant eux. Habillé et requinqué, le Kark semble être un autre jeune homme. Bien loin de celui qui les a accueillis précédemment. Et même si sa tenue est désormais bien grande pour lui, force est de constater que Nilhem a laissé l’empreinte de son premier petit pas derrière lui alors qu’il demande le programme de la journée. Olivia laisse Armel lui exposer leurs plans, s’imaginant les pensées d’Armel face à un Kark flottant dans un ensemble Zabini. Le plus jeune de leur trio a, en fin de compte, réellement besoin d’un changement de garde-robe. Parfait.

Le programme expliqué, tous trois quittent le Château Kark en direction de leur première destination de la journée. Arrivés devant la devanture de la boutique Zabini, Olivia suit Armel sans un mot, un nouveau sourire sur son visage. Son territoire, ses règles. Et elle ne dira clairement pas non si elle peut se procurer une ou deux tenues dans la foulée. « Alors monsieur Zabini, par quoi commençons-nous ? » Son visage s'illumine et son ton est désormais plus léger. Olivia a hâte de commencer.

(13 mars 2047)

Trois mois se sont écoulés depuis notre dernière réunion entre Armel, Nilhem et moi, aux cabines d’essayages de la boutique d’Armel. Trois mois depuis qu’Armel et moi avions réussi à sortir Nilhem de sa chambre. Trois mois depuis le renouvellement d’une partie de sa garde-robe. Trois mois depuis cet après-midi qui, s’il lui avait permis de retrouver un peu le sourire, en avait assurément affiché un sur notre visage – tout en rajoutant deux tenues en plus dans ma garde-robe, merci Armel et ses créations superbes.

Trois mois. Sur le parchemin, cela semble être peu. Et pourtant, il s’en est passé des choses, l’événement le plus marquant ayant d’ailleurs été le naufrage du Manoir Kark. A cause de l’imprudence (et l’arrogance) d’Arutha Kark et de sa maudite soirée qui nous a tous portée malheur. Une nouvelle perte, encore plus importante pour Nilhem. Après ses grands-parents, son chez-lui. Mais cette fois, il ne s’était pas laissé abattre. Nous n’avions pas eu à concocter un pseudo-plan pour le sortir ou l’aider. Et encore moins pour lui changer sa garde-robe. Pire, c’était Nilhem en personne qui avait décidé de nous convoquer d’urgence sur ce sujet-là. Tout en gardant ses raisons secrètes.
Depuis le début de cette séance de shopping imprévue, j’essayais de comprendre les intentions du plus jeune de notre trio. Pourquoi Nilhem Kark, alors qu’il était loin d’apprécier les séances shopping de manière générale, en avait demandé une ? Et de toute urgence ? Si de prime abord je n’étais pas allée chercher plus loin que le côté pratique – évidemment qu’il a besoin de plus de vêtements, son Manoir a coulé et explosé dans le lac, il n’a pas encore tout racheté ! – le voir aussi mystérieux et aussi peu loquace malgré nos nombreuses questions m’avaient fait changer d’avis. Depuis quand ne craquait-il pas lorsqu’on le submergeait de questions, d’ailleurs ? Trop d’interrogations, peu de réponses, à mon grand désespoir.

Pour satisfaire au mieux à la fois le besoin de nouveaux vêtements et le vœu de silence du Kark, j’avais assisté Armel sur ses choix de tenues, ajoutant également quelques modèles à la pile. « Tu penses qu’il cherche à impressionner quelqu’un ? », avais-je demandé de but en blanc à Armel à un endroit du magasin où je savais que Nilhem ne pourrait pas nous entendre. « Il m’agace à être aussi mystérieux, il sait pourtant que je ne suis pas des plus patientes », rétorquais-je alors dans un petit rire. « Mais s’il croit que je vais le lâcher aussi facilement, il se trompe ! » Et tant pis s’il n’en pouvait plus. Nous l’avions depuis retrouvé avec une collections de vêtements différents (des hauts, des bas, costume, chemise, et cetera) et l’attendions, assis l’un à côté de l’autre, dans l’expectative.

