« Tire-toi ! »

L’injonction de Colin avait échoué à faire réagir Arthus. Après toutes ces années à se cacher et à fuir, les « méchants » les avaient finalement rattrapés. Ils ne les avaient pas encore trouvés, Colin et lui, mais ca ne saurait tarder, et Merlin seul savait ce qu’ils leur ferait quand ils les auraient eu.
Arthus ne savait pas trop qui lui faisait le plus peur : sa tante, qu’il avait rapidement aperçue dans leur fuite et qui avait une expression inquiétante ; son cousin qui avait tué des Moldus revenant des champs, qui les avaient gênés dans leur poursuite ; ou son grand-père dont le père d’Arthus avait peint un portrait terrifiant. Arthus était adulte, mais le grand méchant loup laissait parfois des traces tenaces…

***

Arthus savait qu’il n’était pas né en Amérique du Sud, où il avait pourtant passé l’essentiel de sa vie.
Il était né en Angleterre, avant que ses parents ne décident de fuir un gouvernement qu’ils ne reconnaissaient plus et une famille apparemment peu aimante. Mais il ne gardait aucun souvenir de son pays de naissance. Les premières images de sa vie étaient pleines de forêts tropicales, de contreforts montagneux, de couleur et de chaleur. Elles étaient également peuplées de ses parents, et surtout de Colin, de six ans son aîné, son frère, son meilleur ami. Presque son héros.
Si Tom et Nora leur avaient enseigné la magie, l’histoire - leur histoire - , les bonnes manières - quand même un peu - et comment survivre dans leur nouveau monde, c’était Colin qui lui avait enseigné la vie, d’une certaine manière.
D’aussi loin qu’Arthus se souvenait, Colin avait toujours été là. Que ce soit pour veiller sur lui ou pour lui apprendre à grimper aux arbres, voler sur un balai, courir après les singes des montagnes, boire ou draguer les filles.

Il se souvenait également du jour où ils étaient aller chercher sa baguette. Attachés à une obscure tradition britannique, Tom et Nora avaient attendu les 11 ans d'Arthus. Ils vivaient alors au nord du Chili, à quelques kilomètres d’une ville nommée Calama. Tom s’était renseigné et avait appris que le meilleur fabricant de baguette de la région, Rodrigo Munoz, avait installé son atelier dans les contreforts des Andes.
Ils avaient alors entreprit une randonnée, presque un voyage initiatique, jusqu’à l’endroit où vivait Munoz. Pour l’enfant qu’il était, le vieux fabricant était terrifiant, avec sa barbe blanche immense, ses yeux noirs au milieu d’un monticules de rides, un chapeau chilien râpé… Après l’avoir interrogé sur leur randonnée, Munoz l’avait regardé pendant un long moment avant de marmonner on ne savait quoi dans un espagnol inintelligible. Finalement, il avait sorti un étui, dont il avait extrait une baguette, et l’avait tendue à Arthus. Ce dernier avait hésité avant de s’en emparer, et il avait finalement fallu que Rodrigo la lui mette dans la main. La baguette avait alors joyeusement crépité.
C’était cette même baguette qu’il serrait dans sa main, vaguement levée dans la direction qu’ils avaient suivis. Elle ne lui avait jamais fait défaut, même quand il avait fallu lutter contre sa propre famille, un instant plus tôt. Il faut dire qu’il ne les portait pas vraiment dans son coeur…

Le temps avait passé. Ils avaient déménagé souvent, afin d’échapper aux investigations des Macnair, à la recherche de leur héritier - lui. Avec le temps, Tom avait été plus précis dans les descriptions des membres de leur famille, mais dans l’esprit d’Arthus, Rogan Macnair avait toujours été un croquemitaine épouvantable, et aucun membre de leur famille ne rattrapait sa méchanceté. A part peut-être cette tante, la soeur de Tom, à laquelle il avait été visiblement très attaché. Mais elle n’en restait pas moins dangereuse - mais c'était surtout Nora qui avait forcé le trait, concernant Brooke.

Et puis 2045 était arrivé, accompagné d’une rumeur de plus en plus sérieuse de la renaissance de ce fameux Ordre du Phénix, celui que vénérait Tom et pour lequel il avait tout risqué. L’Ordre et ses idéaux. L’Ordre et la promesse d’une grande aventure. Il n’en fallait pas plus pour enflammer l’esprit des deux frères.
Tom et Nora avait bien essayé de les raisonner, mais ils avaient finalement échoué à les empêcher de revenir au Royaume Uni, après la prise de Londres. Une grande victoire pleine de promesses, même leurs parents avaient du en convenir. Arthus avait vu une étincelle dans le regard de son père, du genre qu’il n’avait jamais vu auparavant.
Arthus et Colin étaient revenus les premiers. Ils avaient participé à certains combats, notamment la bataille de Poudlard. Ils s’étaient réjouit lorsque Tom et Nora les avaient rejoint : enfin, en famille, ils allaient faire quelque chose de grand…

***

« Tire-toi je te dis ! » Cette fois, Arthus tressaillit.
« Pas question ! »
« Merde sois pas con ! C’est toi qu’ils veulent, et ils t’en feront baver ! Barre-toi, je vais les retenir ! »
Arthus hésita une dernière fois, puis, serrant les lèvres et baissants sa baguette, il fit mine de partir. Avant de se raviser. Il prit le temps d’étreindre Colin brièvement et partit en courant.

Ca s’était passé trois ans plus tôt.
Arthus vivait depuis dans les caches Phénix, un peu partout au Royaume Uni. Il avait fait son possible pour aider la cause, bien qu’on le regardât parfois de travers : Thomas Macnair avait trahi, et de la façon la plus terrible qui fut. Beaucoup de gens étaient morts, ce jour-là. Des enfants. Des gens bien.
Arthus ne savait pas s’il pourrait pardonner à son père un jour. A dire vrai, il en doutait. Il n’était même pas sur d’en avoir envie. Mais il était certain d’une chose : il trouverait un moyen de libérer Colin.