Sheherazade, reviens ici tout de suite !

Une petite fille riait, courant entre les ruelles de la ville de Nazareth Illit, une ville principalement basée sur la communauté juive mais qui n'empêchait pas les autres religions de se retrouver. Les jours de marché étaient ses préférés parmi tous, le petit lézard qu'elle était pouvait facilement se glisser entre les étales colorées des marchands. Piquer une date-ici, une orange-là, sa mère passant derrière elle et s'excusant pour elle de ses méfaits : elle ne pense pas à mal, vous savez, disait-elle à chaque fois.

Sa mère n'avait aucune autorité sur la petite fille. Si tôt Shehe avait-elle appris à marcher qu'elle avait cherché à courir, si tôt avait-elle appris à courir, elle avait cherché à fuir.

L'autorité ? Ce fût une notion vague pour la fillette. Elle savait juste qu'il ne fallait pas dépasser certaines frontières, que certaines ruelles étaient à éviter. Parfois elle rencontrait des militaires qui la ramenait chez elle et ses parents n'apprenaient que là qu'elle avait réussi à s'enfuir. Car Sheherazade mit un moment pour grandir physiquement et ne plus être un simple petit lézard. Une enfant vive d'esprit et de corps qui était aussi malicieuse qu'éprise de liberté.

Elle ne comprenait pas immédiatement, pourquoi les hommes, femmes et enfants de Nazareth commençaient à manquer. Elle ne comprenait pas pourquoi des hommes dans des tenues étranges venaient à eux, on ne lui avait pas expliqué. Pourquoi tout à coup, on se lavait à l'eau froide - quand on pouvait se laver -, pourquoi l'eau manquait, pourquoi on ne pouvait pas manger à sa faim, pourquoi ce soir il n'y aurait pas la télévision et pourquoi ce soir on utilisait des bougies. Pourquoi ces soirs devenaient des mois, pourquoi ses parents finissaient par être si maigre. Ses parents paniquaient déjà assez, ses parents étaient pauvres aussi et n'avaient pas toujours de quoi finir la fin du mois ou payer toutes les factures, surtout qu'ils n'étaient que deux à travailler et avaient cinq enfants à nourrir. Et finalement, c'était toute sa famille qui avait été déportée, emmenée loin de leur patrie. Cela avait été par étapes, que ses parents avaient tentés au mieux qu'ils pouvaient de cacher aux enfants, de dédramatiser alors qu'eux même étaient effrayés. Les hommes qui les avaient déplacés parlaient arabe mais Sheherazade n'avait guère envie de les entendre parler, tout ce qu'elle voulait, c'était partir courir à nouveau dans les étales du marché. Ses aînés avaient toujours été très protecteur avec elle et les deux derniers, mais même eux semblaient muets tout à coup, sans trop oser faire quoi que ce soit. Et si Sheherazade tenait de s'enfuir, il n'avait pas fallu grand chose aux étrangers pour la retenir et la bloquer à un endroit.

Elle n'avait jamais vraiment connu la magie à Nazareth, c'était des contes pour enfant dont elle ne croyait pas grand chose. Son père, sa mère, lui avaient souvent contés des histoires là-dessus mais les voir en vrai était autre chose.



Sur la route, elle restait au moins avec sa famille. Ils rencontrèrent des hommes et femmes qui, eux, n'avaient pas eu ce luxe et angoissaient en permanence sur ce qu'était devenu les membres de leur familles. Etaient-ils morts ou vivants, il y avait des chances qu'ils ne le sachent jamais. Sur la route, frères et soeur devinrent plus soudés que jamais. Loin des sempiternelles disputes d'enfants et adolescents, ils devinrent plus réalistes sur ce qu'il se passait et risquait de se passer. Il fallait aussi dire que leur parents ne leur auraient jamais autorisés de se disputer en des moments pareil.

Sur la route, ils rencontrent du monde des quatre coins de l'Europe et ils durent s'adapter au langage tout d'abord. Après l'arabe et l'hébreu, ce fut le Yiddish qu'elle apprit à parler, une étrange variante de l'hébreu qui ne lui plaisait pas d'abord. Mais la survie valait bien ces efforts.

Arrivés en Angleterre, ils furent séparés des autres personnes. On s'était approché d'eux, les détaillant. Elle ne comprenait rien de leur langue, puisqu'elle n'avait jamais parlé anglais même à Nazareth, elle n'avait pas appris ce langage et elle peinait déjà à apprendre le Yiddish à la dur.

Pourquoi Dieu ne nous vient pas en aide ? On prie tous les jours à s'en écorcher les genoux, alors pourquoi ne vient-il pas ? Pourquoi la misère continue ?

