once upon a time
2032 ~ Manoir Kark
La petite silhouette profitait de la pénombre pour se glisser parmi les ombres. Le bruit de ses pas était si léger que même le froissement de sa chemise de nuit se perdait dans l'écho indistinct des rumeurs de la demeure. Enfin, un raie de lumière s'infiltrant par une porte entrebâillée. L'enfant s'approcha, profitant de sa cachette naturelle pour observer ce qu'il se passait dans la chambre. D'autres courbes s'agitaient devant une coiffeuse. Esmé se préparait à aller se coucher, son corps seulement couvert par une nuisette de satin et son peignoir assorti. L'enfant était fascinée par ses gestes précis, méticuleux, par sa longue chevelure bouclée dont la couleur changeait au gré de ses envies. Elle ne pouvait qu'être happée par l'aura étrange qui émanait de cette femme, ni belle, ni quelconque. Unique.
" Je t'avais pourtant interdit de l'y emmener ! Tu m'entends, Mesmeria ? In-ter-dit " gronda furieusement une voix venue de la salle d'eau. Arutha Kark débarqua dans la chambre et par la même occasion, dans le champ de vision de la petite fille.
" Ose dire que tu en as quelque chose à faire. " répondit sa femme, imperturbable, ses doigts continuant à courir sur son visage afin d'en défaire les fards de la journée. La réplique ne se fit pas attendre. Son mari lui saisit le poignet, un cri de douleur envahissant la pièce.
" Tais-toi ! Continue comme ça et ... " Cri vite remplacé par un rire cynique.
" Et quoi ? Et bien, tu as perdu ta langue de vipère ? L'accord était clair. J'acceptais le mariage mais en échange, si je te donnais une fille, elle reprenait la place que tu m'as prise. C'est une chuchoteuse, elle doit s'imprégner tôt de ce monde auquel ton petit esprit étriqué ne comprend rien. " Le sujet de la conversation était redondant, un énième prétexte aux disputes que le couple affectionnait tant. Arutha beuglant et vociférant son mécontentement et Esmé, imperturbable, qui ne pouvait néanmoins s'empêcher de le provoquer. Il abandonna son poignet pour saisir sa crinière, la forçant à lever le menton vers lui.
" La place que je t'ai prise ? Dois-je te rappeler, sale catin, que je n'ai pas eu plus le choix que toi ? Tu crois vraiment que j'avais envie de partager la couche d'une sauvage, d'une espèce de gitane qui n'a de pur que le sang ? Continue à pleurer ton glorieux passé, le fait est que tu m'appartiens maintenant. Tout comme mes enfants. Tu es une Kark. Ce sont des Kark. Si je ne peux rien faire pour Scylla, je m'assurerai que Hélios ne porte pas la marque infâme de ta famille. " La respiration de la femme était précipitée. L'enfant crut même entendre une sorte de feulement s'échapper de ses lèvres déformées par la colère. Pourtant, elle rit. Encore.
" Après toutes ces années, tu essaies encore de m'impressionner. C'est touchant, Bébé Kark. " Elle tenta de se dégager. En vain.
" Mes enfants ne seront peut-être pas maîtres de leur destin, à notre image. Mais en ce qui me concerne, je m'assurerai qu'ils n'oublient jamais d'où ils viennent. Je m'assurerai que Scylla ne devienne pas ton ombre. " Il tira un peu plus fort, se penchant à son tour jusqu'à ce que leurs lèvres se frôlent. L'enfant ne dut qu'à sa concentration infinie de saisir ce qu'il lui chuchota.
" Elle n'est déjà qu'un pâle reflet de sa mère. Elle n'est rien. " Choquée, la petite fille recula. Malheureusement, elle se prit les pieds dans un tapis et termina sur les fesses. La porte de la chambre s'ouvrit à la volée sur l'homme furieux.
" Qu'est-ce que tu fais là, toi ?! Retourne dans ta chambre ! " Terrorisée, elle fut incapable de bouger d'un pouce. Arutha s'avançait, prêt à lui empoigner le bras. Ou à l'étrangler, allez savoir. Esmé débarqua au moment opportun, écartant son mari. Elle aida l'enfant à se relever, un peu trop brusquement, mais c'était déjà mieux qu'une gifle.