Le rideau s’ouvre alors sur un Nilhem légèrement nerveux de présenter sa tenue. Par contraste cependant, je ne peux réprimer mon sourire : la tenue lui va comme un gant. « Elle te va à merveille cette chemise », dis-je sincèrement en l’observant sous toutes ses coutures. « Mais ta tenue complète manque un peu de couleurs je dirais. C’est chic et de très bon goût mais du blanc/beige associés à un costume classique restent deux couleurs bien trop sages. Un peu comme ta tenue, en vrai. Est-ce ton but Nilhem, d’avoir une tenue sage ? » Un sourire s’esquisse sur mon visage alors que je tente de capter le regard d’Armel, cherchant un soutien dans ma quête (et espérant surtout qu’il accepte ladite quête). Puisque la méthode directe en lui posant pléthore de questions n’a pas fonctionné, je m’essaye alors à une version plus subtile. Subtilité que le Kark n’a sûrement pas manquée, malgré son innocence et son lien avec le moment et non l’intention. Seulement, croire un instant que je n’allais pas continuer mon enquête serait mal me connaître. La cabine d’essayage avait simplement fait office de répit à mes yeux. Répit désormais terminé.

Face au coup d’œil amusé que me lance Armel lorsque, enfin, nous réussissons à attraper Nilhem la main dans le sac – il y a donc bien une fille ! – je ne peux réprimer un sourire mi-amusé mi-fier. Sourire que je cache tant bien que mal derrière ma main, avant qu’il ne soit remplacé par une expression de surprise un instant plus tard. Raconter ce que me font mes fiançailles ? La question m’étonne, mes sourcils se froncent légèrement et le rouge me monte aux joues. Nilhem choisit alors ce moment pour s’éclipser dans la cabine et se changer, sous les conseils d’Armel. Je croise le regard de ce dernier et hausse les épaules, étrangement muette. Sa requête n’est pas indécente après tout. Une information en échange d’une autre. Si répondre à sa question ne me dérange pas tant que ça – bien que je ne sois pas certaine de savoir quoi raconter exactement – je ne compte cependant pas émettre la même hypothèse concernant Armel. Le silence s’impose alors que Nilhem retrouve la cabine, sa cachette parfaite pour un moment pareil. Ignorant mes joues rouges, je roule des yeux et prends la parole, toujours assise dans l’un des fauteuils de la boutique. « Même si les fiançailles ne sont pas à l’ordre du jour, » pas encore du moins, pensé-je, sachant pertinemment que même si nous avons décidé de prendre notre temps, la suite logique nous pend au nez comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, « je ne sais pas quoi dire d’autre que tout se passe bien. Cette situation est encore trop récente pour en tirer quoi que ce soit de concret. » J’hausse les épaules, un sourire gêné se dessinant sur mon visage. Que puis-je ajouter d’autre ? Que, parfois, j’ai l’impression d’être sur un petit nuage ? Que d’autres fois par contre, je remets tout en question, y compris ces sentiments que j’ai, pendant si longtemps, gardés pour moi ? Je ne mens pourtant pas en disant que tout se passe bien et que nous prenons notre temps, à passer d’un statut d’amis à bien plus. Est-ce un signe que le petit nuage s’assombrit et que de l’orage est à prévoir ? Au bout seulement de quatre mois ? N’y a-t-il pas eu un article de Sorcière Hebdo disant sur sa couverture qu’une dispute de temps en temps n’est jamais trop mauvaise pour un couple ? Je ne sais plus. Nilhem réapparaît alors avec une nouvelle tenue pour me distraire. Est-qu’Armel a remarqué mon moment d’absence ? Allez savoir.

Le Kark, vêtu d’un nouveau pantalon, décide alors de lâcher un semblant d’information sur son grand secret. Nilhem nous confirme l’implication d’une demoiselle et d’un… Dîner ? « Tu vas l’inviter à dîner ? », rétorqué-je, mi-surprise, mi-fière de cette bribe d’information. Evidemment, je veux en savoir plus. Mais Nilhem m’ignore, continuant à suivre sa ligne directrice : pas plus d’informations tant qu’Armel n’a pas répondu à sa question. « Sinon, sans transitions, je préfère ce pantalon mais je ne suis pas contre te voir dans les autres tenues dans ta cabine. »  Sachant pertinemment que mon avis ne servirait pas tant qu’Armel n’aurait pas donné le sien – cela ne m’a pas échappé précédemment, Nilhem ayant surtout cherché un soutien et avis masculin pour l’instant – je me tourne vers ce dernier sans savoir quoi faire d’autre. « Pour le reste de ta requête, mis à part rajouter que les emplois du temps d’une avocate et d’un médicomage peuvent parfois avoir du mal à concorder, je ne vois pas quoi te répondre de plus pertinent à ce stade. » J’esquisse un sourire, toujours aussi gênée de cette condition sur Armel bien que je n’en fasse pas mention réellement. Rowena n’est certainement pas la jeune femme la plus facile pour qui éprouver des sentiments, avec son tempérament de feu pouvant en rebuter plus d’un. Alors lorsqu’il faut ajouter ses fiançailles à Hadrian à l’équation, la situation se complique encore plus.