Avec un tel voyage, elle avait souvent demandé à ses aînés pourquoi le dieu qu'ils s'évertuaient à prier ne les aidait pas, ne serait-ce qu'un signe qu'il était là, qu'il fallait juste patienter et se montrer fort. Aucun signe. Sa mère lui avait demandé de ne pas se montrer si impertinente, dieu faisait ce qu'il voulait quand il le voulait, parfois il fallait traverser de dures épreuves qui étaient des tests pour leur foi. Sheherazade trouvait dieu bien cruel de leur imposer ça alors qu'ils n'avaient jamais manqués Shabbat, ils n'avaient jamais rien manqués, pas une messe, pas un rituel, pas une prière ni un remerciement. Sa famille avait toujours été croyante et pratiquante et pourtant on les mettait tous à rude épreuve.

Sa religion, elle la remit souvent en question. Les doutes persistaient pour la jeune fille qui ne comprenait pas pourquoi on leur jouait des tours si odieux, ce qu'ils avaient fait pour mériter ça. Car pour elle, il ne pouvait s'agir là que d'une punition.

Si elle pleurait ? Au début, oui, qui ne l'aurait pas fais ? Elle n'était qu'une enfant à qui on arrachait tout et qui ne comprenait rien à la vie. Puis la fierté prenait le dessus, l'orgueil aussi et plus jamais elle ne versa une larme. La petite fille s'endurcissait juste, redevenant la petite fille mordante et piquante qu'elle avait été, mais elle s'endurcissait. Elle gardait la tête haute, fière de qui elle était. Que ces hommes venus d'ailleurs pouvaient bien lui dire qu'ils n'étaient des moins que rien, elle, savait qu'ils étaient bien plus. Qu'un jour, on lui rendrait la pareille et qu'ils subiraient ce qu'ils leur faisaient subir.

Son rapport à la magie se développait durant ce voyage. Elle comprenait ce que ces gens étaient et ce qu'ils faisaient avec leur baguettes, parfois sans. Elle les observait, les regardait faire. Elle ne comprenait pas comment eux parvenaient à faire ça mais elle assimilait vite que ces baguettes les aidaient dans leur pouvoirs. Mais elle ne réussit jamais à s'approcher suffisamment près de l'un de ces sorcier pour lui prendre sa baguette.




Ils arrivèrent ainsi chez ceux qu'on appelait Shafiq en premier temps, du moins, dans ce qui ressemblait plus à un entrepôt où on entassait les nouveaux arrivants. Des lieux leur étaient réservés et bientôt, ils seraient répartis par utilité à la société sorcière. Ils restèrent deux jours avant qu'on ne décide ce que l'on ferait d'eux. Ses grands frères furent envoyer aux mines dans un premier temps, jugés assez costauds pour ça. Ses petits frères restèrent avec elle au départ. Elle devait s'occuper d'eux, ses parents étaient envoyés pour servir les moldus, trop vieux pour les champs, trop vieux pour les mines, ils étaient envoyés comme domestique. Elle n'a jamais su où, on ne lui a jamais dis. Et elle ne les a jamais revu depuis leur arrivée chez les Shafiq.

Le plus angoissant pour elle après cette séparation avec sa famille, était la barrière de la langue. On lui parlait, lui demandait des choses qui semblaient évidentes mais qu'elle ne comprenait absolument pas, si bien qu'on lui parlait comme si elle était attardée mentale alors qu'elle ne comprenait juste pas la langue de ces étrangers. Pourtant les Shafiq avaient une peau semblable à la sienne, sombre, colorée par le soleil, de ce qu'on leur avait dit d'eux. Mais ces Shafiq ne venaient pas d'Israël et ils n'en virent jamais un, ne purent jamais essayer de les approcher ou demander des explications et aucun employé ne leur répondait non plus.

Pendant des mois, elle s'occupait de ses petits frères comme leur mère l'aurait fait. Elle était pourtant jeune, très jeune, mais si elle ne le faisait pas, qui l'aurait fait ?

Quand elle fût jugée utile, c'est un tatouage qu'on lui apposait. Un symbole et un numéro. Elle entendait encore sa mère lui dire et dire que nos ancêtres ont évités Auschwitz, tout ça pour quoi ? .


Quand elle fût assez grande, on lui trouvait un maître. Ecbert, se nommait-il, un vieux sang-pur gallois qui avait besoin d'un esprit jeune et vif pour penser pour lui aux choses auxquelles il ne pouvait pas toujours pensé. Oh, il n'avait aucun trouble psychologique, aucun trouble de la mémoire. Mais Ecbert était un homme de science, un homme de culture qui avait toujours la tête à de nouvelles aventures, ça et là, il lui fallait quelqu'un pour cuisiner, quelqu'un pour penser pour lui à certaines choses comme faire ses sacs, vérifier qu'il n'avait pas oublié d'affaires, quelqu'un pour porter ses sacs, quelqu'un pour le soutenir dans toutes les tâches qu'il voulait faire. C'est donc Sheherazade qui serait celle qui deviendrait sa tête à penser. Pour ces choses là, car Ecbert ne lui demandait jamais son avis sur le monde actuel, pas au départ en tout cas.