" Scylla ? Tu as entendu ton père ? Va te coucher. " Ladite Scylla opina distraitement avant de filer sans demander son reste.
Pour la première fois, elle venait de comprendre que son père la détestait.
Et qu'elle ne serait jamais libre.
Tout son destin avait déjà été tracé pour elle, façonné par les représentants d'une société, unis malgré leur différence. La guerre de tranchée qu'était le couple de ses parents utilisait ses jumeaux pour se répartir un ersatz de domination sur l'autre. Aucun ne voulait céder trop de terrain, tout en laissant une certaine marge de manoeuvre. Cependant, cela, elle le réaliserait bien plus tard. Et devrait s'en accommoder.
Pour l'instant, elle avait seulement mal au coeur.
" Psssst ... " Elle tourna la tête vers celui qui l'avait apostrophé. Une paire d'yeux dépassait d'une autre porte ouverte.
" Tu viens dormir avec moi ? " Scylla esquissa son premier sourire enfantin de la soirée. Un sourire que son jumeau lui rendit. Elle acquiesça vivement et le rejoignit dans sa chambre. L'instant d'après, elle se pelotonnait sous les draps à côté de lui.
" Papa t'a encore disputé ? " Nouveau hochement de tête.
" Tu sais que tu dois pas y aller, hein ... Regarder maman. Les écouter. C'est pas bien. " Un reniflement. La gamine pleurait. Hélios la serra contre lui.
" Papa m'aime pas. " Le garçon ne sut que répondre.
" Mais toi tu m'aimes, dis ? " Il l'enlaça un peu plus.
" Bien sûr. Pour toujours. " Sur ses mots réconfortants, elle laissa les larmes couler et finit par s'endormir, entre rêves et cauchemars.
2034 ~ Ecole de sorcellerie de Poudlard
La table rouge et or résonna de la clameur de ses élèves. Bien droite sur l'estrade, comme les autres première année en attente d'être répartis, Scylla déglutit avec peine. Hélios venait d'être envoyé, à la surprise générale, chez les Gryffondors. Lui à qui son père avait martelé les onze premières années de sa vie la supériorité des Serpentards avait, pour la première, déçu ses attentes. Néanmoins, ce n'était pas à ça que la toute jeune fille pensait en cet instant. Elle craignait pour son sort, pour le leur. Qu'arriverait-il s'ils étaient séparés ? Ils ne l'avaient jamais été. Pire, que se passerait-il si elle le suivait ? Sa mère avait été une Gryffondor, ses oncles également ... Les craintes contradictoires se succédaient dans son esprit, givrant ses pensées déjà endolories par la découverte du Château.
" Scylla Kark ! " Comme extirpée d'un rêve, elle s'avança. Le vieux Choixpeau lui tomba sur le nez. Elle trouva qu'il sentait un peu mauvais et qu'il aurait été bon de le sortir un peu plus d'une fois par an. Une voix se mit à rire. Sur son crâne. Elle frissonna.
" Déjà impertinente. Eh bien, jeune Kark, tu nous en promets. " Elle devint cramoisie.
" N'aie pas honte, voyons. Je sais d'où tu viens et ce que tu crois devoir penser, cependant, un peu d'audace peut également s'avérer une qualité. Bien, voyons ce que nous avons là ... " L'objet sembla réfléchir.
" Tu ne manques pas de bravoure ni d'abnégation, c'est certain. Ta curiosité dans certains domaines est aussi évidente, ainsi que ta loyauté. Néanmoins, sous cette timidité, je sens une grande détermination, de l'ambition, de la ruse également ... Tu es un peu endormie, Scylla Kark. Mais aucun doute, tu auras bel et bien ta place auprès des Serpentards ! " La sentence, irrévocable, résonna dans la grande salle, lui vrillant les tempes. La masse enlevée, elle marcha, hébétée, jusqu'à la tablée gigantesque où ses nouveaux camarades l'accueillirent avec la même ferveur que leurs rivaux l'avaient fait avec son jumeau. Compter un Kark, fille ou garçon, dans ses rangs, était toujours un petit avantage de plus que toute Maison se voulait. Prestige du nom. Elle garda la tête haute malgré son appréhension tentant un sourire qui tomba légèrement de travers. Son premier réflexe fut de chercher un visage amical. Elle s'assit aux côtés de Varian Dolohov. Elle l'aimait bien. Il était peu loquace, plutôt solitaire, mais toujours gentil avec elle. Elle lui adressa un sourire avant d'embrasser la Grande Salle du regard. Ses prunelles croisèrent les milliers de petits détails qui feraient désormais son quotidien telle que la multitude de visages, les murs, les candélabres flottant, la nourriture ... Elle s'arrêta sur les traits familiers de son frère. Il avait l'air contrit. Inquiet. Pour elle, bien sûr. L'enfant fragile, la petite soeur qui se réfugiait encore dans son lit et pleurait si souvent à la plus petite remontrance. Que ferait-elle sans lui ? Comment survivrait-elle à la jungle du monde sorcier ? Elle dévoila une rangée de dents blanches, ses poumons s'emplissant soudain d'un air revigorant, comme si elle respirait pour la première fois.
