Il n’y a bien de remarquable, dans la vie de Salomé Yaxley – ni même dans la famille Yaxley elle-même, si ce n’est cette obscure histoire de malédiction qui colle à leur nom plus sûrement que la morbinite à un sang-mêlé.

Ce qui est bien la faute de leur arrière-arrière-arrière-(…)-grand-père insulteur de sorcière sud-américaine et que tous aiment bien maudire, de temps à autre, lorsqu’une quelconque entreprise échoue. Ou encore lorsque Daniel Yaxley trébuche sur les vingt paires de souliers à talons hauts amassés dans le hall du manoir d’Avalon. Parce que c’est bien de la faute de cet arrière-arrière-(…)-grand-père insulter de sorcière sud-américaine, ce pauvre Agritus dont le portrait a été ravagé par les Phénix en l’an 2022, si Daniel est le seul garçon de sa lignée et que lui-même a donné naissance à un seul garçon, tout ceci pour quatre filles. Quatre superbes filles, évidemment ! Délicates et gracieuses, entêtées et boudeuses, charmantes et rusées, malicieuses et rieuses, toutes à leur manière, mais aucune capable de transmettre le noble nom de Yaxley, porteur à la fois d’un sang pur depuis aussi loin que leur arbre généalogique puisse remonter et d’une tradition Mangemort sans failles, depuis que Pollux Yaxley en soit devenu un, dans les années 1970, rejoignant les glorieux rangs de Lord Voldemort dès ses débuts. On ne pourra pas dire que malédiction ou non, il n’a pas eu de flair. Puisqu’aujourd’hui, malédiction ou non, les Yaxley sont toujours là.

Salomé est née à Pré-au-Lard, petite dernière de la famille fondée par Daniel et Cedrella Yaxley. Elle n’a toujours eu que peu conscience de l’étrange état de siège dans lequel ils vivaient, n’ayant connu que cela – les sept années qui suivirent sa naissance furent surtout noyées sous les attentions de ses sœurs, satisfaites de pouvoir couver une nouvelle poupée, et les jeux avec les autres fillettes de sang pur nées au cœur du village mangemort. Son père était peu présent, mais la présence constante de sa fratrie comblait tous ses besoins, et elle comprit uniquement lorsqu’elle entama des cours d’Histoire de la Magie à Poudlard que son père était absent puisque, comme tous les Mangemorts, il préparait la revanche.

Du projet Filet du Diable, elle n’a également aucun souvenir, sauf celui, heureux, satisfaisant, que toute la famille a déménagé dans une nouvelle maison, encore plus somptueuse. Que leur vieil elfe de maison a un jour été remplacé par deux domestiques auxquels elle n’avait pas le droit d’adresser la parole, encore moins de les toucher, étrangement dépourvus de magie. Puis, somme toute, que tout le monde était bien mieux. N’est-ce pas ?

La voie tracée pour Salomé, sans heurts et surtout sans aucune réflexion nécessaire, ne l’a jamais vraiment dérangée. Elle n’hériterait jamais de rien, tout était pour son seul frère. Elle n’avait pas besoin de briguer un poste important au Ministère, ni de faire un glorieux mariage avec l’une des familles les plus en vue. Tout ceci, c’était pour ses aînées et son aîné. Alors, gamine au prénom d’ensorceleuse et aux épaules délestées de presque toute pression, elle se contenta de faire un peu tout ce qu’elle désirait. Elle fut répartie à Poufsouffle sans qu’on s’en offusque ; elle mena une scolarité moyenne sans qu’on s’en formalise ; elle décida de chanter sans qu’on prenne cela trop au sérieux. Position confortable que celle de petite dernière, assurément. Son entourage se constituait de tant d’autres sorciers de son sang, elle a toujours été d’une sagesse convenable, et il n’y a jamais eu à s’inquiéter de quoi que ce soit à son sujet. La sorcière, à sa sortie de l’école de sorcellerie, entra au Ministère de la Magie, prenant un poste de stagiaire au sein d’une division de la Justice magique, département qu’a un jour mené le grand-père qu’elle n’a jamais connu. Puis, comme loisir, comme fantaisie, comme rêve si proche d’être atteint, elle décida également de chanter. Non, elle n’espérait pas plus. On ne lui a pas enseigné à espérer plus.

Jusqu’à ce qu’on lui colle des fiançailles dans les pattes. Les plus inattendues, celles auxquelles elle a bredouillé un assentiment timide et abasourdi, celles qu’elle ne sait pas encore comment aborder, celles qui génèrent la tendre pitié de ses amies et son effroi progressif, alors que la date de l’union se rapproche de jour en jour, inexorable.

Jusqu’à ce qu’un jour, au début de septembre 2045, elle reçoive la Marque des Ténèbres de la baguette du Ministre de la Magie, l’aussi terrifiant que respectable Mervyn Kark. Parce qu’elle est une Yaxley, fille de Daniel, petite-fille de Pollux. Parce qu’en elle coule le sang pur des victorieux et qu’il est maintenant à son tour de prouver qu’elle est digne de ce sang et de ce rang.