Une relation de confiance devait se faire entre eux, Ecbert le voyait ainsi. Il voulait une relation de confiance avec sa domestique, il lui expliquait donc qu'avec lui, elle ne craignait rien tant qu'elle était honnête. Honnête sans être insolente et arrogante.

Ecbert ne l'appelait jamais Sheherazade, mais Shoshana. C'était pourtant son second prénom mais il trouvait ça plus poétique et gracieux que Sheherazade, qu'il trouvait trop long. Shoshana, Shehe parfois. Il se montrait présomptueux et elle n'avait pas son mot à dire là-dessus.

Les premiers mois furent difficiles car malgré la relation de confiance qu'Ecbert voulait instaurer, Sheherazade avait été séparée des derniers membres de sa famille, ses petits frères qu'elle aimait tendrement et sur qui elle avait veillé. Elle ne se montrait pas franchement conciliante au départ, traînant la patte comme un animal blessé.

Originaire de Cardiff, il avait pourtant préféré s'installer à Avalon, il trouvait les choses plus proches et plus intéressantes pour lui, elle l'avait donc suivie et aidée à ce déménagement soudain, car il avait jusque là fait nombreux aller retour, mais l'âge avançant, rester à Avalon lui semblait être une évidence.

Le manoir qu'ils occupaient lui semblait hors de propos. Les proportions étaient irréalistes, trop grande pour seulement un maître et sa domestique. Mais ainsi était Ecbert, toujours dans l'excès. Ce manoir était un manoir familiale, qu'il avait longtemps considéré comme un manoir de vacances en Angleterre. Il y avait donc déjà beaucoup de ses affaires et c'était une des rare fois où elle bénissait la magie de rendre les choses plus faciles pour tout ranger. Mais leur vie à Avalon n'avait, au départ, pas arrêter pour autant les voyages comme il lui avait pourtant dit. Il aimait faire des rencontres, Ecbert, il aimait aller en Ecosse aussi.

Près du manoir, alors qu'elle portait les courses, ils trouvèrent un chat. Un chat d'égout comme ils croisaient souvent mais qui lui semblait mal en point. Il lui faisait penser à elle, curieusement. Un parallèle étrange se faisait. Le sorcier lui invitait à le prendre, si elle le souhaitait. Que ça pouvait l'occuper au manoir, que s'occuper d'un chat, que ça lui ferait une compagnie quand lui s'enfermait des heures dans son bureau à lire ses parchemins. Alors elle l'avait pris et l'avait appelé Mistrigri, elle l'avait ramenée, l'avait soigné, couvé. Il avait eu raison, cela lui faisait une occupation, une distraction.

Ecbert et Sheherazade finissaient par se connaître. Savoir comment agir et réagir l'un avec l'autre. Il lui avait laissé le temps qu'il lui fallait pour s'adapter, se faire à sa situation nouvelle qui ne changerait pas. Vint les soirs où il lui demandait de venir l'endormir avec des histoires qu'elle lui raconterait. Ecbert parlait nombreuses langues et quand ce n'était pas lui qui lui racontait les temps pas si ancien où les moldus et sorciers vivaient ensemble, c'était elle qui lui parlait d'Israël en hébreu, langue qu'il avait appris à parler il y a longtemps. Cela facilitait la communication entre eux, nettement. Il n'était pas comme tous les sorciers qu'elle avait rencontré et elle commençait à éprouver une certaine affection pour ce vieillard. D'elle-même, elle arrêtait de se montrer si peste et désagréable pour être plus conciliante. Le vieillard était gentil, la traitait bien et elle comprendrait bien vite qu'elle ne faisait pas parti des plus malheureux des moldus, bien au contraire, elle avait même eu de la chance de tomber sur ce sorcier. Ecbert gardait en mémoire son jeune temps où moldus et sorciers vivaient en paix et s'il s'était fait à son nouveau monde, il n'oubliait pas l'ancien ni les amitiés qu'il avait eu avec les moldus, ses voisins pour beaucoup, des commerçants pour d'autres, des passagers encore pour certains. Mais Ecbert n'acceptera jamais de rechercher les frères de Shehe ni de les acheter avec elle. Une seule était suffisante et il ne voulait pas risquer un trop gros regroupement de moldus chez lui, surtout une famille qui avait déjà perdu des leurs avec les années. Il ne voulait pas courir le risque que l'on complote chez lui et que cela lui retombe dessus si cela s'apprenait. Le manoir était grand mais la magie était utile et Sheherazade aussi.