" Tout va bien. " mima-t-elle de ses lèvres.
Elle y croyait.
Tout se passerait bien.
Elle était une Kark.
Elle était une chuchoteuse.
Elle dompterait bientôt de terribles créatures.
Elle pouvait bien survivre à Poudlard.
Elle se tourna vers Varian, une flamme malicieuse qu'on ne lui connaissait pas embrasant ses prunelles.
" Qu'est-ce que tu penses du fait qu'on pourrait devenir quelqu'un, dès maintenant ? " Face à sa mine perplexe, elle répondit d'un ton enjoué.
" Moi, ça me dit bien. " Sur ces mots, elle détacha un bout de gâteau à la citrouille et l'engloutit avec une certaine classe. Ce n'était pas parce qu'elle commençait à se découvrir une pensée propre qu'il fallait en oublier les convenances enseignées par Tante Callie.
2041 ~ Cirque Sorcier du "Chimeria Horror Show"
" Tu n'es pas concentrée. " lâcha Esmé Kark d'un air absent, alors que la jeune fille de dix-huit ans venait de rater de peu de se rompre le cou après une chute de près de cinquante mètres en hauteur. La rousse se remit prestement sur ses jambes.
" Et vous ? " Sa mère leva les yeux de son magazine de mode sorcière. Si Scylla n'était pas concentrée, son aînée, elle, paraissait encore moins concernée. Un infime sourire apparut pourtant sur ses lèvres.
" Ton pied a dérivé légèrement sur la gauche et tu as perdu ton appui. Voilà pourquoi tu es tombée. Le vide n'est qu'une plateforme de jeu pour toi, ne l'oublie pas. En-dehors de lui et de ce fil que tu dois suivre, rien d'autre n'existe. " Scylla acquiesça. Elle connaissait toutes ses phrases, tous ses conseils par cœur.
" Aux cages, maintenant. " Esmé se leva à son tour. Elle tanguait légèrement. Ce n'était pas la première fois qu'elle la voyait dans cet état. La poudre de lune ne devait pas y être étrangère. Ou le whisky pur-feu. Allez savoir ce qu'elle avait eu à portée ce jour-là. Néanmoins, Scylla la suivit. Elle connaissait chaque recoin du Cirque par coeur, depuis le temps qu'elle y venait et y déambulait afin de s'entraîner. Les coulisses n'avaient aucun secret pour elle. Quant aux domaines des Créatures, elle commençait à le considérer comme le sien, malgré son jeune âge. Elle était à peine majeure et terriblement peu expérimentée. Pourtant, elle s'approcha des grilles sans hésitation.
Elle se rappelait sa première visite, lorsque sa mère lui avait présenté le cerbère à deux têtes, le très vieil hybride qui lui servirait de compagnon - et de cobaye - dans l'existence qui l'attendait. Elle avait tout simplement été terrorisée. Il avait fallu qu'Esmé la tienne fermement et lui explique qu'elle n'avait qu'un pas à faire, qu'elle devait au moins essayer. Qu'elle ne le savait pas encore mais qu'elle était
faite pour ça. Pour lui. Pour tous les autres Fauves qui suivraient. Chimères, cerbères ou hippogriffes, elle en serait la maîtresse. A neuf ans, le discours, aussi enflammé et convaincu fut-il, lui était légèrement passé au-dessus de la tête.
