Echo était plus proche des trente que des vingt ans (et quel drame c’était alors !) quand elle avait accepté, enfin, d’épouser Eric, son fiancé depuis toujours, et de lui faire un enfant, un petit sang-pur (en échange d’une promesse de fidélité, parce que nom d’une paire de talons aiguilles, elle ne pouvait décemment pas être mariée à un homme qui courait après la première miss météo venue, et forcément moins élégante qu’elle). Ça lui avait coûté une fortune en mascara super-waterproof, la fin de sa carrière dans le mannequinat, des envies furieuses de jus de citrouille, des angoisses terribles de ne pas savoir comment s’y prendre ou de rester avec un corps difforme post-partum,  des peurs plus intenses encore par rapport à la guerre civile, pour ce petit être qui pourtant menaçait de la marquer à vie à coups de vergetures.

Ca avait finalement été une réussite incontestable. Par-dessus les larmes menaçant constamment un trait d’eye-liner parfait ou les cris, ça avait été une déferlante d’amour. Pour Armel d’abord, l’aîné de toute la fratrie – lui porte le nom de maman, Zabini. Pour Nikita (Nicki), Alix, Ronan, Sonny ; et peu importe qu’eux portent le nom de papa, Lancaster. Et pour la petite dernière peut-être plus encore (Abegail), parce qu’enfin, Echo aurait une petite miss à qui transmettre tous ses talents dans l’art d’avoir une apparence parfaite, deux ou trois tours de morue et  comment éliminer toutes ses concurrentes à coups de talons (très) hauts. Ca avait été depuis le tout début beaucoup d’amour. Conjugué à la nécessité absolue de rester au top, de garder son cher et tendre sous le coude, d’élever leurs enfants selon la parfaite tradition sang-pur, et aux sanglants aléas politiques. Qui l’eût cru ?

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« Vingt minutes ! Nos invités arrivent dans vingt minutes ! Et vous jouez comme des petits vauriens dehors ! VINGT MINUTES ! Alix, Sonny, à la douche illico presto ! Vous avez intérêts à être parfaits quand vos cousines arriveront ou vous risquez de vous en souvenir, jeunes gens ! Ronan, tes chaussures sont dégoûtantes, dépêche-toi d’en changer ! Je rêve ! » Nick et Armel sont déjà assis sur une chaise, interdits de bouger ne serait-ce qu’un doigt de pied. Echo est déjà, et encore et toujours, impeccable. Eric a couru se changer avant que la tornade n’arrive, il reste à l’écart dans la pièce, les mains sagement enfouies au fond des poches d’un pantalon évidemment taillé sur mesure. Il se retient d’éclater de rire en voyant ses gamins (grands, déjà ! Armel et Nikita sont déjà majeurs !) prêts à passer à la casserole. C’est finalement Nick qui pouffe en premier bruyamment, tout de suite imité par son ainé. « Ca vous fait rire ? – Non Ronan pas les bleues, les noires ! » Elle les assassine du regard, se rapproche en faisant claquer ses talons vertigineux, toujours très élégants. « Par Merlin, tu es coiffé n’importe comment » Elle ébouriffe les cheveux d’Armel qui n’a nullement son mot à dire : ni quand il était enfant, ni quand il est parti à Poudlard loin de ses parents, ni maintenant officiellement majeur – ni jamais. Si maman estime que tes cheveux ne ressemblent à rien, tu écoutes et tu te laisses faire. Il grogne pour la forme avant qu’Echo n’ajuste son col puis enfin aille plutôt s’occuper de son frère. « C’est bien la peine que je me saigne pour que vous soyez si beaux si vous saccagez tout en un claquement de doigts ! » « C’est papa qui a eu l’idée ! » Une petite voix innocente s’élève du haut des escaliers et Ronan descend l’air de rien. Très propre, changé, mais Echo le passera tout de même en revue. Comme à l’armée ! « Eric ! Dis quelque chose ! » Le concerné hausse les épaules alors que sa chère et tendre se retourne vivement face à lui. « Ils ont trouvé ce nouveau jeu tous seuls comme des grands. J’ai tout fait pour les arrêter avant que ça ne se termine dans la boue, maaaais… » Elle lève les yeux au ciel sans trouver quoi répondre dans l’immédiat. Elle râle très fort – pour la forme. Elle n’est jamais vraiment en colère contre ses enfants (jamais tout court), et avec six garçons, six hommes bientôt, en tout à la maison, elle y est habituée. « Surveille ta fille plutôt, j’ai mis une éternité à la coiffer comme ça »


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4 septembre 2045

Xzenia avait quitté l’Angleterre depuis des années. Aussi loin qu’Armel s’en souvienne, il l’avait toujours connue voyageant au gré du vent, travaillant à droite ou à gauche. Elle était un peu l’exception de la famille, une aventurière en talons hauts, bien loin du feu des projecteurs. Et pourtant, sa tante, et marraine par la même occasion, avait cette aisance dans la communication, cette douceur dans la voix.