Ce fût donc une autre rancoeur qu'elle gardait, cette frustration grandissante de ne jamais pouvoir revoir sa famille, pas même savoir ce qu'ils devenaient, s'ils étaient vivants ou non.


Son sorcier n'était pas un mauvais bougre, pas comme ceux qu'elle avait rencontré et eut l'audace de défier du regard, peu lui en importait les conséquences. Alors il lui laissait parfois quelque heures de libre si elle avait fait ses tâches. Parfois il l'envoyait faire les courses pour lui, parfois il lui laissait du temps pour elle. Evidemment, elle ne savait pas qu'il y avait des intentions plus douteuses derrière, elle n'avait pas la faculté de lire dans les esprits. Alors il y avait des fois comme celle-ci où elle pouvait vaquer à ses occupations et se rendre dans un parc que le sorcier lui avait indiqué, pour rencontrer des gens de son espèce. Il lui avait dit d'y aller, rencontrer un homme peut-être. Elle croyait qu'elle avait là l'opportunité d'être libre pour quelque heures, tout en sachant qu'elle devrait tôt ou tard revenir chez lui, qu'elle devrait être à l'heure qui plus est.

Dans ce parc, elle y voyait des hommes et des femmes parlant entre eux, se rencontrant. Elle ne savait pas que le but derrière était que les moldus se rencontrent et se reproduisent pour faire perdurer l'espèce, elle pensait juste qu'enfin elle pouvait rencontrer des gens qui, pour elle, étaient normaux. Elle y faisait donc la rencontre de quelque moldus, parlant anglais. Quand ils se rendirent compte qu'elle parlait anglais le strict minimum, ils lui recommandèrent certains moldus qui, eux, parlaient arabe, lui disant : va les voir, tu t'entendras sûrement avec eux. Les moldus étaient déjà parqués et voilà qu'on les faisait se réunir en plus entre eux, selon leur origines. Elle l'avait pris comme ça, en tout cas.

Elle y fit donc de nouvelles rencontres et parler arabe avait été une façon curieuse de se rassurer. Elle y fit la rencontre, plus particulièrement, de Ghassan. L'homme venait d'Egypte de ce qu'il lui disait, lui aussi était passé par la case où il n'avait rien compris à ce qu'il se passait, on l'arrachait juste de chez lui. Ghassan était musulman mais leur religion en ces instants n'étaient pas un obstacle à leur entente. Ils pouvaient discuter de leur religions, de choses qui leur semblaient être de véritables sujets intéressants plutôt que toujours cette magie à laquelle ils ne comprenaient rien et ne voulaient rien comprendre. Ghassan avait à peu près son âge et elle l'avait trouvé fort charmant dès le premier instant où ils s'étaient croisés, mais il leur avait fallu deux années à se fréquenter pour finalement partager leur couche. Couche, si l'on pouvait dire, ce fût surtout des rendez-vous secrets dans des lieux tout aussi secrets. Sheherazade découvrait ainsi de nouveaux plaisirs, autre que bien manger et bien dormir après une journée éreintante à suivre son sorcier partout pour ses courses ou ses voyages.

Ghassan avait été dans les mines mais après s'être brisé le bras gauche et que les sorciers avaient jugés qu'il valait mieux qu'il arrête d'aller à la mine malgré leur rapidité à pouvoir le soigner, il avait été relayé comme servant dans un manoir voisin, cela faisait cinq années et pourtant avant le parc, ils ne s'étaient jamais croisés, ce qui l'avait laissée perplexe ; combien de moldus n'avait-elle pas vu dans son entourage ? Etait-elle passée à côté de quelque chose ? Après s'en être rendue compte, une chose était sûre, elle avait fais bien plus attention à son entourage.

Et c'est après ces fameuses deux années que Ghassan eût assez confiance en elle pour lui confier son plus gros secret ; il n'était pas qu'un simple moldu, il faisait surtout parti d'une organisation secrète.

Son sorcier, Ecbert, finissait par apprendre la relation qui s'était installé entre les deux moldus. Il n'avait pas refusé qu'elle entretienne ce type de relation, elle avait pourtant cru, avec ce qu'on lui avait dit, qu'il ferait partir Ghassan, mais il n'en n'était rien et la relation pouvait continuer. Mais Sheherazade ne semblait pas vouloir se satisfaire que d'une personne pour l'heure, découvrant ainsi que les moldus pouvaient s'amuser à leur façon. Au parc, elle avait pu rencontrer d'autres personnes, dont une femme en particulier. Pourquoi choisir ? Elle se décidait à se laisser aller aussi avec cette femme, qui, publiquement, prétendra être sa meilleure amie. Elle n'avait jamais imaginé pouvoir aimer une femme dans ce sens mais c'était arrivé. Cela, Ecbert ne l'apprit jamais toute fois et Ghassan non plus, cela valait mieux ainsi, elle n'était pas au folle au point d'ignorer ce qu'elles risquaient à ce que cela se sache. Cette femme faisait elle aussi partie de cette fameuse organisation secrète. Il semblait donc d'autant plus évident pour Sheherazade qu'elle devait les rejoindre...