Désormais, elle comprenait ce qu'elle avait voulu dire, pourquoi elle avait tant insisté. Elle passa sa main dans l'encolure sombre de la Bête allongée sur le flanc. Une sorte de lion à tête d'aigle. Informe. Difforme. Magnifique. Cette Chose avait été un moldu autrefois, elle le savait. Et cela ne lui paraissait ni tragique, ni insupportable, ni ... Rien. Ce n'était qu'un moldu. Il avait trouvé son utilité dans cette société comme d'autres le faisaient en tant que domestiques ou en descendant à la mine.
" Réveille-toi. " murmura-t-elle contre son bec. La Bête s'ébroua en piaffant. Elle ressentit son demi-sommeil, ainsi que sa faim. Elle sourit. Tournant la tête à la recherche de son auge, elle croisa les prunelles voilées d'Esmé. Elle semblait émue.
" Maman ? Tout va bien ? " Son interlocutrice se reprit, réajustant son masque de bonne humeur.
" Parfaitement. J'avais espéré que nous en arrivions là, au moment opportun. " " Je ne suis pas sûre de comprendre. " Esmé la rejoignit dans la cage.
" Tu as eu dix-huit ans. La tradition veut que les Dresseurs se séparent de leur mentor à cet âge. Et qu'ils organisent leur première représentation. " La jeune fille pâlit.
" Maman ... " Une espèce de couinement. Elle s'en voulut de son manque de réserve. Elle était adulte à présent, elle ne pouvait plus se laisser aller de la sorte.
" Tout se passera bien, tu verras. Thanatos s'occupera de toi, ainsi que tous les autres. Ils t'apprendront à briller. Voire bien davantage. " Ce dernier mot provoqua un renfrognement chez Scylla, lequel n'échappa pas à sa mère.
" Je sais ce que tu penses et à qui tu penses. Cette existence n'est pas banale. Tu as un rôle à tenir en tant que fille Kark, ainsi qu'un autre, très différent, auprès de ce Cirque. Ce sera compliqué. Mais tu réussiras. Garde à l'esprit que tu es également ma fille. " Elle n'eut pas besoin d'expliciter, la rousse savait très bien où elle voulait en venir. C'était sa mère qui avait déchainé les terribles créatures qui avaient constitué l'une des étapes cruciales du projet Filet du Diable. C'était son grand-père, son oncle et Esmé, encore, qui avaient négocié, rusé, lutté pour que le Chimeria se murmure sur toutes les lèvres, ne soient plus seulement synonyme de passe-temps pour petits basiques et sang-de-bourbe en mal de sensations. Ils avaient donné leur sang pour une Faction qui, bien que dissoute dans une certaine mesure, transpirait encore son pouvoir aujourd'hui. Son père avait beau arguer, depuis toujours, la vanité de leur entreprise, moquer leur nom et leur héritage, il n'avait jamais pu effacer tout cela, expliquant en grande partie son aigreur coutumière. Le fait qu'il la détesta, elle, sa propre descendance. Qu'il lui préféra Hélios, le brave, le duelliste prometteur devant qui bien des filles se pâmaient. Hélios n'avait hérité que du sang des Selwyn, pas du fardeau de sa soeur. Il avait eu les encouragements d'Arutha Kark, l'attention de Mervyn en tant que potentiel héritier légitime. Tout. Absolument tout. Pourtant, son frère avait son propre combat à mener, elle en était consciente. Voilà pourquoi elle ne parvenait pas à lui en vouloir. Pourquoi elle l'aimait sincèrement, profondément.
" Maman, est-ce que vous l'avez aimé ? " osa-t-elle soudain. Trop vive pour rattraper son audace. Elle se flagella aussitôt. On ne demandait pas ce genre de choses ! Chacun savait que les Sang-Pur ne se mariaient pas par bons sentiments, le plus souvent par volonté d'assoir sa domination totale, sa puissance sur le monde.
" Pourquoi parles-tu au passé ? " La réponse la surprit. Elle fronça légèrement les sourcils, incrédule. Elle ne s'y attendait pas.
" Je ... Je pensais ... " Sa mère la fit taire d'un revers de la main.