« Ils sont passés où, tes frangins ? »
Alix, Ronan et Sonny sont bien évidemment à Poudlard. Abegail a fait sa toute première rentrée l’avant-veille (au grand désespoir d’Echo, qui une fois de plus, avait alors mis son mascara à rude épreuve).
« Je crois qu’Alix bosse. Et Nick est allé se coucher, il était bizarre. »

Il commence à être tard mais le fond de l’air est encore bon, alors lui profite de l’immense jardin. La maison est toujours bizarrement calme, après chaque rentrée, depuis que lui en a fini avec Poudlard. Elle parait loin déjà, cette époque, où maman lui rappelait de faire attention à ses fréquentations, à ce qu’il mangeait, qu’il était important de bien travailler et d’obtenir de bonnes notes. Maintenant, c’est à lui de conjuguer. Alix (le troisième des garçons) s’est lancé dans la Médicomagie (à la grande fierté de maman, pourvu qu’il continue d’entretenir son physique !), Nick a plutôt choisi la facilité en suivant papa (il est l’aîné Lancaster après tout, mais il n’empêche qu’il fait la plupart du temps un beau glandeur). Armel, lui, n’a pas trop d’autre choix que de cravacher – c’est son grand-père qui décide pour le côté Zabini.

« Et toi, la nuit t’inspire, tout ça, ce genre de chose. (Elle rit doucement) Viens voir un peu tes dessins ? » Sur quelques parchemins reliés en un carnet, des croquis, esquisses, gribouillages, en couleurs. Elle fait quelques commentaires et le redépose sur la table du jardin. « Moi, j’aime bien. Et le patriarche, il en pense quoi ? » Elle a toujours beaucoup d’humour. Lui n’oserait jamais appeler son grand-père comme ça (il le respecte bien trop… quant à ses frères, ils en ont plutôt la trouille). « Disons qu’il me corrige. Le magasin ouvre bientôt, il me laisse tout commander du début à la fin tu sais, alors c’est une chose après l’autre. » « Tu vas pouvoir relooker plein de jolies petites sang-pur en détresse, et des plus vieilles pleines de gallions. Elles vont t’adorer et te trouver beau comme tout, tu vas voir. » Elle rit à nouveau doucement. « Je suis certaine qu’il va se faire un plaisir de t’apprendre tout ce qu’il sait. C’est toi, le bébé Zabini de toute la bande. » Elle lui arrache un sourire discret. « Ca te fait peur ? » « Non, j’aime ce que je fais, j’ai une montagne d’idées et pas assez de temps pour toutes les mettre en œuvre maintenant… » « Et puis ta mère ne te laissera jamais dans la bouse quoi qu’il arrive. » « Evidemment, mais j’ai pas envie que ce soit ma mère qui me donne un nom, qui fasse qu’un jour quelqu’un apprécie des vêtements que j’aurais créés, tu vois ? »

La transition se fait d’un coup sec alors qu’il relève la manche gauche de son pull léger. La Marque des Ténèbres y a été apposée pas plus tard qu’avant-hier :

« C’est plus ça qui me… » « Fait bizarre ? » « C’est ça. J’ai besoin de m’y habituer. » Ses parents ont répondu présents immédiatement : Echo a trouvé avec la maternité la rage de se battre pour protéger ses enfants. Lui et Nick aussi. N’ont pas trop eu le choix, ne se sont même pas posé de question : ils sont des Mangemorts.
Un silence s’installe, Xzenia cherche tranquillement ses mots et pose une main rassurante sur son genou. « C’est normal. Tu connais rien de tout ça, sinon ce qu’on t’a raconté. T’étais encore une crevette quand la paix est revenue – je te rappelle que ta mère était enceinte, énorme, elle avait la trouille pour toi et c’est moi qui suis restée auprès d’elle jusqu’en Italie. » Une pause rapide. Il n’a rien à répondre à ça (c’est vrai, de la guerre et de la politique, Echo l’en a toujours protégé : et maintenant, ça se concrétise). « Mon père a fait la grande bataille de Poudlard, comme tu le sais. Ma mère y a perdu la vie. Papa a toujours défendu ces valeurs haut et fort. Ta mère aussi. » « Et toi ? » « Et moi, à ton âge, je me posais surtout beaucoup de questions. Est-ce que c’était vraiment utile, toutes ces histoires ? Est-ce que moi, je voulais vraiment me battre pour notre suprématie ? Est-ce que le monde ne pouvait pas fonctionner un peu différemment ? Est-ce qu’on ne pouvait pas atténuer un peu ces notions de hiérarchisation de la société, est-ce que ça n’épargnerait pas un peu de sang versé ? » Elle lève les yeux au ciel, perdue dans ses pensées. « Et finalement j’ai fait le choix de défendre ma famille. C’est avec une société bien rangée que tout peu à peu près tourner, pas trop mal. Si tu laisses le choix aux gens, si tu leur laisse penser qu’ils pourraient avoir le choix, personne ne s’entend, c’est la guerre. Il y a, dehors, des espèces de fous furieux prêts à descendre toute ma famille au nom d’idées. Je peux pas l’envisager. Et vous, vous êtes un véritable clan. On est un clan. Le jour où tu verras concrètement la menace peser que ta mère, ton père, tes frères ou ta soeur, tu ne réfléchiras même pas. C'est ça qui fera que tu défendras vraiment cette marque. »

Paroles qui s'avéreront étrangement véridiques sur la place d'Avalon, plus tard. Les terroristes frapperont au moment de l'exécution, et la peur acide d'avoir perdu Nick (son frère, Lancaster de frère, mais ils sont pourtant inséparables) achèvera de le convaincre. Quitte à devoir apprendre à correctement se salir les mains et peu importe la peur au fond du ventre à l'idée de se battre vraiment. Hors de question de laisser les siens en danger ou des terroristes noircir leur tableau.