Avec Ghassan, les choses étaient à la fois facile et compliquée. Elle l'aimait, c'était sûr, peut-être moins que lui pouvait l'aimer toute fois. Car l'un des problème de Sheherazade était que l'amertume faisait trop parti d'elle désormais et gangrenait peu à peu son coeur, de façon si sournoise qu'elle pouvait l'être. Plus les années passaient et plus sa haine pour les sorciers s'agrandissait. Elle ne faisait pas son deuil de sa vie passée et Ghassan ne l'y aidait pas non plus.

De toutes ses rencontres, Sheherazade apprenait aussi les arts de la séduction et des charmes, qu'elle pouvait aussi être une femme et non une domestique qui autrefois avait connue la liberté totale. Elle pouvait aussi jouer à sa façon dans ses instants de liberté, rencontrer des moldus, partager leur expériences. Mais de toutes ses relations, il n'y avait jamais eu que Ghassan qui était resté et qu'elle comptait bel et bien garder. Persuadée qu'à deux, ils étaient plus forts. Si elle était rongée par la haine et la rancoeur envers les sorciers, elle tenait énormément à cet ami et aurait aimé plus de liberté de mouvement. Qu'il rejoigne Ecbert, qu'ils soient sous le même toit. Mais cela n'arrivait pas encore et elle ignorait si cela pouvait arriver un jour.

Quant à sa meilleure amie, Senbi, cette relation restait secrète même auprès de Ghassan qui ne semblait pas se douter du réel lien qu'entretenait Senbi et Sheherazade. Ce qui valait mieux ainsi, même pour les moldus ces relations étaient extrêmement mal vus. Et tant Sheherazade que Ghassan étaient pratiquants ce qui rendaient la chose encore plus compliquée. Et parce qu'ils étaient pratiquants, Ghassan tenait à ses racines et Sheherazade lui cachait bien toutes les aventures qu'elle avait pu avoir. Car si elle estimait qu'ils n'étaient pas ensemble officiellement, il semblait considérer les choses différemment. Pratiquants, de deux religions curieusement similaires, ils auraient du ne se satisfaire que d'une personne. Ce que lui faisait et ce qu'elle devrait apprendre à faire tôt ou tard. Elle ne voulait pas continuer à vivre dans le pêché.


Ecbert était un sorcier extrêmement vieux, fatigué par les années et l'expérience, le savoir aussi pesait lourd. C'est un soir qu'il demandait à Sheherazade de reprendre ses histoires, comme elle l'avait souvent fait. Car là était une de ses tâche principale qu'occuper l'esprit d'Ecbert. Lui raconter des histoires, l'accompagner dans ses voyages pour s'assurer que ses vêtements seraient propre, s'assurer qu'il n'oublierait pas certaines affaires, lui rappeler de manger, ces choses qu'il oubliait de faire. Il avait longtemps aimé que Sheherazade lui raconte des histoires et lui avait souvent dit que son prénom lui faisait penser à cette fameuse femme des mille et une nuits, Sheherazade avait apprécié savoir que le sorcier connaissait ces contes moldus et lui avait déjà lu ce long livre à plusieurs reprises. Mais ce fameux soir, il lui demandait de lui inventer une histoire, lui raconter. Avec les années, Sheherazade avait développé ce talent pour raconter des histoires, ce talent pour inventer ces histoires sur le tas et elle avait aussi développé un talent particulier pour le mensonge. Mais ce soir là, elle lui avait conté une histoire, plutôt longue. Le sorcier s'était éteint dans son sommeil.

Elle avait ressenti une pointe de tristesse en s'en rendant compte. Ecbert avait été plutôt bon avec elle, contrairement au maître de Ghassan. Ecbert avait été gentil, les tâches qu'elle avait eu à faire n'étaient pas spécialement dégradantes et la seule qu'elle avait détesté était de porter tous les livres ou sacs d'Ecbert lorsqu'ils revenaient de leur courses habituelles.

A la mort d'Ecbert, après la veillée, les biens étaient revendus pour ceux qui n'étaient pas sur son testament. Et Sheherazade fût envoyée dans une nouvelle famille, les Mulciber. Ecbert avait même pensé à elle en lui léguant leur chat, celui qu'ils avaient trouvés dans la rue.