" Qu'importe. As-tu réfléchi à ton nom de scène ? " Encore quelque peu désorientée, elle mit un moment à balbutier :
" Le ... Le Cygne Pâle. " Sa mère avait été
Black Swan. Le Cygne Noir. Et Arutha avait affirmé, un jour, qu'elle n'en était que son pâle reflet. Esmé tiqua.
" Selon Histoires et légendes magiques de Roberta Dufondutonneau, bien avant la mise en place du secret magique, il serait venu sur notre Terre quatre cavaliers. Des sorciers possédant chacun un don qui le distinguaient de ses pairs. Leur mission aurait été de trier les âmes, de séparer les justes, les méritants, des infâmes. La première purge moldue, en somme. Le Cavalier Pâle avait pour tâche d'attaquer l'esprit des âmes, de semer maladie et mort ... " expliqua Scylla d'un air absent, l'esprit disparu dans l'imaginaire des mythes. Esmé esquissa un nouveau sourire en coin. L'extermination des moldus était peut-être terminée, les sorciers avaient peut-être accompli leur plus beau dessein, elle acceptait son héritage. Ses héritages. L'oiseau déployait ses ailes, prêt à prendre son envol mortifère. Elle avait mué depuis ce premier jour à Poudlard, elle s'était réveillée. Pâle reflet, ombre suivant des pas déjà tracés par ses pairs ... Elle était tout ça. Et bien plus encore. Si elle ne pouvait pas s'éloigner du chemin, elle pouvait l'édulcorer, le transcender. Elle y parviendrait. Elle ne savait pas quand, en revanche, elle savait comment. Cela débuterait par le Chimeria, malgré la petite voix dans son esprit, aux étranges accents de celle de son père, qui lui murmurait qu'elle se fourvoyait, qu'elle se salissait. Son instinct était plus fort, plus prégnant. Lui aussi transcendait tout le reste.
" La majesté de la terreur. Excellent choix. " Sa fille lui rendit son sourire. Le Fauve se mit à ronronner sous la caresse de ses doigts. Finalement, elle était prête.
2045 ~ Manoir Kark d'Avalon
Les Lagides avaient été invités pour le dîner. Rien de plus normal, en cette chaude journée d'août, que de convier la famille du fiancé de l'une de leurs héritières. Cela renforçait l'alliance entre les deux puissances, augurait l'avenir qui attendait Scylla et Saïmen. Néanmoins, alors que l'horloge sonnait vingt et une heures pile et que le dessert fondait entre leurs lèvres, les plus âgés s'étaient soudain animés. Redressés. Tels des pantins laissés à l'abandon que leur propriétaire aurait sorti d'une vieille malle. Esmé avait passé une main sur son flanc, son regard cherchant celui de son mari. Arutha avait porté la main à son avant-bras de manière succincte. Césarion et Sonja Lagides s'étaient observés de la même étrange manière, sous l’œillade inquisitrice de leurs enfants.
" Nous prendrons le digestif à l'extérieur. " s'exclama soudain Arutha, à la surprise commune. La quarantaine passée et il trouvait encore le moyen de mettre son assemblée mal à l'aise avec ses débordements d'émotion malvenus. Se raclant la gorge, il reprit :
" Laissons donc les jeunes gens entre eux, qu'en pensez-vous ? " Les aînés acquiescèrent, préférant cette formulation. Quelques minutes plus tard, la porte se refermait derrière l'escorte de Mangemorts et le craquement caractéristique du transplanage résonna au-delà des runes de protection.
Tic tac faisait toujours l'horloge, sa course indifférente aux derniers événements. Ambiance. Scylla se tourna finalement vers Hélios.
" Je pense que je n'ai pas tout à fait compris. " Son jumeau haussa les épaules. Elle tenta auprès de Saïmen. Le métisse eut la même réaction, avant de proposer à son futur beau-frère d'oublier cette bizarrerie au profit d'un tour par la bibliothèque où était dissimulé un alcool bien plus intéressant que le vin pétillant qui leur avait été proposé durant le repas.
Le deux septembre deux mille quarante-cinq, huit jours exactement après cette scène venue d'un autre monde, tous trois reçurent leur propre Marque des Ténèbres.
Tic tacL'horloge continue sa course, indifférente aux troubles.
Aux troubles qui s'annoncent.
Tic.Tac.Boom ?