Son séjour fût bref chez les Mulciber. Elle y était restée quelque jours, refusant de coopérer en restant enfermée dans sa chambre, dans son lit. Les autres servantes lui avaient demandés de se bouger, faire des efforts pour que cela ne retombe pas sur elle. Mais elle n'en fit rien ; si cela vous plaît d'être des moins que rien, grand bien vous fasse, moi, je refuse. On ne saurait pas dire quand elle avait cru qu'elle avait réellement le choix de discuter des ordres, car même chez Ecbert elle n'eût jamais ce luxe. Pourtant elle croyait encore avoir le choix. On lui avait pourtant appris comment les choses fonctionnaient maintenant, comment cela fonctionnait chez les sorciers. Mais elle avait gardé cette image de ses premières années de vie où elle était libre de faire ce qu'elle veut. Cette envie de retrouver cette liberté là. Mais les Mulciber ne l'entendaient pas de la même oreille et n'avaient rien de la gentillesse et patience d'Ecbert. Elle apprendrait à la dure comment les choses devaient fonctionner, que cela lui plaise ou non.

Mais Sheherazade était sournoise en plus d'être caractérielle et si elle faisait quelque rares concessions chez les Mulciber, cela ne dura pas. Les sorts reçus ne faisaient jamais que renforcer sa haine pour les sorciers, mais pas lui faire apprendre comment les choses devaient fonctionner.


Elle ne supportait pas l'état dans laquelle elle était relayée. Elle restait sur cette idée de liberté qu'elle avait eu enfant et qu'elle avait à peu près connu chez Ecbert. C'est Ghassan qui finissait par la convaincre de rejoindre la Nouvelle Inquisition. Sheherazade avait un caractère fort, assez pour subir un doloris et gardait ses idées de base, assez pour savoir que jamais elle ne ploierait pour les sorciers et que s'ils voulaient la voir à genoux, ils seraient forcés d'user de sortilège. Elle les détestait, c'était tout aussi simple. Elle était excessive et que certains sorciers puissent être différent lui effleurait parfois l'esprit, mais les risques ne devaient pas être pris.

Si l'idée générale dans la Nouvelle Inquisition était d'améliorer les droits des moldus, leur rendre leur "gloire" d'antan, Sheherazade ne partageait pas leur innocence qu'elle trouvait être de la stupidité, leur meilleur moyen était de répondre avec la même violence dont ils avaient fait preuve toutes ces années à leur encontre. Elle avait envie de leur rendre la pareille, leur faire comprendre ce qu'ils avaient tous ressentis toutes ces années. Les tortures, les insultes, les séparations déchirantes. Sa religion n'était pourtant qu'amour et paix, sa religion lui obligeait à préserver la vie. Mais si Dieu ne voulait pas intervenir, elle interviendrait. Et peut-être était-ce lui, finalement, qui lui donnait la force nécessaire pour se bouger, non ?

Elle fût renvoyée chez un sorcier à la mort d'Ecbert et cela avait été bref comme allée. Un refus d'obtempéré, un second. Un doloris pour lui apprendre les bonnes manières, manières qu'elle refusait d'apprendre. Wilfric Mulciber n'était guère comme Ecbert. Alors il n'hésitait pas à la renvoyer à son premier maître, puisque Sheherazade se révélait être particulièrement inutile pour eux.

Sheherazade n'eût pas encore de grade dans la Nouvelle Inquisition, elle n'eût aucun rôle particulier. Elle en faisait juste partie, nouvellement. Prête à se jeter corps et âme dans la cause qui lui semblait être la plus juste et salutaire pour eux. Mais il lui faudrait des années (ou mois si elle était chanceuse et digne) avant qu'ils ne lui fassent suffisamment confiance pour lui confier de réelles missions. Mais le recrutement était déjà une belle tâche en soi, avoir à parler à certains moldus, en faire des amis pour ensuite voir à les réunir à leur cause, c'était un beau début.


Parce qu'elle était une garce, elle l'avait payé au prix fort, même si certains prétendaient qu'il y avait pire et plus radicale, comme, la mort. Sheherazade ne s'était jamais faite à sa condition et les années ne l'avaient guère adoucie, elle était une femme fière. Mais être envoyée chez les Shafiq avait du bon. Puisqu'elle faisait parti de la nouvelle inquisition, elle pouvait surveiller ainsi pour eux de plus près les moldus, et dieu qu'ils étaient nombreux chez les Shafiq. Le vieux Mulciber l'avait renvoyée chez les Shafiq et elle aurait pu mourir, par chance pour elle, pour une fois qu'elle en avait, le maître, Ajay Shafiq, décidait de la mettre à l'épreuve pour voir si elle était si terrible que cela, puisqu'elle avait servie loyalement pendant des années son premier maître. Elle n'avait toujours pas fais son deuil d'Ecbert par ailleurs, une perte qu'elle n'avouerait pas mais qui la touchait beaucoup. Mais elle servait comme il se devait, gardant pour elle sa langue de vipère, jurant parfois lors de certaines tâches en arabe, dans ses dents. Mais les Shafiq n'étaient pas des maîtres particulièrement horribles non plus, ils lui semblaient toujours plus agréables à servir que le Mulciber. Sa mission n'allait toute fois pas encore si loin qu'ils l'espéraient puisqu'il lui fallait entrer en contact avec les autres moldus, des moldus qui iraient dans d'autres familles ou qui iraient dans les champs ou les mines et pourraient faire passer quelque mots. Car les rares fois où elle s'était rendue à l'endroit de travail du Shafiq en chef, cela lui avait retourné l'estomac. Les souvenirs revenaient, douloureusement. Et elle n'avait pas encore pu rentrer en contact avec les autres moldus, puisqu'il fallait avant tout servir son maître.

Mais coincée dans un premier temps chez les Shafiq, elle ne put prendre part aux événements d'Avalon, ses collègues l'avaient faits et elle en était secrètement jalouse. Elle aussi, aurait aimé participer, d'une manière ou d'une autre. Elle n'avait aucune idée de comment, mais elle aussi, aurait aimé participer à bouleverser le monde des sorciers, leur rappeler que les moldus n'étaient pas que des chiens et serviteurs, mais aussi des êtres qui possédaient une conscience. Elle ne se sentait pas faite pour rester sur le côté pendant que les autres faisaient bouger les choses. Depuis ce coup, elle se sent frustrée de ne pas avoir pu participer à l'attaque, un goût amer de devoir rester chez les Shafiq à essayer de faire changer la mentalité des moldus présents pour leur rappeler qu'ils pouvaient avoir le choix. C'était discrètement qu'elle le faisait, choisissant bien les personnes à qui parler, celles qui manifestaient déjà de base un attrait de rébellion. Elle n'allait pas vers les personnes qui lui semblaient sûres d'elle d'abord et ses mots étaient toujours minutieusement choisis. Elle n'allait que vers ceux qui tentaient déjà une quelconque rébellion.

Elle fût aussi assez frustrée et jalouse que Ghassan ne lui ait pas demandé de le rejoindre pour participer à cette rébellion. Quant aux Shafiq, depuis son arrivée chez eux, elle a veillé à se montrer plus conciliante. Elle était là où les supérieurs de la Nouvelle Inquisition voulaient qu'elle soit pour l'instant, plaçant eux aussi leur pions sur leur échiquiers, tirant profit des talents oratoire de Sheherazade. Celle-ci se montrait donc plus conciliante avec les Shafiq, quand bien même cela heurtait sa fierté et manquait de l'étrangler elle-même parfois de leur dire amen à tout. Elle n'a pour autant rien perdue de son entêtement et sa détermination, elle essaie juste de prendre sur elle pour attendre le meilleur moment pour attaquer. Comme un serpent jaugerait sa proie avant de lui bondir dessus et la mordre et répandre son venin mortel.

Il fallait aussi dire qu'elle n'avait pas forcément de mal à se montrer conciliante avec les Shafiq. A leur manières, ils lui paraissaient agréables et à leur manières ils lui rappelaient de là où elle venait, un pays chaud, des odeurs épicées, des vêtements colorés. Son nouveau maître était aussi fort agréable à regarder, même si elle estimait - un de ses rare point commun avec les sorciers - que moldus et sorciers étaient incompatible, elle avouerait sûrement - ou pas - que son maître, Ajay, ne la laissait pas indifférente et que cet attrait facilitait plutôt le travail.


Elle aurait pu se satisfaire de cette vie chez les Shafiq, elle aurait pu essayer de relativiser sa vie d'esclave, les Shafiq avaient beau être marchand d'esclave, elle était bien traitée chez eux. Mais pourquoi se satisfaire de ça ? Il n'était plus dans sa nature de se satisfaire des petites choses, d'attendre que le temps passe. Elle tissait pourtant des liens particuliers avec certains, elle s'était vite fait sa place. Elle jouait les esclaves apeurées, les esclaves dociles et toujours à l'écoute. Ce qu'on attendait d'elle. L'esclave pieuse qui après son travail terminé, s'en allait prier et si on lui demandait pourquoi elle priait, elle répondait que c'était pour que tout se passe bien, pour un avenir radieux, que les choses restent ainsi parce qu'elle aimait cette vie et que cette vie avait un sens. C'était faux. Elle priait surtout pour que le règne sorcier prenne fin et que Dieu lui donne la force d'y mettre un terme. Elle avait évolué avec le temps et avait commencé à changer son regard sur la religion, c'était une évolution pas à pas, qui prenait du temps. Sa foi lui avait permis de garder la tête haute pendant longtemps mais être auprès d'esclave comme elle lui permettait aussi de voir les choses sous un nouvel angle ; tout n'était pas terminé pour eux.

Elle avait donc participé aux événements de la Tour des Médias, accompagnée d'amie et d'inconnus. Elle s'était surprise elle-même dans un tel moment à venir en aide à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas et qu'elle n'appréciait pas particulièrement, qu'elle croisait mais sur qui elle préférait ne pas s'attarder. Il parait que c'est dans ces moments là qu'on apprend sur nous et qui nous sommes réellement, lorsque notre vie est en danger. La Tour des Médias lui aura appris beaucoup sur elle et ce qu'elle pouvait faire. Qu'elle était égoïste mais peut-être pas tant qu'elle le pensait, car elle aurait pu laisser sa camarade boiteuse derrière, sa blessure ne la concernait pas. Cette personne ne la concernait pas. Pourtant elle avait fait demi-tour, quitte à perdre du temps et risquer "inutilement" sa vie à ce moment, juste pour sauver les fesses de cette personne. Ce soir là, elle était même parvenue à poignarder dans le dos, avec du verre brisé, une sorcière dont elle ignorait le nom, Ellaria. C'était l'occasion rêvée pour le faire, pourquoi s'en priver ? Dans le dos, ça allait de soi, pourquoi aurait-elle fait autrement ?

Puis elle sera rentré en toute discrétion, mais pas chez les Shafiq. Elle n'y sera rentré que tard dans la nuit. C'était cette nuit-là où elle se fiancera avec son compagnon de plusieurs années, croyant sur l'instant que c'était l'occasion rêvée pour le faire. Ce qui se révélait être, avec le recule, une belle connerie.

La fidélité ? Elle s'y essaiera. Parce que sa religion lui imposait, parce qu'elle croyait que c'était ce que l'on attendait d'elle. A défaut d'être loyal envers "ses maîtres", elle devait l'être avec les siens, plus particulièrement avec Ghassan. Mais elle finira surtout par comprendre qu'elle n'avait pas besoin d'un homme pour exister, pour survivre. Comme pour la religion, elle aura mis du temps à comprendre certaines choses, en réaliser d'autres. Ce n'est qu'en attaquant le Château des Kark qu'elle comprendra cela.

Elle n'avait plus besoin de maîtres si c'était pour vivre à genoux, elle n'avait surtout plus envie de faire semblant pendant encore 10, 20, 30 années. C'était Ghassan qui l'avait encouragée à rester chez ses maîtres, au moins elle avait à manger tous les jours et pouvait dormir dans une chambre, ce n'était pas une vie de rêve mais les Shafiq n'étaient pas cruels, pas méchants. Ils ne la considéraient pas comme une égale et ne le feraient sans doute jamais mais ils n'étaient pas méchants pour être méchants, ils faisaient juste comprendre ce qu'ils voulaient et elle n'avait pas à répliquer, pas son mot à dire. Et si elle faisait bien son travail, pas de problèmes. Mais pourquoi devrait-elle faire ce travail ? Surtout que les sorciers, en quelque tours de magie, pouvaient tout ranger et nettoyer, pouvaient cuisiner. Pas besoin de personnel pour ça.

C'était la quasi noyade au château et d'avoir vu la mort de si près, qui lui aura fait changer de vision. Dieu n'était pas là, Dieu ne lui donnait pas la force de quoi que ce soit. C'était les Hommes et leur actes qui l'aidaient. Ou ce jour là, c'était un Phénix qui l'avait aidé. Un sorcier. Il l'avait porté sur son dos, l'avait sorti de là. Ils s'étaient entraider à plusieurs reprises alors que rien ne les y obligeait.

Difficile pour l'égo, encore plus difficile de devoir faire la part des choses mais une étape obligatoire dans sa vie. Dieu n'était plus aux commandes, c'était à eux de les prendre. A eux de décider. Sheherazade avait décidé d'abandonner son foulard. Elle avait surtout abandonné sa cagoule ce jour-là et était devenue une fugitive et si elle avait toujours craint de le faire, c'était en réalité libérateur. Elle était enfin honnête avec elle-même. Mentir aux autres était une chose mais se mentir à soi-même ? Elle arrêtait. Il fallait évoluer. Cela aura pris des mois à ce qu'elle le réalise mais c'était nécessaire. Des étapes dans sa vie qui la poussaient à changer, aussi. C'était évoluer ou se faire bouffer, selon elle. Adieu les Shafiq, adieu le foulard et adieu Ghassan. Adieu entre guillemets, surtout un au revoir, se fiancer par nécessité et non par amour, quel intérêt ? Elle ne voulait plus vivre et se mentir. Se refuser certains plaisirs de la vie, par conviction religieuse qui finalement ne l'avait jamais menée nul part. Qui n'avaient fait que la priver de ce qu'elle aimait et qui n'avait jamais été récompensé. Il n'y avait de toute façon pas de Paradis, juste la vie qu'on menait sur Terre et comment nous voulions la mener.